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« César, qu'ils peuvent défendre de rien mettre par «< écrit pour deux raisons; la première, afin que leur << doctrine ne soit connue de personne, et qu'elle en << paraisse plus mystérieuse; la seconde, afin que ceux «< qui sont obligés d'apprendre ces vers, n'ayant point « le secours des livres, soient plus soigneux de cul<< tiver leur mémoire. » Cette maxime des druides était connue en Orient. Origène l'a remarquée, en répondant à Celse, qui faisait valoir l'antiquité des druides : « Je ne sache pas, dit ce Père, que nous «<ayons aucun de leurs ouvrages (1). »

Après le cours d'étude on subissait un examen, et l'on n'était admis qu'en récitant plusieurs milliers de vers, soit en principes, soit en réponses à des questions. Ainsi, toute la religion des druides était fondée sur une tradition, à la vérité moins invariable que les dogmes écrits, mais beaucoup moins sujette à dispute, parce que les changemens ou altérations se faisant par une voie insensible, on ne pouvait attaquer cette tradition par des écrits subsistans, et les dogmes paraissaient toujours les mêmes.

Le premier, et originairement l'unique séminaire des druides, était entre Chartres et Dreux; c'était aussi le chef-d'ordre, et le lieu de la résidence du souverain pontife des Gaulois : on en voit encore des

nonnulli annos vicenos in disciplinâ permanere, neque fas esse existimant ea litteris mandare. ( Cæsar, de Bell. gall., 1. 6. ) (1) Origen., contrà Cels., 1. 1, p. 14; edit. Spenc. Cantab., 1677.

vestiges. Le grand nombre de disciples qui y accouraient de toutes parts (1), les obligea de bâtir des maisons en différens endroits des Gaules, pour y tenir des écoles publiques, dans lesquelles on enseignait les dogmes religieux et les sciences. Il des demeures de druides dans les pays que nous nommons aujourd'hui la Beauce (2), l'Autunois,

y eut

(1) Druido rebus divinis intersunt, sacrificia publica et privată procurant, religiones interpretantur. Ad hos magnus adolescentium numerus disciplinæ causâ concurrit, magnoque apud eos sunt honore. (Cæsar, de Bell. gall., 1. 6, c. 4.)

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(2) On prétend que les druides érigèrent à Chartres un autel en l'honneur de la vierge qui devait enfanter. Ce fait est du moins attesté par un écrivain carme dont voici les paroles : « Les druides, selon Diogène - Laërce, commen«çant son livre de la vie des philosophes, étaient nommés μółεo, non pas tant à cause de la religion qu'ils ren« daient aux Dieux, qu'à cause du culte qu'ils rendaient à << Marie. Ces gens demeuraient en notre France, et poussè-<< rent Priscus, roi des Chartrains, à lui dédier son royaume. << Et pour en rendre témoignage à la postérité, il en fit faire l'image, qui fut posée dans une chapelle avec cette inscription: Virgini parituræ. Cette chapelle se nommait aussi Semnæum; et à cause qu'elle était desservie par les druides, ils furent appelés Semnothei. » (C. 31, p. 76 du livre intitulé: Succession du saint prophète Elie en l'ordre des carmes de la réforme de sainte Thérèse; par le R. P. Louis de Sainte-Thérèse, premier définiteur des carmes déchaussés en France. A Paris, chez G. Saffier, 1662.) L'oratoire de Chartres fut bâti sur le modèle de celui du Carmel; car nous lisons dans le même T. R. P. Louis de Sainte-Thérèse (ubi suprà, p. 75): « L'oratoire qu'Elie bâtit sur le mont Carmel,

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l'Auxois, le Bordelois, etc. Quelques-uns font remonter l'ancienneté du collége de Guienne, qui est le premier de la ville de Bordeaux, au temps des druides. On fonde cette opinion sur ce qu'Ausone voulant louer Patera, Delphidius et Phæbicius, qui avaient enseigné dans cette école, les fait descendre des druides, stirpe druidarum satus (1).

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duquel nous avons parlé au chapitre précédent, fut dédié << par lui à la vierge qui devait enfanter: Virgini parituræ, «< comme remarque expressément Vastellius sur le chap. 19 « de Jean de Jérusalem. Nous avons dit ci-dessus que cette chapelle s'appelait Semnæum, qui veut dire lieu consacré à « une emperière, qui ne peut être que Marie, emperière du « ciel et de la terre. » Les incrédules révoqueront peut-être en doute la fondation de la chapelle de la Vierge par Elie sur le mont Carmel. Ils fonderont leur pyrrhonisme sur le silence de l'Ecriture, qui n'aurait pas manqué d'attester un fait de cette nature; mais les PP. carmes répondront toujours avec avantage, que les livres saints ne rapportent pas tout ce qui s'est passé. La tradition n'est pas moins sûre que l'Ecriture; et qui voudrait prétendre savoir mieux qu'eux les fondations faites par leurs prédécesseurs, sanctos druidas?

(1) Voici les vers qu'Ausone fit à l'honnenr des professeurs Attius Patera, Phabicius et Delphidius. Il paraît que Phæbicius était frère de Patera, et que Delphidius était son fils.

Tu Bajocassis stirpe druidarum satus

(Si fama non fallit fidem)
Beleni sacratum ducis è templo genus:

Et inde vobis nomina;

Tibi Patera (sic ministros nuncupant

Le régime des druides faisait sa résidence dans l'Autunois pendant les six mois d'été, vers la montagne qu'on nomme encore aujourd'hui le mont des Druides, mons Druidarum; et ils passaient l'hiver dans la Beauce, où était le siége souverain de leur domination. On y tenait les assemblées générales, et on y faisait les sacrifices publics; mais les siéges de justice ordinaires, et les sacrifices particuliers, étaient assignés dans les divers lieux des Gaules où les druides avaient des retraites.

Le grand sacrifice du gui (1), de l'an neuf, se fai

Apollinaris mystici;)

Fratri patrique nomen à Phæbo datum,

Natoque de Delphis tuo.

Facunde, docte, lingua et ingenio celer,

Jocis amæne, Delphidi,

Nec reticebo senem
Nomine Phœbicium,
Qui Beleni AEdituus
Nil opis inde tulit.

Sed tamen, ut placitum,
Stirpe satus druidum,
Gentis Aremorica,
Burdigalo cathedram

Nati opera obtinuit.

Et tu, Concordi,

Qui profugus patria

Mutasti sterilem

Urbe aliá cathedram;

Et libertina....

(1) Le gui est une plante parasite qui naît sur le chêne, sur le pommier, sur le poirier, sur le prunier, sur l'acacia

sait avec beaucoup de cérémonies près de Chartres, le sixième jour de la lune, qui était le commencement de l'année des Gaulois, suivant leur manière de compter par les nuits. Lorsque le temps de cette solennité approchait, le souverain pontife envoyait ses mandemens aux vacies, pour en annoncer le jour aux peuples. Les prêtres, qui ne sortaient des forêts que pour des affaires de grande importance, et par ordre de leur chef, parcouraient aussitôt les provinces, criant à haute voix : Au gui de l'an neuf. Ad viscum druida clamare solebant, dit Pline.

La plus grande partie de la nation se rendait aux environs de Chartres au jour marqué; là on cherchait le gui sur un chêne d'environ trente ans; et lorsqu'on l'avait trouvé, on dressait un autel au pied, et la cérémonie commençait par une espèce de procession. Les eubages marchaient les premiers, conduisant deux taureaux blancs pour servir de victimes; les bardes, qui suivaient, chantaient des hymnes à la louange de l'Étre-Suprême et en l'honneur du sacrifice; les novices marchaient après, suivis du héraut d'armes, vêtu de blanc, couvert d'un chapeau avec deux ailes, et portant en main une branche de verveine entourée de deux serpens, tel qu'on peint Mercure. Les trois plus anciens druides, dont l'un portait le pain qu'on devait offrir, l'autre un vase plein d'eau, et le troisième une main d'ivoire attachée au

d'Amérique, sur le hêtre, sur l'yeuse, sur le châtaigner et sur plusieurs autres arbres.

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