Images de page
PDF
ePub

La réponse de Zaire aux reproches 'de Néreftan a cette douceur tendre, qui fait le charme du ftyle tempéré.

Arrête, mon cher frere! arrête! Connois moi,
Peut-être que Zaïre eft digne encor de toi,
Mon frere, épargne moi cet horrible langage;
Ton courreux, ton reproche est un plus grand ou
trage,

Plus terrible pour moi, plus dur que ce trépas
Que je te demandois & que je n'obtiens pas.
L'état où tu me vois accable ton courage:
Tu fouffres, je le vois; je fouffre davantage.
Je voudrois que du Ciel le barbare fecours
De mon fang dans mon cœur eût arrêté le cours.
Le jour qu'empoisonné d'une flamme profane,
Ce pur fang des Chrétiens brûla pour Orosmane;
Le jour que de ta foeur Orofmane charmé.....
Pardonnez-moi, Chrétiens! Qui ne l'auroit aimé?
Il faifoit tout pour moi ; fon cœur m'avoit choifie;
Je voyois fa fierté pour moi feule adoucie:
C'eft lui qui des Chrétiens a ranimé l'espoir ;
C'eft à lui que je dois le bonheur de te voir.
Pardonne: ton courroux, mon pere, ma tendreffe,
Mes fermens, mon devoir, mes remords, ma foi
bleffe,

Me fervent de fupplice ; & Zaïre en ce jour
Meurt de fon repentir, plus que de fon anfour.

[ocr errors]

Quelle tendreffe dans ces fentimens d'Andromaque pour fon fils!

Quoi, Céphife, j'irai voir expirer encor
Ce fils, ma feule joie & l'image d'Hector!
Ce fils que de fa flamme il me laiffa
pour gage!
Hélas! il m'en fouvient; le jour que fon courage
Lui fit chercher Achille, ou plutôt le trépas,

Il demanda fon fils, & le prit dans fes bras:
Chere épouse, dit-il, en effuyant mes larmes,
J'ignore quel fuccès le fort garde à mes armes;
Je te laiffe mon fils pour gage de ma foi;
S'il me perd, je prétends qu'il me retrouve en toi
Si d'un heureux hymen la mémoire t'eft chere,
Montre au fils à quel point tu chériffois le pere.
Et je puis voir répandre un fang fi précieux !
Et je laiffe avec lui périr tons fes ayeux!
Roi barbare! faut-il que mon crime l'entraîne ?
Si je te hais, eft-il coupable de ma haine?
T'a-t-il de tous les fiens reproché le trépas ?
S'eft-il plaint à tes yeux des maux qu'il ne fent pas?
Et cependant, mon fils! tu meurs, fi je n'arrête
que le cruel tient levé sur ta tête ;

Le fer

Je l'en puis détourner, & je t'y vais offrir!
Non, tu ne mourras point; je n'y puis confentir.
MARIAMNE à Hérode.

Quand vous me condamnez, quand ma mort eft

certaine,

Que vous importe, hélas ! ma tendreffe ou ma haine?

Er quel droit déformais avez-vous fur mon cœur
Vous qui l'avez rempli d'amertume & d'horreur?
Vous qui depuis cinq ans infultez à mes larmes,
Qui marquez fans pitié mes jours par mes alarmes,
Vous de tous mes parens deftructeur odieux,
yous teint du fang d'un pere expirant à mes yeux!
Cruel! ah! fi du moins votre fureur jaloufe
N'eût jamais attenté qu'aux jours de votre épouse,
Les Cieux me font témoins que mon cœur tout à

vous,

[ocr errors]

Vous chériroit encore en mourant par vos coups;"
Mais qu'au moins mon trépas calme votre futié,
N'étendez point mes maux au-delà de ma vie.
Prenez foin de mes fils, refpectez votre fang;
Ne les puniffez pas d'être nés dans mon flanc :
Hérode, ayez pour eux des entrailles de pere,
Peut-être un jour, hélas! vous connoîtrez leur

mere.

Vous plaindrez, mais trop tard, ce cœur infortuné
Que feul dans l'Univers vous avez foupçonné;
Ce ceeur qui n'a point fu, trop fuperbe peut-être,
Déguiser fes douleurs & ménager un Maître,
Mais qui jufqu'au tombeau conferva fa vertu,
Et qui vous eût aimé, fi vous l'aviez voulu.

Voici quelques fragmens de la Scene où Rhadamiste & Zenobie fe reconnoif

fent, & qui eft pleine de fentimens, quoique l'impétuofité de Rhadamifte s'éleve quelquefois un peu au-deflus du ftyle tempéré.

RHADA MISTE.

Par quel bonheur le Ciel, touché de mes regrets,
Me permet-il encor de revoir tant d'attraits;
Mis, hélas ! fe peut-il qu'à la Cour de mon pere
Je trouve dans les fers une épouse fi chere?
Dieux! n'ai-je pas affez gémi de mes forfaits,
Sans m'accabler encor de ces triftes objets ?
O! de mon défespoir, victime trop aimable,
Que tout ce que je vois rend votre époux coupable!
Quoi, vous verfez des pleurs

ZENOBIE.

Malheureufe! Eh, comment N'en répandrois je pas dans ce fatal moment? Ah, cruel! Plût aux Dieux que ta main ennemie N'eût jamais attenté qu'aux jours de Zenobiet Le cœur, à ton afpect, défarmé de courroux, Je ferois mon bonheur de revoir mon époux; Et l'amour s'honorant de ta fureur jalouse, Dans tes bras avec joie eût remis ton épouse : Ne cróis pas cependant, que pour toi fans pitié, Je puiffe te revoir avec inimitié.

RHADAMISTHE

Jufte Ciel! fe peut-il que des nœuds légitimes
Avec tant de vertus uniffent tant de crimes!
Que l'hymen affocie au fort d'un furieux,
Ce que de plus parfait firent naître les Dieux !
Quoi! tu peux me revoir, fans que la mort

pere,

Sans que mes cruautés, ni l'amour de mon frere,
Ce Prince, cet amant fi grand, fi généreux,
Te faffent détester un Epoux malheureux >
Et je puis me flatter, qu'insensible à sa flamme;
Tu dédaignes les yeux du vertueux Arfame,
Que dis-je ? Trop heureux que pour moi dans ee

jour,

Le devoir dans ton cœur me tienne lieu d'amour!

ZENOBI E.

Calme les vains foupçons dont ton ame eft faike
Ou cache m'en du moins l'indigne jaloufie;
Et fouviens-toi qu'un cœur qui peut te pardonner,
Eft un cœur que fans crime on ne peut soupçonner,

RHADAM IS THE

Pardonne, chere époufe, à mon amour funefte; Pardonne des foupçons que tout mon cœur détefte Plus ton barbare Epoux eft indigne de to

« PrécédentContinuer »