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affoiblir la force des prophéties, qu'au contraire il les faut considérer comme la partie la plus essentielle et la plus solide de la preuve des chrétiens; puisque saint Pierre ayant allégué la transfiguration de Jésus-Christ comme un miracle dont il avoit luimême été témoin avec deux autres disciples (1), ajoute incontinent: Et nous avons quelque chose de plus ferme dans les paroles des prophètes, que vous faites bien de regarder comme un flambeau qui luit dans un endroit obscur; en sorte qu'on trouve dans ce témoignage les deux qualités qui rendent une preuve complète, la fermeté et l'évidence.

De nous réduire après cela au témoignage des rabbins, comme a fait M. Simon, c'est une erreur manifeste; puisque ni Jésus-Christ, ni saint Pierre, ni Apollos, ni saint Paul ne produisoient point ces docteurs : non que je veuille rejeter le témoignage qu'on tire de leur consentement, qui est un argument, comme on l'appelle, ad hominem contre les Juifs, et une nouvelle preuve de l'évidence de l'Ecriture. C'est aussi une raison pour prouver qu'il y avoit dans la synagogue une tradition non écrite du sens qu'il falloit donner à plusieurs passages pour y trouver Jésus-Christ; mais de se servir de ces argumens pour affoiblir celui de l'Ecriture et les preuves des prophéties, c'est avoir avec les Juifs, comme dit saint Paul (2), les sens obscurcis, l'esprit bouché à la vérité, et le voile devant les yeux pour ne pas voir et ne pas sentir la gloire de l'Evangile.

(1) II. Petr. 1. 18, 19. — (2) II. Cor. 111. 15.

CHAPITRE XXIV.

La méme chose se prouve par les Pères : trois sources pour en découvrir la tradition: première source, les apologies de la religion chrétienne.

M. SIMON allègue (1) les Pères en faveur du sentiment de Grotius; mais il n'en a pu nommer un seul, et nous pouvons, au contraire, les nommer tous contre lui. Mais pour ne pas entreprendre contre notre auteur une dissertation immense, et ne laisser pas cependant sa témérité impunie, nous lui marquerons seulement trois sources, où il auroit pu découvrir, non pas le sentiment des particuliers, mais celui de toute l'Eglise.

Je lui nommerai premièrement les apologies de la religion chrétienne, qu'on présentoit aux empereurs et au sénat, au nom de tout le corps des chrétiens.

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La plus ordinaire objection qu'on leur faisoit, c'est qu'ils croyoient en Jésus-Christ sans raison; mais saint Justin répondoit au nom d'eux tous, que ce n'est pas croire sans raison que de croire ceux qui n'ont pas dit simplement, mais qui ont prédit toutes les choses que nous croyons, long-temps avant qu'elles fussent arrivées (2); ce qui, selon lui, n'est pas seulement une preuve, mais encore, pour me servir de ses propres termes bien opposés à ceux de M. Simon et de Grotius, la plus grande et la plus (1) P. 808.—(2) Just. Apol. 11.

forte de toutes les preuves, une véritable démonstration, comme ce saint l'appelle ailleurs.

[Tertullien (1), un autre fameux défenseur de la religion chrétienne, dans l'apologie qu'il en adresse au sénat et aux autres chefs de l'empire romain, exclut comme saint Justin, tout soupçon de légèreté de la croyance des chrétiens; à cause, dit-il, qu'elle est fondée sur les anciens monumens de la religion judaïque. Que cette preuve fût démonstrative, il le conclut en ces termes: Ceux qui écouteront ces prophètes trouveront Dieu; ceux qui prendront soin de les entendre seront forcés de les croire. QUI STUDUERINT INTELLIGERE COGENTUR ET CREDERE (2), Ce n'est donc pas ici une conjecture, mais une preuve qui force, cogentur : ce qu'il confirme en disant ailleurs (3): « Nous prouvons tout par dates, » par les marques qui ont précédé, par les effets » qui ont suivi : tout est accompli, tout est clair ». Ce ne sont pas des allégories ni des àmbiguités, ce n'est pas un petit nombre de passages; c'est une suite de choses et de prédictions qui démontre la vérité.

Origène dans son livre contre Celse (4), qui est une autre excellente apologie de la religion chrétienne, ajoute aux preuves des autres ses propres disputes, où il a fermé la bouche aux contredisans, et il répond pied à pied aux subterfuges des

(1) On trouve dans la Dissert. sur Grotius, tom, Iv. p. 481, et suiv. ce qui est ici marqué entre deux crochets.

(3) Adv. Jud. 8. p. 164. (4) Lib. 1.

(2) Tertull. Apol. n. 18. p. 38, 42, 43, 78, 86. Lib. 111. p. 127.

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Juifs qui détournoient à d'autres personnes les prophéties que les chrétiens appliquoient à JésusChrist. Pour nous, continue-t-il (1), nous prouvons, nous démontrons que celui en qui nous croyons a été prédit, et ni Celse, ni les gentils, ni les Juifs, ni toutes les autres sectes n'ont rien à répondre à cette preuve.

CHAPITRE XXV.

Seconde et troisième source de la tradition de la preuve des prophéties dans les professions de foi, et dans la démonstration de l'authenticité des livres de l'ancien Testament.

SAINT Irénée, dont on sait l'antiquité, n'a point fait d'apologie pour la religion; mais il nous fournit une autre preuve de la créance commune de tous les fidèles dans la confession de foi qu'il met à la tête de son livre des Hérésies, où nous trouvons ces paroles (2) : La foi de l'Eglise dispersée par toute la terre est de croire en un seul Dieu, Père tout-puissant, et en un seul Jésus-Christ, Fils de Dieu, incarné pour notre salut, en un seul SaintEsprit qui a prédit par les prophètes toutes les dispositions de Dieu, et l'avénement, la nativité, la passion, la résurrection, l'ascension, et la descente future de Jésus-Christ pour accomplir toutes choses. Les prédictions des prophètes et leur accomplissement entrent donc dans la profession de foi de l'Eglise, et le caractère par où l'on dé

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signe la troisième Personne divine, c'est de les avoir inspirées. C'étoit un style de l'Eglise, qui paroît dès le temps d'Athénagoras, le plus ancien des apologistes de la religion chrétienne. C'est aussi ce qu'on a suivi dans tous les conciles. On y a toujours caractérisé le Saint-Esprit, en l'appelant l'Esprit prophétique, ou, comme parle le symbole de Nicée expliqué à Constantinople dans le second concile général, l'Esprit qui a parlé par les prophètes. L'intention est de faire voir qu'il a parlé de Jésus Christ, et que la foi du Fils de Dieu, qu'on exposoit dans le symbole, étoit la foi des prophètes comme celle des apôtres.

Théodore de Mopsueste ayant détourné les prophéties en un autre sens, comme si celui où elles étoient appliquées à la personne et à l'histoire de Jésus-Christ étoit impropre, ambigu et peu littéral, mais au contraire attribué au Sauveur du monde par l'avénement seulement, sans que ce fût le dessein de Dieu de les consacrer et approprier directement à son Fils, scandalisa toute l'Eglise et fut frappé d'anathême comme impie et blasphémateur, premièrement par le pape Vigile (1), et ensuite par le concile cinquième général (2); de sorte qu'on ne peut douter que la foi de la certitude des prophéties et de la détermination de leur vrai sens à Jésus-Christ, selon l'intention directe et primitive du Saint-Esprit, ne soit la foi de toute l'Eglise catholique.

(1) Constit. Vig. tom. v. Conc. pag. 337. edit. Labb. in extractis Theod. cap. 21, 22, 23, et seq. — (2) Ibid. in extractis. Theod. 20, 21, 22, et seq.

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