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On commençoit à comprendre qu'il 1223-25 étoit mieux de les prêcher, que de les combattre. La même ferveur gagna le sexe dévot: il n'y eut point d'ordre religieux qui n'eût de religieuses; mais la pauvreté évangélique bâtit leurs couvens, lesquels ne furent pas cependant tout-à-fait abandonnés, comme ceux des hommes, à la ressource hasardeuse des aumônes.

Ce siècle d'exagération fut le moment Chevalerie. le plus brillant de la chevalerie. L'amour de Dieu et des Dames en étoit la base. Sorti à peine de l'adolescence, le gentilhomme étoit envoyé, en qualité de page, chez un grand seigneur où il apprenoit les exercices du corps, à monter à cheval, chasser, tirer des armes, et aussi le service intérieur, celui de la table et de la chambre, faire les ménages, se rendre agréable aux dames les prévenir par des soins respectueux. Les mères accoutumoient leurs filles à recevoir ces délicates attentions, avec une affabilité qui ne dérogeoit pas à la modestie. La gloire des demoiselles consistoit à exceller dans les travaux à l'aiguille, à pouvoir montrer de riches tapis, des habits pour leur père et leurs frères, ouvrages de leur mains. Les gâteaux, confitures, et autres friandises

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de table étoient leurs amusemens; elles s'occupoient à les préparer ainsi que les onguens, les extraits et les baumes propres à la guérison des blessures des chevaliers. D'ailleurs, rien, dans l'éducation des deux sexes, qui tendît à orner l'esprit. Il n'étoit pas rare de trouver des chevaliers qui ne sussent pas lire.

Le page, aprés avoir passé par les grades de damoiseau et de varlet, parvenoit à celui d'écuyer; il portoit devant le chevalier les différentes pièces de l'armure, les brassarts, les gantelets, le héaume, l'écu, lui posoit le casque sur la tête, le revêtoit de la cuirasse. Arrivé à la dignité de bachelier ou bas chevalier, il accompagnoit le chevalier dans les combats. Chacune de ces gradations étoit accompagnée de cérémonies particulières. On donnoit à celle de la chevalerie un caractère auguste et religieux. Le novice (c'étoit le nom du candidat) devoit assister à de longs offices, à des veilles dans l'église, à de fréquens sermons et apporter à ceux-ci, avec l'assiduité, de l'attention, car les prêtres l'observoient. Le jour de la réception, les parens, les amis, et tous les chevaliers du canton convoqués, me- . noient le récipiendaire au milieu d'eux

a l'église, revêtu d'un habit blanc, 1223-25. comme les néophites, son bouclier pendu au col. Les dames et demoiselles assistantes lui attachoient les éperons dorés, la cuirasse et toutes les pièces de l'armure. Le plus ancien chevalier s'approchoit alors, lui ceignoit l'épée qu'il prenoit sur l'autel, lui donnoit sur l'épaule un petit coup du plat de la sienne, et l'embrassoit en disant : De par Dieu, N.-Dame et monseigneur St.-Denis, ou un autre saint, le plus révéré dans le canton, je vous fais chevalier. L'écuyer lui amenoit son cheyal de bataille; affermi en selle, il brandissoit sa lance, faisoit flamboyer son épée et caracoloit devant l'assemblée. Pour lors, le chevalier devenoit un être privilégié. Il parcouroit les châteaux, et étoit reçu partout comme un homme qui fait honneur. Les dames et les demoiselles alloient au-devant de lui; s'il revenoit des combats, elles le désarmoient et l'armoient pour de nouveaux. Ce n'étoit pas un petit ouvrage pour leurs mains délicates d'ajuster ces enveloppes de fer, dont le chevalier étoit ainsi dire empaqueté. De ces soins obligeans naissoit entre les deux sexes une familiarité respectueuse, qu'on peut regarder comme

,

pour

1223-25.l'origine de la galanterie qui a si longtemps caractérisé les Français.

Si un chevalier venoit à se rendre coupable d'une faute grave, comme lâcheté ou trahison, l'ignominie de son châtiment étoit l'inverse de l'éclat de son adoption. Après la sentence de ses pairs, il étoit amené sur un échafaud : on brisoit devant lui et on fouloit aux pieds ses armes. Son écu noirci étoit attaché à la queue d'une jument et traîné dans la boue. Des hérauts proclamoient son crime et le chargeoient d'injures; ils lui versoient de l'eau chaude sur la tête, comme pour effacer le caractère conféré par l'accolade. On le tiroit de l'échafaud avec une corde nouée sous ses bras, et il étoit porté à l'église sur une civière couverte du drap mortuaire. Les prêtres récitoient sur lui le même office que pour les morts. S'il survivoit à cette lugubre cérémonie, il ne lui restoit d'autre ressource que d'aller se faire tuer dans un combat, ou cacher sa honte dans un cloître. Pour des fautes moins graves, il étoit exclu de la table où se trouvoient d'autres chevaliers ; s'il s'y présentoit, chacun s'éloignoit: on tranchoit la nappe devant lui, jusqu'à ce qu'il se fût purgé par serment ou par le combat, selon l'exigence du cas,

du crime dont il étoit noté. Comme nous croyons trouver l'origine de la galanterie française dans le commerce avec les dames, autorisé par la chevalerie, nous nous imaginons aussi pouvoir faire naître l'honneur français de l'horreur qu'inspiroit le châtiment du chevalier félon.

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Louis VIII a été surnommé Coeur- Guerres de de-Lion, pour son courage indomptable Louis VIII. à la guerre, dont il avoit donné des preuves sous son père; il le fit encore pendant la courte durée de son règne. Il n'est pas bien clair s'il a renouvelé la guerre des Albigeois, ou si eux-mêmes ont provoqué ses armes par de nouvelles hostilités: ce qu'il y a de certain, c'est qu'il fit prêcher contre eux une croisade, et qu'il se mit à la tête. Henri III, le nouveau roi d'Angleterre, auroit pu nuire à son entreprise. Il y avoit toujours entre les deux monarques des sujets de dissentions , pour des envahissemens respectifs. L'Anglois répéta des terres en Poitou, dont il prétendoit que la restitution lui avoit été promise par Philippe-Auguste. Louis contint Henri en le faisant menacer par le pape d'excommunication, si, par son intervention favorable aux hérétiques, il mettoit des obstacles aux opérations de la guerre

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