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sont déjà bien disposés, et non pas à y amener ceux qui en ont l'esprit éloigné.

Il est vrai, qu'en favorisant ce sentiment de Grotius, M. Simon fait semblant d'y apporter quelques restrictions à sa mode; c'est-à-dire, des restrictions vaines et enveloppées, par où il se prépare des échappatoires, quoiqu'elles soient en effet des convictions de son erreur. Il se peut faire, dit-il (1), que Grotius ait trop étendu son principe (des allégories), mais on ne doit pas le condamner absolument, comme s'il appuyoit le judaïsme. C'est au contraire la seule voie de répondre solidement aux objections des Juifs. On voit déjà combien foiblement il attaque Grotius: en disant, il se peut faire. Il n'y a rien qui favorise plus une objection hardie qu'une réponse molle. Pendant que Grotius tranche le mot, et qu'il ravit aux chrétiens les principales preuves de leur religion, on se contente de le réfuter, en disant : qu'il se peut faire qu'il ait trop étendu son principe; mais quel principe? qu'il y a des allégories dans l'Ecriture, ou que quelques-unes des prophéties que les apôtres appliquent à Jésus-Christ, sont fondées sur des allégories? qui jamais s'est avisé de le nier? Son principe donc est de dire que ces allégories doivent avoir lieu dans les principaux passages dont notre Seigneur et les apôtres se sont servis pour établir la venue et les mystères du Messie. Voilà, en effet, le principe de Grotius; d'où il conclut que, pour prouver la mission de Jésus-Christ, les apôtres se contentoient de sa résurrection et de ses miracles. Et M. Simon, loin de combattre un (1) P. 808.

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principe si pernicieux, trouve que c'est là au contraire la seule voie de répondre solidement aux objections des Juifs; c'est-à-dire, que la seule voie de leur répondre est de montrer que les principales preuves dont Jésus-Christ et les apôtres se sont servis, n'ont point de force. Un sentiment si propre à excuser les Juifs, étoit digne de Socin et d'Episcopius. Socin, en parlant des prophéties, se contente de dire avec une extrême froideur (1), qu'il y en a quelques-unes dans lesquelles il étoit parlé en quelque façon du Messie qui devoit venir, et qu'on pouvoit entendre assez clairement de Jésus de Nazareth. C'est ce qu'il dit dans ce livre des leçons théologiques dont M. Simon a tant recommandé la lecture. On ne pouvoit pas parler plus foiblement des prophéties que cet auteur. En effet, il met si peu dans les prophéties le fondement de la religion chrétienne, qu'il ne croit pas même la lecture du vieux Testament nécessaire aux chrétiens. Episcopius a suivi ses pas. On sait que ce défenseur de l'arianisme étoit un socinien un peu plus modéré, ou plutôt un peu plus couvert que les autres, qui enseigne au reste assez nettement l'indifférence des religions, et ne fait du christianisme qu'une espèce de philosophie peu nécessaire au salut. Un tel homme, qui prenoit si peu d'intérêt à la religion chrétienne, ne devoit être guère touché des prophéties, qui en font la gloire aussi bien que le fondement; et voici en effet ce qu'il en pense, au rapport de M. Simon : il examine, dit ce critique (2), les prophéties et les autres passages de l'ancien Tes(1) Instit. Theolog, præf. part. 1.— (2) P. 801.

tament

tament qui sont rapportés dans le nouveau ; et comme la plupart y sont cités par forme d'allégories, il ne peut souffrir L'OPINION de ceux qui croient que les évangélistes et les apôtres ont employé ces allégories pour prouver que Jésus-Christ étoit le Messie; ce qui est, dit-il, contraire au bon sens, et même à la pensée de ceux qui se sont servis les premiers de ces sens mystiques. Ils se sont contentés des miracles et de la résurrection de Jésus-Christ, pour prouver aux fidèles qu'il étoit le Messie, ayant proposé ces sortes d'interprétations à ceux qui l'avoient reconnu.

Voilà donc d'où nous est venu le mépris des prophéties. Fauste Socin a commencé de les affoiblir: Episcopius leur a ôté toute leur force, jusqu'à ne pouvoir souffrir, dit M. Simon, qu'on les fit servir de pre..ves: Grotius a copié Episcopius, et a tâché d'établir son sentiment par toutes ses notes, et M. Simon marche sur leurs pas.

La manière dont il répond à Episcopius découvre le fond de son cœur. Car après avoir déclaré que cet auteur ne peut souffrir la preuve des prophéties, au lieu de confondre son impiété par quelque chose de fort, M. Simon ne lui oppose que cette -foible défense (1): Mais il semble qu'une bonne partie de ces autorités de l'ancien Testament pouvoient aussi faire quelque impression sur l'esprit des Juifs mêmes, qui n'étoient point encore convertis, voyant que leurs docteurs les avoient aussi appliquées au

Messie.

C'est ainsi qu'il a coutume de fortifier les argumens des sociniens, auxquels il ne répond qu'en

(1) P. 802.

BOSSUET. V.

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tremblant. Il semble, dit-il, il n'en sait rien, qu'une bonne partie de ces passages, il ne dit pas même que c'est la plus grande, pouvoient faire, non pas même une forte impression, mais quelque impression. Mais peut-être qu'ils pourront faire du moins cette impression telle quelle par la force même des passages? Point du tout; c'est à cause que les docteurs juifs, en les appliquant à d'autres, les ont aussi appliqués au Messie. La belle ressource pour l'Evangile! toute la force des prophéties consiste à faire peut-être quelque impression sur les Juifs, non par les paroles mêmes, mais à cause que leurs docteurs leur auront donné un double sens, dont ils en auront appliqué un au Messie, sans y être forcés par le texte; comme si le Saint-Esprit avoit craint de parler trop clairement par lui-même.

CHAPITRE XXIII.

On démontre contre Grotius et M. Simon, que JésusChrist et les apótres ont prétendu apporter les prophéties comme des preuves convaincantes auxquelles les Juifs n'avoient rien à répliquer.

Je ne pense pas qu'on s'attende ici à une pleine réfutation de cette erreur, que tout chrétien doit détester, dès-là qu'elle tend à faire voir, premièrement, que Jésus-Christ et les apôtres ont mal prouvé ce qu'ils vouloient; secondement, que les Juifs ont raison contre eux, et enfin, que l'Evangile n'est pas clairement fondé sur les prophéties.

Et en vérité on ne comprend pas comment Epis

copius et Grotius ont pu dire que les preuves que les apôtres et Jésus-Christ même tiroient de l'ancien Testament, ne fussent pas convaincantes (1); puisqu'il est écrit en termes formels que Paul et Apollos même, convainquoient les Juifs, en ne disant rien que ce qui est écrit dans les prophètes (2) : ni pourquoi il a plu à ces auteurs de réduire à un petit nombre les passages qu'on opposoit aux Juifs; puisque saint Paul les en accabloit durant tout un jour, depuis le matin jusqu'au soir (3); assurant en un autre endroit, qu'on les trouvoit indifféremment dans toute la lecture des sabbats (4), tant ils étoient fréquens, et pour ainsi dire entassés dans tout le corps de l'Ecriture; en sorte qu'il ne restoit aucune réplique aux Juifs, ni autre chose à saint Paul qu'à s'étonner de leur aveuglement (5). Enfin, on ne comprend pas ce qui a pu encore obliger ces mêmes auteurs à réduire la force de la preuve à la résurrection et aux miracles de Jésus-Christ, puisque JésusChrist lui-même, après avoir dit aux incrédules : Mes œuvres rendent témoignage de moi, ajoute aussitôt après dans le même endroit : Sondez les Ecritures, car elles rendent aussi témoignage de moi (6), leur montrant les deux témoignages et les deux preuves de fait sensibles et incontestables, par lesquelles il les convainquoit, les miracles et les prophéties; témoignages où la main de Dieu étoit si visible, qu'on ne les pouvoit reprocher sans reprocher la vérité même. Et tant s'en faut qu'on doive

(1) Voy. Dissert. sur Grotius, tom. iv. p. 474, et suiv. (a) Act. (3) Act. xxvIII. 22. — (4) Ibid. x111. 27. — (5) Ib. xxviii. 25. -(6) Joan. v. 36.

IX. 22.

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