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avec une dureté de bon goût; accens plaintifs cadencés avec mollesse ; sons filés sans art, mais enflés avec âme; sons enchanteurs et pénétrans; vrais sou

pirs d'amour et de volupté qui semblent sortir du cœur, et font palpiter tous les cœurs, qui causent à tout ce qui est sensible une émotion si douce, une langueur si touchante. C'est dans ces tons passionnés que l'on reconnaît le langage du sentiment qu'un époux heureux adresse à une compagne chérie, et qu'elle seule peut lui inspirer; tandis que dans d'autres phrases plus étonnantes peut-être, mais moins expressives, on reconnaît le simple projet de l'amuser et de lui plaire, ou bien de disputer devant elle le prix du chant à des rivaux jaloux de sa gloire et de son bonheur.

Ces différentes phrases sont entremêlées de silences, de ces silences qui, dans tout genre de mélodie, concourent si puissamment aux grands effets. On jouit des beaux sons que l'on vient d'entendre, et qui retentissent encore dans l'oreille: on en jouit mieux, parce que la jouissance est plus intime, plus recueillie, et n'est point troublée par des sensations nouvelles bientôt on attend, on désire une autre reprise; on espère que ce sera celle qui plaît; si l'on est trompé, la beauté du morceau que l'on entend ne permet pas de regretter celui qui n'est que différé, et l'on conserve l'intérêt de l'espérance pour les reprises qui suivront. Au reste, une des raisons pourquoi le chant du rossignol est plus remarqué et produit plus d'effet, c'est parce que chantant la nuit, qui est le temps le plùs favorable, et chantant seul, sa voix a tout son éclat, et n'est affusquée par aucune autre voix : il efface tous les autres oiseaux par ses sons moelleux et flûtés, et par la durée non interrompue de son ramage, qu'il soutient quelquefois pendant vingt secondes. Un observateur a compté dans ce ramage seize reprises différentes, bien déterminées par leurs premières et dernières notes, et dont l'oiseau sait varier avec goût les notes intermédiaires; enfin, il s'est assuré que la sphère que remplit la voix d'un Rossignol n'a pas moins d'un mille de diamètre,

surtout lorsque l'air est calme ; ce qui égale au moins la portée de la voix humaine.

Guéneau de Montbelliard.

Le Serin et le Rossignol.

Si le Rossignol est le chantre des bois, le Serin est le musicien de la chambre; le premier tient tout de la nature, le second participe à nos arts: avec moins de force d'organe, moins d'étendue dans la voix, moins de variété dans les sons, le Serin a plus d'oreille, plus de facilité d'imagination, plus de mémoire ; et comme la différence du caractère, surtout dans ces animaux, tient de très-près à celle qui se trouve entre leurs sens, le Serin, dont l'ouïe est plus attentive, plus susceptible de recevoir et de conserver les impressions étrangères, devient aussi plus social, plus doux, plus familier; il est capable de conuaissance, et même d'attachement; ses caresses sont aimables, ses petits dépits innocens, et sa colère ne blesse ni n'offense. Ses habitudes naturelles le rapprochent encore de nous : il se nourrit de graines, comme nos autres oiseaux domestiques; on l'élève plus aisément que le Rossignol, qui ne vit que de chair ou d'insectes, et qu'on ne peut nourrir que de mets préparés. Son éducation plus facile est aussi plus heureuse; on l'élève avec plaisir, parce qu'on l'instruit avec succès; il quitte la mélodie de son chant naturel, pour se prêter à l'harmonie de nos voix et de nos instrumens; il applaudit, il accompagne, et nous rend audelà de ce qu'on peut lui donner. Le Rossignol, plus fier de son talent, semble vouloir le conserver dans toute sa pureté; au moins paraît-il faire assez peu de cas des nôtres : ce n'est qu'avec peine qu'on lui apprend à répéter quelques-unes de nos chansons. Le Serin peut parler et siffler; le Rossignol méprise la parole autant que le sifflet, et revient sans cesse à son brillant ramage. Son gosier, toujours nouveau, est un chef-d'œuvre de la nature auquel l'art humain ne peut rien changer, rien ajouter : celui du Serin est

un modèle de grâces, d'une trempe moins ferme, que nous pouvons modifier. L'un a donc bien plus de part que l'autre aux agrémens de la société ; le Serin chante en tout temps, il nous récrée dans les jours les plus sombres, il contribue même à notre bonheur; car il fait l'amusement de toutes les jeunes personnes, les délices des recluses; il charme au moins les ennuis du cloître, porte de la gaîté dans les âmes innocentes et captives; et ses petits amours, qu'on peut considérer de près en le faisant nicher, ont rappelé mille et mille fois à la tendresse des cœurs sacrifiés c'est faire autant de bien que nos vautours savent faire de mal. Buffon.

Le Paon.

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Si l'empire appartenait à la beauté, et non à la force, le Paon serait, sans contredit, le Roi des oiseaux; il n'en est point sur qui la nature ait versé ses trésors avec plus de profusion: la taille grande, le port imposant, la démarche fière, la figure noble, les proportions du corps élégantes et sveltes, tout ce qui annonce un être de distinction lui a été donné une aigrette mobile et légère, peinte des plus riches couleurs, orne sa tête, et l'élève sans la charger; son incomparable plumage semble réunir tout ce qui flatte nos yeux dans le coloris tendre et frais des plus belles fleurs, tout ce qui les éblouit dans les reflets pétillans des pierreries, tout ce qui les étonne dans l'éclat majestueux de l'arc-en-ciel: non-seulement la nature a réuni sur le plumage du Paon toutes les couleurs du ciel et de la terre, pour en faire le chefd'œuvre de sa magnificence, elle les a encore mêlées, assorties, nuancées, fondues de son inimitable pinceau, et en a fait un tableau unique, où elles tirent de leur mêlange avec des nuances plus sombres, et de leurs oppositions entre elles, un nouveau lustre, et des effets de lumière si sublimes, que notre art ne peut ni les imiter, ni les décrire.

Tel paraît à nos yeux le plumage du Paon, lorsqu'il se promène paisible et seul dans un beau jour de printemps; mais si sa femelle vient tout à coup à paraître, si les feux de l'amour, se joignant aux secrètes influences de la saison, le tirent de son repos, lui inspirent une nouvelle ardeur et de nouveaux désirs, alors toutes ses beautés se inultiplient, ses yeux s'animent et prennent de l'expression, son aigrette s'agite sur sa tête, et annonce l'émotion intérieure ; les longues plumes de sa queue déploient, en se relevant, leurs richesses éblouissantes; sa tête et son cou, se renversant noblement en arrière, se dessinent avec grâce sur ce front radieux, où la lumière du soleil se joue en mille manières, se perd et se reproduit sans cesse, et semble prendre un nouvel éclat plus doux et plus moelleux, de nouvelles couleurs plus variées et plus harmonieuses; chaque mouvement de l'oiseau produit des milliers de nuances nouvelles, des gerbes de reflets ondoyans et fugitifs, sans cesse remplacés par d'autres reflets et d'autres nuances toujours diverses et toujours admirables.

Le Faon ne semble alors connaître ses avantages que pour en faire hommage à sa compagne qui en est privée, sans en être moins chérie.

Mais ces piumes brillantes, qui surpassent en éclat les plus belles fleurs, se flétrissent aussi comme elles, et tombent chaque année; le Paon, comme s'il sentait la honte de sa perte, craint de se faire voir dans cet état humiliant, et cherche les retraites les plus sombres pour s'y cacher à tous les yeux, jusqu'à ce qu'un nouveau printemps, lui rendant sa parure accoutumée, le ramène sur la scène pour y jouir des hommages dus à sa beauté; car on prétend qu'il en jouit en effet; qu'il est sensible à l'admiration; que le vrai moyen de l'engager à étaler ses belles plumes, c'est de lui donner des regards d'attention et des louanges; et qu'au contraire, lorsqu'on paraît le regarder froidement et sans beaucoup d'intérêt, il replie tous ses trésors, et les cache à qui ne sait point les admirer. Le même.

Le Cygne.

Dans toute société, soit des animaux, soit des hommes, la violence fit les tyrans, la douce autorité fait les Rois. Le lion et le tigre sur la terre, l'aigle et le vautour dans les airs, ne règnent que par la guerre, ne dominent que par l'abus de la force et par la cruauté au lieu que le Cygne règne sur les eaux à tous les titres qui fondent un empire de paix ; la grandeur, la majesté, la douceur, avec des puissances, des forces, du courage, et la volonté de n'en pas abuser, et de ne les employer que pour la défense: il sait combattre et vaincre, sans jamais attaquer; Roi paisible des oiseaux d'eau, il brave les tyrans de l'air; il attend l'aigle, sans le provoquer, sans le craindre ; il repousse ses assauts, en opposant à ses armes la résistance de ses plumes, et les coups précipités d'une aile vigoureuse qui lui sert d'égide; et souvent la victoire couronne ses efforts. Au reste, il n'a que ce fier ennemi; tous les oiseaux de guerre le respectent, et il est en paix avec toute la nature; il vit en ami plutôt qu'en Roi au milieu des nombreuses peuplades des oiseaux aquatiques, qui toutes semblent se ranger sous sa loi; il n'est que le chef, le premier habitant d'une république tranquille, où les citoyens n'ont rien à craindre d'un naître qui ne demande qu'autant qu'il leur accorde, et ne veut que calme et liberté.

Les grâces de la figure, la beauté de la forme, répondent, dans le Cygne, à la douceur du naturel; il plaît à tous les yeux; il décore, embellit tous les lieux qu'il fréquente; on l'aime, on l'applaudit, on l'admire nulle espèce ne le mérite mieux; la nature, en effet, n'a répandu sur aucune autant de ces grâces nobles et douces qui nous rappellent l'idée de ses plus charmans ouvrages: coupe de corps élégante, formes arrondies, gracieux contours, blancheur éclatante et pure, mouvemens flexibles et ressentis, attitudes tantôt animées, tantôt laissées dans un mol abandon; tout dans le Cygne, respire la volupté, l'enchantement que nous font éprouver les

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