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XII.

ladies contagieufes, prenant fes repas auprès de fon lit: & après la mort elle voulut l'enfévelir elle-même. Une Religieufe ayant dit à la mourante:>> Vous allez vous féparer de nous, » ma sœur, vous nous laiffez bien affligées. » Oh! ma Sœur, répondit-elle, je ne me fé» parerai jamais de vous: tout ce que Dieu a » uni, ne peut être divifé.

Pendant que la Mere Angélique s'occupoit Affaire du dans fa petite Communauté à cimenter & à Chapelet feanimer le nouvel Inftitut, il furvint dès la precret du Saint miére année 1633. une affaire qui fit de l'éSacrement. clat. C'est l'affaire du Chapelet fecret du Saint Sacrement. La Mere Geneviève le Tardif faifoit depuis long-tems quelques pratiques & quel-. ques actes pour honorer le Saint Sacrement, pour lequel elle avoit une finguliére dévotion. La Mere Angélique qui n'en avoit pas moins adopta la formule d'Actes, & l'augmenta jufqu'au nombre de 16. Actes par la confidération des 16. fiécles qui fe font écoulés depuis l'Inftitution de cet augufte Sacrement. Cette espéce de Chapelet fut imprimé en une feuille par ordre de M. de Langres, & perfonne n'y trouva rien à reprendre. Ce n'eft pas celui qui a fait tant de bruit dans la fuite; mais il peut bien y avoir donné occafion. Car ce fut dans le même tems en 1627. que le P. Condren de l'Oratoire entretenant fur ce fujet la M. Agnès dont il étoit Directeur, exigea d'elle qu'elle lui dit ce qu'elle faifoit, & comment elle témoi gnoit fes adorations à Jefus-Chrift au très-faint Sacrement. Elle ne put bien s'expliquer par paroles; mais elle mit fur le papier une formule d'adoration,compofée de 16. points, qui étoient des penfées affectueufes, & comme l'on dit, de faints élans d'une ame pénétrée d'amour fur 16.

attributs de Jefus-Chrift dans le Sacrement de l'Autel. Elle mit ce petit Ecrit entre les mains du P. Condren, qui le communiqua à M. de Langres & à M. l'Archevêque de Sens. Il fut fort goûté de tous les trois. Mais il demeura fecret depuis 1627. jufqu'en 1633. & c'est pour cela qu'il a toujours été nommé le Chapelet fecret, pour le diftinguer du premier, qui avoit été rendu public par l'impreffion. Il en tomba une copie entre les mains d'une Sainte Carmélite, nommée Marie de Jefus ; parce que comme elle étoit en grande vénération pour fa vertu & fes lumiéres dans les chofes fpirituelles, la Ducheffe de Longueville & la Mere Angélique ne lui cachoient rien de ce qui concernoit l'établiffement projetté de l'Institut du

Saint Sacrement.

Le Cardinal de Bérulle & les Supérieurs des Carmélites conçurent fur la Mere Marie de Jefus quelque foupçon qu'elle pourroit bien quitter les Carmélites pour entrer dans le nouvel Inftitut. Ils la refferrérent dans fa cellule, ne la laiffant parler à qui que ce foit. Elle mou rut dans cette efpéce de captivité. Les Carmélites ayant trouvé ce petit Ecrit du Chapelet dans fa cellule, s'en firent honneur, penfant qu'il étoit de la compofition de la défunte. Mais comme il ne s'y trouva rien qui choquât les amis à qui elles le montrérent, il ne fit point encore d'éclat ; & le Chapelet fecret rentra bientôt dans le fecret, & y demeura jufqu'en 1633. qui fut l'année de l'établiffement de l'Inftitut. L'Archevêque de Sens qui n'étoit déja plus en bonne intelligence avec l'Evêque de Langres, le principal Acteur dans l'établissement du nouvel Ordre, voulut jetter des foupçons fur l'efpéce de dévotion qui animoit les perfonnes.

qui entroient dans l'œuvre. Il fe fervit pour cela de ce Chapelet fecret, qu'il alla tirer de l'obfcurité qu il étoit, & prétendit qu'il étoit plein d'illufions; ne fe fouvenant pas apparemment que fix ans auparavant il l'avoit trouvé admirable. Il le mit entre les mains du Docteur Duval Supérieur des Carmélites, qui en fit une cenfure clandeftine, fignée de fept autres Do&teurs avec lui. Il l'envoya auffi à Rome pour en obtenir la condamnation, & le combattit en même-tems par un petit Ecrit intitulé: Remarques fur le Chapelet fecret. On a cru que cette piéce étoit d'un Pere Binet Jéfuite. La Mere Angélique fort étonnée de ce qui fe passoit, fit chercher quelqu'exemplaire du Chapelet. On n'en put trouver aucun, ni dans la maison du Saint Sacrement, ni dans celle de P. R. On ne put en découvrir qu'un feul à Maubuiffon entre les mains de l'Abbeffe, la Mere des Anges, à qui l'on fe fouvint qu'autrefois on en avoit donné une copic.

La Mere Angélique voulant favoir sûrement ce qu'il falloit penfer de la doctrine du petit Ecrit, l'envoya à M. de S. Ciran, & le pria de lui en dire fon fentiment. Elle favoit bien que cela ne déplairoit pas à M. de Langres, qui étoit déja très-lié avec cet Abbé, & qui lui avoit déja donné cette grande marque de confiance, de foumettre à fon examen les Conftitutions qu'il avoit dreffées pour le nouvel Inftitut. M. de S. Ciran rendit fur l'Ecrit un juge ment favorable, & déclara qu'il ne contenoit rien qui fût contraire à la Doctrine Catholique. La Mere Agnès qui étoit alors à l'Abbaye de Tard en Bourgogne, fut également furprise & affiigée, lorfqu'elle apprit qu'un chétif Ecrit qu'elle n'avoit jamais cu intention de rendre public,

public, paroiffoit au jour après tant d'années,
& excitoit un affez grand orage. M. de Lan-
gres
fe crut engagé, & par le rang quil tenoit
dans le nouveau Monaftére & par l'eftime
particulière qu'il avoit pour la Mere Agnès
de prendre hautement le parti du Chapelet.

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Comme M. de Sens avoit déja fait parler les Docteurs de Paris, qui s'étoient déclarés contre l'Ecrit, M. de Langres s'adreffa aux Docteurs de Louvain pour avoir leur jugement doctrinal. Deux Docteurs de cette Université, Janfénius & quoique grands partifans de la fainte antiquité Fromondus. & très-ennemis des nouveautés dans les matiéres fpirituelles, déclarérent » que le Chapelet » étoit à l'abri de tout reproche, & qu'il ne » préfentait que les innocens tranfports d'une »ame enyvrée de Dieu, & heureusement tranf» formée en Jefus-Chrift, comme en jugeroient » tous ceux qui s'entendroient en langage d'a» mour divin. «,Il faut obferver que l'erreur du Quiétifme, & de ce qu'on appelle le pur amour, n'ayant pas encore fait d'éclat dans l'Eglife, les myftiques alors n'étoient pas tant fur leurs gardes pour s'exprimer d'une manière bien exacte. Auffi il faut avouer que les penfées de cet Ecrit étoient un peu outrées, & les expreffions alambiquées ; elles fembleroient tenir un peu à cet amour prétendu pur,& mal-à-propos définté reffé, lequel non-feulement fe porte à Dieu fans aucun regard du bonheur propre de la perfonne qui aime, mais qui iroit même à renoncer à fon bonheur, pour la plus grande gloire de Dieu. Je vais en rapporter quelques traits. Les 16. Attributs de Jesus-Christ dans l'Euchariftie, font ceux-ci: fainteté, vérité, liberté,exiftence, fuffifance, fatiété, plénitude, éminence, poffeffion, règne, inacceffibilité, incompréhenfibilité Tome I.

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indépendance, incommunicabilité, illimitation inapplication. Voilà déjà des titres bien recherchés & d'une fingulière affectation: titres au refte fort dans le goût de ce fiécle, comme on peut s'en convaincre par la lecture des livres de piété, que les Auteurs de ce tems-là, & entr'autres les premiers Peres de l'Oratoire, le P. Condren & autres faifoient imprimer : & il toute apparence que c'étoit d'eux que la M. Agnès avoit pris ce ftile & cette maniére extraor dinaire de penfer.L'explication de chacun de ces Attributs répondoit à la fingularité de leurs noms; par exemple, dans l'article de la Sainteté, on dit qu'on » fouhaite que la fociété que J. C. >> veut avoir avec les hommes, foit d'une manié>re féparée d'eux,& réfidente en lui-même. Votre bonté,ajoute-t'on, vous donne le défir d'une réfidence mutuelle en nous,mais votre fainteté » ne vous le permet pas. « On fent bien ce que la perfonne veut dire, , que c'eft toujours pour fa propre gloire que Jefus-Chrift réfide dans l'ame fidéle, & non pour aucun befoin qu'il ait de nous. Mais cela eft exprimé d'une maniére trop dure, & même peu intelligible. Il en eft de même de ce qui fuit fur l'attribut de la Liberté. On dit » qu'on renonce à toutes les » promeffes de Dieu entant que promeffes portant engagement, & qu'on ne veut les re»cevoir que comme promeffes partant du mouvement libre de Jefus-Chrift. On veut faire entendre que ce feroit une efpéce de dépendan ce en Jefus-Chrift, s'il étoit lié par fes prome fes fans rapport à fa miféricorde libre & gratuite. Sur l'attribut de la Satiété: » Permettez

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que je vous défire pour vous, qui êtes mon bonheur, & ne vous fouciez pas de moi. Sur celui de la Plénitude: Exercez-moi dans ces fouftractions divines qui dépouillent l'a

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