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La Germanie, dit M. d'Anville, que l'on fait avoir été le berceau de la Nation Françoise, avoit en particulier une mefure itinéraire appellée Raft: ce terme fignifie proprement en langue Germanique, une ftation, un repos en cheminant, & fon application paroîtra convenable à des distances. S. Jérôme fur Joël eft le premier qui en ait fait mention : après avoir dit en général que chaque Nation a un terme qui lui eft propre pour défigner la mesure des efpaces, il ajoute en particulier, univerfa Germania raftas (vocat). On peut raffembler plufieurs témoignages qui prouvent que la rafte valoit deux lieues. Dans un ancien Traité publié par Rigaut, & qui donne une gradation de mefures depuis le stade jusqu'à la rafte dua leuva, five milliarii tres, apud Germanos unam raftam efficiunt. Beda (de Numeral. divifion.) fournit la même définition. Dans un Diplôme de l'Empereur Louis le Débonnaire, en date de l'an 824, on lit: Inter campum & filvam leugæ duæ ; id eft rafta una : & dans un plus ancien titre, & du Roi Dagobert, Leucas fex, quas homines illius loci fiti dicunt raftas tres effe.

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Les Tribunaux de Castille ont une mefure juridique de la lieue, qu'ils appellent del Cordel de la Corte, fixée à cinq mille vares ou à trois mille pas, par une loi d'Alphonfe X ; & dans les loix d'Efpagne, ce que le terme de Partida défigne quelquefois comme celui de Legua, eft réputé compofé de trois mefures particulieres, appellées Migerias ou Migeros; & il eft évident que ce terme remplace celui de Milliare. Čette lieue juridique ou légale eft bornée par fon usage en Espagne, à fixer des limites à l'exercice de quelques Officiers ou Suppôts de Juftice à l'égard des Villes où ils font établis.

,

par

La lieue que nous venons de définir, laquelle eft contenue vingtfix fois & deux tiers dans un degré, & eft la mesure de trois quarts-d'heure de chemin étoit donc commune à la Gaule, à Efpagne & à la Germanie. On peut croire également qu'elle étoit en ufage dans la Grande-Bretagne, parce qu'elle faifoit tie du systême métrique de l'Europe, qui étoit de mefurer les diftances itinéraires par quart-d'heure, demi-heure, trois quartsd'heure & heure de chemin. Le mille étoit le chemin d'un quartd'heure; la lieue que nous avons trouvé compofée de deux milles & en ufage dans la Gaule, étoit la mesure d'une demi-heure de chemin; la rafte mefuroit trois quarts d'heure ; & nous allons bientôt parler d'une lieue qui étoit la tâche horaire commune d'un

voyageur.

Le Parafange, appellé Pharfanc par les Perfes, Pharfach ou Par feh par les Arabes, Pharfa par les Juifs & les Rabbins, Farfank ou Ferfenk par les Arméniens, & que M. d'Anville croit égal à l'Agash des Turcs, contient de demi-heures de chemin 1, de milles Afiatiques 3, de milles Romains 3, de milles Européens ou de quarts-d'heure 3, de chemins fabbatiques 7, de grands ftades Afiatiques 22, de ftades olympiques 25, de ftades nautiques 30, de ftades Delphiques ou Marfeillois 33, de pléthres 180, de chebels 300, de décapodes 1800, d'orgyies 3000, de coudées pelos 3600, de xylons 4000, de pas fimples 7200, facrées 9000, de coudées Royales de Babylone 12000, de pieds philétériens 13500, de pygons 14400, de pieds olympiques 15552, de pygmes 16000, de pieds Romains 16200, de pieds géométriques de Babylone ou d'Europe 18000, de pieds pythiques ou Marfeillois 20250, de fpithames 24000, & de toifes du Châtelet de Paris 2568.

à

30

d'am

Nous avons vu, en traitant du stade nautique, qu'Hérodote & Xénophon évaluoient par-tout le parafange à 30 ftades nautiques, & que cette mefure étoit celle des Perfes, & en usage dans toute l'étendue de leurs Etats; ce qui est aussi confirmé par Héron, qui l'évalue à 30 ftades, quoique fans fpécifier l'efpece: ainfi il n'y a point d'incertitude fur la valeur de cette mesure. Il feroit fuperflu de citer ici tous les Auteurs qui l'évaluent, les uns ftades d'autres à 3 milles Afiatiques, d'autres à 9000 coudées facrées d'autres à 12000 coudées Royales de Perse, d'autres enfin à 288000 dactyles ou travers de doigt: on en peut voir la longue série dans Edouard Bernard (de Menf. & Pond. lib. III, p. 244, 245& 246.). Il ne faut donc pas écouter Buxtorf, qui dans fon Dictionnaire Rabbinique dit que le mille eft le quart du parafange: Mil eft quadrans Parfe ni ce Poëte, quel qu'il foit, qui définiffant le chemin d'un jour dans ce diftique qu'on trouve à la fin du Pharafath fecalim, dit:

Iter diei decem parfas continet,

Et qualibet parfa quatuor milliaria.

Le chemin d'un jour contient dix parafanges, & chaque parafange milles. Si cela étoit vrai, le chemin d'un jour pour un voya

quatre

geur feroit de 40 milliaires Asiatiques, valant douze heures de

chemin,

chemin, ou autant de lieues de vingt au degré. C'eft trop, & il eft visible que le Poëte & Buxtorf ont ici confondu le schène du Delta avec le parafange. Le mot Pharfanc en perfan, fignifie parva miffio, c'est-à-dire, comme l'entendent quelques-uns, chemin d'une heure pour un homme de pied. Waferus (de Menf. Hebr.) rapporte que les Loix défendoient aux Juifs de s'éloigner du lieu de leur habitation de plus de trois parafanges, qui font près de trois heures de chemin, les veilles des jours de Sabbat. On craignoit que s'ils s'en fuffent écartés davantage, ils n'euffent pas eu le temps de préparer les alimens néceffaires pour leur nourriture du lendemain qui étoit un jour de repos & de cessation de tout travail. Si donc le parafange avoit été de quatre milles, la Loi leur auroit permis de faire 24 milles ou 7 lieues de 20 au degré les veilles de Sabbat, & ils n'auroient pas eu eu le temps de préparer les mets néceffaires pour le lendemain. Lieue marine de France & d'Hollande; lieue itinéraire d'Espagne, de Portugal, de Gascogne, de Provence, de Pologne & de Lithua lieue d'une heure & de vingt au degré. Cette lieue répond à parafange, 2 demi-heures de chemin, 3 milles Afiatiques, 3 milles Romains, 4 quarts-d'heure ou milles Européens, 8 chemins du Sabbat, 25 grands ftades Afiatiques, 28 ftades olympiques, 33 ftades nautiques, 37 ftades pythiques ou Marfeillois, 133 cordeles Efpagnoles, 200 pléthres, 2000 décapodes, 3333 orgyies, 4000 ampelos ou pas géométriques, 6666 vares de Caftille, 8000 pas fimples de voyageur, 10000 coudées facrées, 15000 pieds philétériens, 16000 pygons, pieds Tongres ou Bataviques, 17280 pieds olympiques, 18000 pieds Romains, 20000 pieds géométriques univerfels d'Europe, d'Asie & d'Afrique, 22500 pieds Delphiques ou Marseillois, 2853 toifes du Châtelet aux environs de Paris. On la divife encore en trois milles pour la navigation fur l'Océan, enforte que chacun de ces milles répond à une minute de degré de grand cercle, ce qui épargne des opérations de calcul aux Pilotes.

nie;

1

La lieue d'Efpagne eft un fujet de controverfe entre les Ecrivains de ce pays. Edouard Bernard, après avoir allégué plufieurs Auteurs qui évaluent la lieue de terre à trois milles, en allégue d'autres qui établiffent que la lieue marine étoit de quatre milles. D'autres Savans Efpagnols n'admettant qu'une forte de lieue, soutiennent qu'elle étoit compofée non de trois, mais de quatre milles;

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M. d'Anville cite en premier lieu le témoignage de Ginés de Sépulveda (Sepulv. Epift. lib. III, p. 169.), lequel, dans une Lettre écrite en 1543 au Prince d'Efpagne, qui par l'abdication de Charles-Quint en 1555 fut le Roi Philippe II, s'explique ainfi fur ce fujet Spatium à noftris leucam appellatum, non tribus ut vulgò docti etiam homines opinantur, fed quatuor millibus conftare. Gruter en parle de même (Infer. ant. p. 150.), d'après Sépulveda vraifemblablement. Mariana & Refendius, l'un en Caftille, l'autre en Portugal, ont été dans la même opinion: le premier (de Pond. & Menf. cap. 21.) cite un Auteur Espagnol qui a reconnu qu'un espace valant foixante milles, répond à ce qu'on eftime communément quinze lieues. Moralez (Antiqued. de la Ciud. de España, fol. 33.), après avoir rapporté ce qu'Antonio de Lebrixa ( ou Nebriffa), qu'il qualifie de nueftro buen Maeftro de toda España, concluoit d'avoir trouvé, favoir; que les mefures d'un Cirque & d'un Naumachie à Mérida, & pareillement des intervalles de milliaires, quadrent à la mesure du pied Caftillan ; ajoutez de pareilles recherches, faites confécutivement par un autre Espagnol habile & exact, nommé Efquivel, qui ayant remarqué que l'ouverture des arcades d'un long aqueduc de conftruction Romaine près de Mérida, eft réguliérement de cinquante vares ou de cent cinquante. pieds de la mesure de Caftille, a continué d'appliquer cette mefure aux intervalles de plufieurs colonnes milliaires dans l'efpace d'une vingtaine de lieues, intervalles qu'il a conftamment trouvés

de treynta y tres cordeles y tercia, qui font la quatrieme partie

d'une lieue compofée de quatre milles. L'existence d'une lieue compofée de quatre milles en Espagne eft donc certaine, mais celle d'une lieue compofée de trois milles ne l'eft pas moins; par conféquent il y a en Espagne deux fortes de lieues; l'une compofée de trois milles, dont l'ufage eft borné à fixer des limites à l'exercice de quelques Officiers de Juftice, comme nous l'avons déja dit d'après M. d'Anville; & l'autre évaluée à quatre milles, fert dans l'eftime des diftances itinéraires.

Il exifte un vieil ufage accrédité, même parmi quelques Savans, de comparer les mefures itinéraires des différens Peuples en les réduifant en pas qu'on appelle géométriques, & compofés chacun de cinq pieds. On s'imagine être fort inftruit, quand on a appris que la lieue de tel endroit contient tant de pas géométriques. Voici, par exemple, le galimathias qu'on trouve dans des

Livres faits pour des voyageurs : Le pas commun de l'homme eft de deux pieds & demi. Le pas des Allemands, qu'on appelle pas géométrique, eft de cinq pieds de Roi. Ainfi quand on dit : le mille d'Italie a mille pas; la lieue de France a trois mille pas; celle d'Allemagne a quatre mille pas; le ftade le ftade a 125 pas; on entend des pas géométriques. La plus grande lieue de France a 3500 pas géométriques; la grande ordinaire 3000 pas; la moyenne ou commune 2400; la petite 2000, &c. &c. Ces inftructions paroiffent tirées du Traité des mesures itinéraires du fieur Samfon d'Abbeville, Géographe. du Roi, qui dit que le pas géométrique eft la mefure la plus commune, la meilleure & la plus certaine de toutes & chez les anciens & chez les modernes. Pour que cela fùt vrai, il faudroit que le pied qui fert d'élément au pas, fût auffi le même par-tout & dans tous les temps, ce qui n'eft pas. Comment l'entend d'ailleurs M. Samfon, en difant que la lieue commune de vingt-cinq au degré est de 2400 ou 2500 pas, & la lieue de vingt au degré de 3000 pas? il n'emploie pas le pied de Roi pour compofer fon pas, car alors la lieue de 25 au degré contiendroit 2739 pas, & la lieue d'une heure 3424. C'est donc apparemment le pas imaginaire & gigantefque des Allemands qu'il emploie ici. Mais fuivant ce Géographe, le mille Romain ancien & moderne eft de mille de ces pas, le ftade de 125 pas, &c. Il est évident qu'on ne nous enfeigne ces erreurs, que parce que depuis nombre de fiecles on a perdu l'idée du pas géométrique, compofé de deux pas fimples & naturels d'un homme de moyenne taille qui voyage. taille qui voyage. Le pas fimple eft réputé par les anciens de deux pieds géométriques & demi ; on pourroit, je penfe, le trouver plus grand, mais on doit croire qu'ils ont eu égard en cela à la commodité du calcul. Le pas géométrique univerfel, qui pourroit fervir à comparer toutes les mefures itinéraires, eft donc de cinq pieds géométriques, & à ce compte le quart-d'heure de chemin ou le mille Européen fera de 1000 pas géométriques, la demi-heure de chemin de 2000 pas, la lieue commune de 25 au degré de 3200 pas, la lieue d'une heure ou de 20 au degré de 4000 pas, la lieue commune d'Allemagne de 5333 pas; mais je penfe que c'eft par erreur qu'on a eftimé cette lieue de 15 au degré, qu'elle n'a été originairement que de 20 au degré & de 4000 pas géométriques antiques. La journée de chemin pour un voyageur de pied en hiver, & évaluée par Samfon à 8 lieues d'une heure ou à io lieues communes,

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