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par ses propres eunuques. Dans la 12°, le grand Sésostris, il est vrai, que les Egyptiens mettent au premier rang après Osiris, et dont les exploits sont rappelés ici avec un soin particulier de plus, Lacharès, son successeur, qui bâtit dans l'arsénoïte un labyrinthe pour lui servir de tombeau.

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La dynastie des rois Pasteurs, qui est la 15° dans J. Africain, n'est pas plus riche en faits que les précédentes; mais nous avons ailleurs cet épisode de l'histoire d'Ég Egypte; le plus important morceau qui nous soit resté de Manethon, et auquel nous donnerons toute l'attention qu'il mérite, lorsque le moment d'en parler sera venu. Les deux dynasties thebaines, 18 et 19°, embrassent les plus beaux siècles de la monarchie; et cependant, ce qui étonne, elles ne rappèlent pas un seul des évènemens qui durent signa ler ces règnes, dont tant de monumens attestent la splendeur. Les suivantes, qui se rapprochent des temps connus, ne doivent pas nous occuper ici; elles deviendront le sujet d'observations d'un autre genre.

Voilà donc ce que nous savons de l'histoire des quatorze premières dynasties de Manethon. Nous le demandons : quelle idée donnent de cette partie de son ouvrage, et même de l'ouvrage entier, de pareils fragmens? Ce ne sont pas eux sans doute qui ont fait naître le préjugé favorable, l'espèce d'exaltation qu'on a manifestée dès le principe; mais n'avaient-ils pas de quoi tempérer l'exaltation, et faire tomber bientôt le préjugé? Nous ne prétendons pas non plus que tout fût de cette force dans l'histoire de Manethon: mais ne devait-on pas craindre que ce qui était perdu ne se rapprochât trop de ce qui restait ? Car enfin, écrite de la même main, et sous l'influence du même esprit, elle devait en porter partout plus ou moins l'empreinte.

3° Il est un moyen direct et infaillible de connaître ce qu'était foncièrement la portion qui nous manque de l'histoire d'Égypte, et de fixer le degré de confiance qui pouvait lui être dû, aussi sûrement que si nous l'avions sous les yeux: c'est de chercher à quelles sources l'auteur l'avait puisée. On se représente Manethon, maître de toutes les archives des temples, fouillant à son gré dans leurs différens dépôts, y trouvant des annales fidèlement rédigées depuis l'origine de la dynastie, et formant ainsi sur des pièces authentiques, une narration suivie et complète, dont l'exactitude ne laisse rien à désirer, et dont la véracité ne permet aucun doute. Ces idées ne sont pas absolument neuves, mais sur quoi sont-elles fondées? Sur ce que l'écrivain lui-même dit de sa personne et de son travail, ce qui serait déjà un peu suspect.

Dans sa lettre à Ptolémée Philadelphe, il prend les titres de grand-prêtre et de scribe des lieux sacrés qui sont en Égypte (1). Accordons-lui ces hautes dignités: ne demandons pas quelles en étaient les prérogatives; si elles le mettaient à la tête de tous les colléges de prêtres, si elles lui donnaient l'inspection des archives de tous les temples. Il a pu obtenir des pouvoirs extraordinaires pour travailler à sa grande histoire d'Égypte, s'il est vrai, comme il l'assure, que Ptolémée lui en eût donné l'ordre. Ce n'est pas là ce qui nous importe: la question est de savoir où il a fait ses recherches, et ce que ses recherches lui ont produit, c'est là dessus qu'il faut l'entendre. Dans sa lettre dédicatoire, il parle des livres d'Hermès Trismégiste, qu'il connaît bien et qu'il fera connaître à Ptolémée. Il s'étend plus au long sur ces livres, dans un passage tiré d'un autre de ses écrits, et cité également par le Syncelle: il y fait

(1) Sync. p. 40.

mention de colonnes situées dans le pays sériadique, et couvertes de caractères de la langue sacrée, sculptés par Thoth, le premier Hermès avant le déluge, traduits après cet événement en langue grecque par Agathodæmon, fils du second Hermès, et déposés dans l'intérieur des temples. Que dire de ce récit absurde? Que penser de ces Mémoires antérieurs au déluge ? Et c'est de la cependant que Manethon aurait tiré, en partie du moins, cette histoire des dynasties, qu'on nous propose sérieusement d'admirer et d'admettre.

Ce n'est pas que le récit de Manethon ne soit susceptible d'une interprétation raisonnable, et que, ramené à un sens qu'il cache, et qui en serait le sens primitif et vrai, il ne devînt très-intelligible, et ne jetât un grand jour sur l'histoire et la chronologie des Egyptiens. Il ne faudrait que trouver en Égypte un déluge propre à ce pays, que les nationaux auraient confondu avec le cataclysme universel, ou dont ils auraient conservé plus distinctement la mémoire. On verrait alors quel est ce Thoth, premier Hermès, qui vivait avant le déluge; pourquoi ses livres n'ont point péri; comment ils se sont conservés, traduits ou non traduits, en quelque langue et à quelque époque qu'ils l'aient été, conservés, disons-nous, entre les mains des prêtres, dans les archives publiques, dans les dépôts, quels qu'ils fussent, où Manethon a pu les lire et les copier. Cette idée, au reste, n'est point une conjecture en l'air; elle a été savamment et clairement développée par l'historien des temps fabuleux, et trancherait dans le vif la question qui nous occupe; mais une pareille discussion n'est pas de notre sujet, et mènerait trop loin. Prenons le récit tel qu'il est, et bornons-nous aux considérations qu'il nous fournira.

Deux vérités sortent naturellement de l'exposé confus

de Manethon : la première, que les écrits attribués pár lui aux deux Hermès, sont ceux-là même d'où il avait tiré son Histoire d'Egypte; la seconde, que ces écrits se trouvaient, de son temps, dans les différentes archives des temples. L'on n'a donc aucun intérêt à savoir s'il avait toutes ces archives à sa disposition, et s'il lès a toutes compulsées. Il á pu se contenter de ce qu'il trouvait à Héliopolis, s'il a cru n'avoir rien de plus à apprendre ailleurs : il a pu aussi porter sa curiosité plus loin, et il n'y a point de difficulté à le laisser librement interroger tous les prêtres, visiter tous les dépôts de l'Égypte.

Dans toutes les suppositions, les sources où Manethon avait puisé ne seraient jamais, de son aveu, et ne pouvaient jamais être, en effet, que les écrits gardés alors dans les temples, quelles qu'en fussent l'ancienneté et l'origine, et sans doute aussi, quoiqu'il n'en parle pas expressément, les traditions plus ou moins récentes et plus ou moins accréditées, qui se conservaient dans la mémoire des prêtres. La question ainsi posée, quel' avantage aurait-il sur nos propres historiens? Hérodote n'avait-il pas avant lui conversé avec les prêtres de Memphis, appris d'eux ce qu'ils savaient de leur ancienne histoire, vu les livres en langue sacrée qui la contenaient, et qu'ils lui interprêtaient ? Long-temps après Manethon, lorsque l'accès des temples était devenu plus facile, et peut-être moins nécessaire, Diodore de Sicile n'avait-il pas, en remontant le Nil, visité les temples situés sur ses rives, ceux de Thèbes en particulier, dont il questionne les prêtres, pour recueillir leurs traditions historiques, et recevoir l'explication des monumens dont ils lui montroient les débris? Tant de faits relatifs à l'Égypte, que ces deux écrivains n'ont pas connus ou n'ont pas rapportés, et que nous trouvons épars dans d'autres ouvrages des anciens, de quelque manière

qu'ils fussent parvenus à la connaissance des auteurs, n'est-ce pas toujours des archives des temples qu'ils ont dû originairement sortir, puisque ces archives en étaient le dépôt.

C'est donc là que tous avaient puisé comme Manethon. Que le scribe des temples eût donné plus d'étendue à ses recherches, rassemblé un plus grand nombre de faits, développé davantage ou multiplié les récits; qu'il eût mis plus de suite et un meilleur ordre dans un ouvrage destiné à relever l'honneur de sa nation aux yeux du peuple étranger qui l'avait conquise, aux yeux surtout d'un roi qui se montrait curieux de connaître l'antique gloire du pays sur lequel il régnait ; rien de tout cela ne changerait l'état de la question. Il serait toujours vrai que Manethon a travaillé sur le même fond qu'Hérodote, Diodore de Sicile et les autres; qu'il n'a pu composer son Histoire d'Egypte, que des mêmes matériaux qu'ils ont mis en œuvre, ou, s'il en a employé d'autres, comme il semble vouloir le faire entendre, que ceux-ci n'étaient pas d'une autre nature, puisqu'ils ne venaient pas d'une autre source.

Mais si l'histoire égyptienne de Manethon ressemblait à celle de nos anciens auteurs, elle est par cela même jugée, et sans l'avoir vue, nous savons ce qu'elle valait. Qui donc pourrait ignorer aujourd'hui ce qui a été depuis long-temps et si rigoureusement démontré? Qui ne sait pas, s'il a voulu l'apprendre, ce que sont les bizarres récits de Diodore de Sicile et plus encore d'Hérodote, sur l'Égypte et ses premiers rois; ce qu'étaient ces mémoires originaux et éminemment authentiques que leur communiquaient les prêtres qui en avaient le dépôt, et qu'ils copiaient avec une aveugle confiance; comment ces prêtres ignorans ou trompeurs, ou plutôt l'un et l'autre, avaient défiguré unę histoire véritablement sacrée, qui n'était pas la leur, pour

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