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En sorte que la même donation, la même institution contractuelle, serait régie, dans le premier cas, par la loi en vigueur au moment du contrat, et, dans le second cas, par la loi en vigueur, au moment où s'ouvrirait la succession de l'instituant ou du donateur ;

c'est-à-dire que la loi en vigueur au moment du contrat, régirait constamment la donation, ou l'institution, quant aux biens qu'elle avait déclaré disponibles, mais ne la régirait pas, quant aux biens qu'elle avait frappés d'indisponibilité.

Ce dont elle avait permis de disposer, serait toujours bien valablement donné, malgré une loi postérieure qui serait contraire; mais le don des objets dont elle prohibait expressément la disposition, serait soustrait à son empire, pour être déclaré valable par une loi subséquente.

Enfin, le don des biens disponibles serait toujours régi par la loi en vigueur au moment du contrat, quoiqu'il n'ait été consommé, et n'ait réellement produit son effet qu'au décès du donateur ce ne serait pas, en ce cas, la loi existante à l'époque du décès, qu'il faudrait suivre; et, ay contraire, le don des biens indisponibles, ne devrait être régi par la loi en vigueur au moment du contrat, parce qu'il n'aurait été consommé, parce qu'il n'aurait produit son effet qu'au décès du donateur, et qu'en conséquence la loi existante à cette époque, serait la seule qui dût être

suivie.

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Mais, comment pourrait-on concilier deux opinions absolument diffé rentes sur des cas absolument semblables, sur les effets de la même convention, sur les conséquences du principe de l'irrévocabilité qui embrasse la donation toute entière et dans tous ses résultats ? n'impliquent-elles pas évidemment contradiction dans leurs motifs? ne sont-elles pas en oppo sition manifeste avec tous les principes les plus solennels en matière de donation irrévocable?

Le droit du donataire est un et invariable: on ne peut ni le morceler ni le diviser. Il n'est pas permis de l'altérer et de le diminuer; mais il n'est pas plus permis de l'agrandir et de l'étendre.

Définitivement acquis au moment même de la donation, puisqu'il est irrévocable, et quoiqu'il ne s'ouvre qu'au décès du donateur, il doit toujours rester tel qu'il a été établi, tel qu'il a été acquis. Toujours, et quels que soient les changemens de la législation, il doit s'exécuter et s'exercer comme s'il s'exécutait, comme s'il s'exerçait, à l'instant même où il a été acquis. Pour qu'il fût soumis à la moindre variation, dans ses effets, il

faudrait qu'il cessât d'être irrévocable; mais son caractère primitif d'irrévocabilité ne peut jamais être altéré; il est au-dessus du pouvoir de la loi.

Quel est donc le droit qui a été irrévocablement acquis au donataire, dès le moment même de la donation? Il est évident qu'il ne peut y en avoir d'autre que celui que le donateur a pu lui transmettre, au méme moment: le donataire n'a reçu, en effet, que ce que le donateur a pu lui donner. id

Or le donateur n'a pu donner les biens que la loi actuelle déclarait indisponibles, ni plus que la portion dont cette loi lui permettait de disposer.

Il n'a pas même pu donner, actuellement et irrévocablement, le droit de prendre à son décès, suivant la loi qui existerait alors, d'autres biens que ceux dont la loi actuelle lui permettait de disposer; car évidemment ce serait là un moyen indirect de disposer en contravention à la loi existante, et d'éluder sa prohibition.

Et, d'ailleurs, c'est au moment où un droit quelconque est établi, au moment où il est acquis irrévocablement, que, pour être légitime et valable, il doit être conforme à la loi alors en vigueur : ce n'est que de cette loi qu'il peut tenir son existence, sa validité, sa force, puisque c'est sous son empire qu'il a été constitué; il répugnerait donc que, s'il avait été stipulé en contravention aux dispositions de cette loi, s'il se trouvait compris dans la prohibition qu'elle a prononcée, et conséquemment nuk dès son origine, il pût cependant devenir valable et produire tous ses effets, en vertu d'une loi postérieure qui aurait des dispositions contraires. N'est-il pas aujourd'hui reconnu comme un principe désormais incontestable et sacré, que, pour juger de la validité, que pour régler les effets de toute donation irrévocable, il ne faut consulter que la loi en vigueur au moment de la donation, et non celle qui peut exister au moment du décès du donateur ?

La loi du 17 nivose, qui viola ce principe, et qui voulut soumettre à ses dispositions nouvelles, les effets de toutes les donations antérieures, n'excita-t-elle pas les plus vives réclamations?

Tous les amis de l'ordre et de la justice n'applaudirent-ils pas unanimement à la loi du 18 pluviose, qui ordonna que toutes les donations irrévocables, sans distinction, et même les institutions contractuelles, seraient régies conformément aux lois sous l'empire desquelles elles avaient été consenties?

Comment donc ose-t-on proposer encore aujourd'hui de faire régler les

effets du droit conféré au donataire, autrement que le droit lui-même n'a été valablement constitué, de les faire régler non pas conformément à la loi sous l'empire de laquelle le droit a été établi et acquis irrévocablement, mais conformément à la loi sous l'empire de laquelle il s'est ouvert?

N'est-il pas de toute évidence, qu'il faut toujours remonter à l'origine du droit irrévocable, pour savoir quelle était alors son étendue, quels effets lui avaient été alors attachés par la loi existante, et quels sont en conséquence, les effets qu'il peut et doit produire, lorsque son exercice est ouvert ?

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Peut-on séparer l'effet de sa cause, pour les faire régir par des lois et des règles différentes?

Peut-on jamais faire produire à un droit établi et acquis irrévocablement lors du contrat, plus qu'il ne pouvait et ne devait produire, aux termes de la loi existante lors du contrat?

Et enfin, puisque c'est une maxime de tous les tems, et qui a été recueillie par le Code Napoléon, dans ses art. 1131 et 1153, qu'une cause illicite ne peut avoir aucun effet, et qu'une cause est illicite, quand elle est prohibée par la loi existante, peut-on douter que la donation d'objets dont la loi existante défendait expressément de disposer à titre gratuit, n'ait une cause illicite, et qu'en conséquence elle ne doive produire aucun effet.

C'est donc bien à tort qu'on a voulu soutenir que cette donation n'était pas nulle, quoiqu'elle fût prohibée par la loi en vigueur, au moment de sa confection; mais qu'elle devait valoir jusqu'à concurrence de la portion disponible, fixée par la loi nouvelle qui existait au décès du donateur. On a fait une dernière objection à laquelle il sera également facile de répondre.

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On a dit que, si la donation des biens ou de la portion de biens, qui étaient alors disponibles, devait être entièrement maintenue au profit du donataire, quoique la loi existante au décès du donateur, eût déclaré indisponibles la totalité ou une portion de ces biens, c'était par la raison que le donataire avait eu, dès l'instant même de la donation, un droit irrévocablement acquis sur les biens donnés, et qu'un droit de cette nature ne pouvait être détruit, ni même altéré par une loi postérieure; mais qu'à l'égard de la donation qui comprenait des biens, alors indisponibles, on ne pouvait pas dire que la loi nouvelle, en

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déclarant disponibles ces biens donnés, et en les conservant au donataire, violât, comme dans le cas précédent, des droits irrévocablement acquis'; que les héritiers du donateur, qui seuls pouvaient critiquer la donation n'avaient pas de droits acquis sur les biens, au moment où ils ont été donnés; et que leurs droits n'ayant été acquis qu'à l'époque de l'ouverture de la succession du donateur, et dans un tems où la loi existante avait déclaré disponibles les biens qui avaient été donnés, ces héritiers ne pouvaient critiquer la donation, sous le prétexte de l'indisponibilité des biens, cette indisponibilité n'existant plus, lorsque leurs droits avaient commencé. Une loi nouvelle, a-t-on ajouté, ne rétroagit pas, lorqu'elle ne porte pas atteinte à des droits irrévocablement, acquis avant sa promulgation, et, dans ce cas, elle a le droit de régir les conventions antérieures.

Mais qui ne verrait pas, au premier coup d'œil, qu'il n'y a dans cette objection qu'une vaine subtilité, un abus de mots, et une violation déguisée des principes?

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Une loi nouvelle rétroagit, toutes les fois qu'elle veut rendre valable, en vertu de ses dispositions, un acte quelconque qui était expressément prohibé par la loi sous l'empire de laquelle il a été fait; conséquemment elle rétroagirait, si en établissant de nouvelles règles sur la disponibilité des biens, elle voulait appliquer ces règles, pour donner de la force, et faire produire des effets à une donation antérieure qui comprenait des biens expressément déclarés indisponibles par la loi sous l'empire de laquelle elle a été faite.

Peu importe que les effets ne soient à exécuter que sous l'empire de la loi nouvelle.

Nous avons déjà dit que les effets qui ne peuvent résulter que du droit, ne peuvent pas être soumis à d'autres règles que le droit luimême, et que le droit qui n'est pas établi d'une manière valable, conformément à la loi existante, ne peut jamais produire d'effets qui soient valables.

La loi nouvelle n'a pas, sans doute, le pouvoir d'établir un droit différent de celui qui a été établi définitivement dans l'acte de donation; elle n'a donc pas, non plus, le pouvoir de faire produire au droit établi, des effets différens de ceux qu'il pouvait et devait produire en vertu de la loi sous l'empire de laquelle il a été constitué.

Autrement, ce serait réellement un droit nouveau qu'elle établirait; ce serait une donation nouvelle qu'elle créérait, de sa propre autorité, à la place de la donation primitive que la loi lors existante avait expressement réprouvée.

De ce que les héritiers du donateur ne peuvent exercer de droits qu'à compter de l'ouverture de la succession, on ne doit pas conclure qu'ils r peuvent les exercer que conformément à la loi existante, au moment où la succession s'est ouverte. Cette loi régit bien les droits des héritiers entr'eux, dans tout ce qui concerne le règlement et le partage de la succession ab intestat; mais elle ne régit pas les droits que les héritiers ont à exerçer contre des tiers, et qui résultent d'actes souscrits par le défunt.

Si la donation que le défunt aurait consentie, n'avait pas été revêtue d'une formalité prescrite, à peine de nullité, par la loi qui était alors en vigueur, les héritiers auraient bien le droit de demander et de faire prononcer la nullité, quoique ce droit ne leur ait été acquis qu'au décès du donateur, et que la loi nouvelle existante à cette époque, n'eût pas déclaré nulles les donations, à défaut de la même formalité.

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Il doit en être de même à l'égard de la donation des biens dont la disposition gratuite était prohibée par la loi existante, quoique la loi nouvelle survenue avant le décès du donateur, ait déclaré disponible la même nature, ou la même quotité de biens. Dans l'un comme dans l'autre cas, il y a eu violation de la loi qui était en vigueur au moment de l'acte. Dans le premier cas, les parties n'ont pas fait ce que la loi ordonnait, à peine de nullité; dans le second cas elles ont fait ce que la loi prohibait formellement; et la violation ne peut pas plus être effacée, dans un cas que dans l'autre, par la loi nouvelle, sous le prétexte que la succession du donateur ne s'est ouverte que sous l'empire de cette loi, que les héritiers n'ont acquis le droit de réclamer, que sous l'empire de cette loi, et qu'ainsi n'ayant pas de droits acquis au moment même de la donation, ils ne sont pas fondés à se plaindre que le vice de la donation ait été effacé et réparé par la loi nouvelle.

Quoique le donataire ne soit saisi qu'à la mort du donateur, de la propriété des biens compris dans la donation à cause de mort, il n'en était pas moins saisi, à l'instant même de la donation, du droit de prendre, à la mort du donateur, les biens donnés qui n'auraient pas été aliénés; et comme ce droit était irrévocable, parce qu'il était con

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