De nous autres provinciaux Montre combien dans nos propos Nous sommes au fait de ce monde, Et présente dans tout leur jour
Notre force et nos connoissances Sur les nouvelles et la cour, Sur l'usage et ses dépendances.
Ce trait excusera mon zéle De vous être si tard offert, Grace à l'éclipse habituelle Dont notre mérite est couvert. Mon anecdote n'est pas neuve; Mais les provinciaux passés Sont trop dignement remplacés Pour que le temps nuise à ma preuve. Quand Vardes revint à la cour, Rappelé par la bienfaisance, Après un très mortel séjour De province et de pénitence, Louis quatorze, avec bonté, S'informant du
Qu'il avoit mené, du génie, Du ton de la société
Au lieu qu'il avoit habité :
« Sire, excellente compagnie,
<< De l'esprit comme on n'en a point,
« Gens charmants, instruits de tout point,
« Et d'une ressource infinie.
« Ce sont des conversations
Incroyables, fort amusantes;
« Il s'y traite des questions
« Très neuves, très intéressantes. « Par exemple, quand je partis, « On avoit mis sur le tapis « Un problème assez difficile, « Et sur lequel toute la ville << Parloit sans pouvoir s'accorder: « La question étoit critique; « Il s'agissoit de décider « Une matière politique, « Et qui, de votre majesté, « Ou de Monsieur, étoit l'aîné » Sur notre gauloise ineptie C'est trop arrêter vos regards, Tandis que la gloire, les arts, Et le bonheur de la patrie, Vous occupent de toutes parts, Tandis que votre main féconde Soutient, dans ses brillants travaux, Le pavillon et les drapeaux
Du pacificateur du monde.
Puissent mon hommage et mes vers
Vous être heureusement offerts,
Loin du bruit de la galerie,
Loin du chaos des suppliants,
Quand vous viendrez quelques instants
Respirer à la tuilerie!
C'est dans ce séjour enchanteur, Palais de Flore et de Minerve, Que le premier fruit de ma verve. Reçut le prix le plus flatteur Des suffrages dont je conserve
Un souvenir cher à mon cœur; C'est dans ces beaux lieux que j'espère
Aller quelque jour vous offrir
encens d'un solitaire,
Avec les fruits de son loisir;
Et dans les différentes classes D'originaux, valant de l'or,
Dont j'ai peint, dans un libre essor, L'esprit, la sottise, et les graces, Vous trouverez peut-être encor Que, même sous un ciel barbare, J'ai sauvé de l'obscurité
Un rayon de cette gaieté
Qui devient aujourd'hui si rare, Quoique très bonne à la santé.
A M. LE CTE DE ROCHEMORE.
Élève et successeur d'Horace, De Despréaux et d'Hamilton, Vous qui nous ramenez leur ton, Et leur coloris, et leur
grace, Sans effort, sans prétention, Sans intrigue, et sans dédicace; O vous, dont l'aigle et les zéphirs Guident au gré de vos desirs La route toujours neuve et sûre, Peintre brillant de la nature, De la sagesse et des plaisirs; Quand vous dérobez à notre âge Des tableaux que la vérité, Et le génie, et la gaieté,
Ont marqués par la main d'un sage Du sceau de l'immortalité; Dites-moi, divin solitaire, Dites, par quelle cruauté Rappelez-vous à la lumière
Un phosphore, une ombre légère Qu'ont tracés mes foibles crayons, Et dont la lueur passagère
S'efface aux feux de vos rayons?
Sur les songes de ma jeunesse Laissez les voiles de l'oubli;
Que mon désert soit embelli Par votre main enchanteresse: Voilà le seul lien de fleurs
Par qui je veux tenir encore A cet art qu'on profane ailleurs, Et que la raison même adore Quand il brille de vos couleurs. Prenez cette lyre éclatante
Qui, par ses sons majestueux, Maîtrise mon ame, m'enchante, M'élève à la hauteur des cieux; Ou que ce facile génie
Qui, de la céleste harmonie
Sait descendre aux délassements
D'une douce philosophie,
M'offre encor ces amusements,
Ces écrits sans cajolerie,
Sans satire, sans basse envie,
Ces écrits nobles et riants, Sans pesante bouffonnerie, Où la gaieté jointe au bon sens,
Crayonne l'humaine folie
Sous les traits heureux et brillants
De la bonne plaisanterie,
Dont tout le monde a la manie,
Et qu'atteignent si peu de gens.
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