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ment: que quelquefois elle fe trouve seche & térile, & qu'alors elle fouffre cet état devant → Dieu : que quelquefois auffi elle a une oraifon de paix & de jouiffance; que rien n'est comparable à la douceur de cet état ; qu'elle remarque que dèfqu'elle a fait quelque faute, cette confolation lui eft refusée; qu'a» lors elle reclame la protection de la fainte Vierge, & que le calme revient en elle, &c. » Le zéle que cette excellente fille avoit pour la priére étoit tel, que la Mere Angélique l'appelloit un pilier de notre Chœur. Elle ne fe laffoit point ni de l'Office public, ni des priéres particuliéres: & un jour que l'Office avoit occupé prefque toute la journée, parce que c'étoit une grande Fête, elle demanda le foir à la Mere Agnès fort naïvement ce qu'il falloit faire, parce que les Novices dont elle étoit maîtresse, n'avoient pas eu le tems, difoit-elle, de prier Dieu, toute la journée ayant été passée >> dans l'Eglife. »

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Au reste cet amour fingulier de la prière ne nuifoit point à fes autres devoirs. Elle ne manquoit à rien elle fçavoit fi bien ménager fon tems, qu'elle en trouvoit pour tout : quand elle n'auroit eu le tems, par exemple que d'écrire une ligne, elle l'écrivoit : & elle difoit agréablement que c'eft toujours autant de fait, que » plufieurs minutes font une heure, & plufieurs lignes une page; qu'il ne faut rien perdre. Quand elle cut paffé trois ans & demi dans cette ferveur depuis fon renouvellement, elle tomba malade de la maladie dont elle mourut: c'étoit une diflenterie. Elle eut cependant quelque répit ; mais elle ne fit que languir durant fix mois. Il lui prit enfin une groffe fiévre avec une oppreffion. Elle fut adminiftrée,

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miniftrée. Les derniers jours de fa maladie elle répétoit fouvent ces trois mots Jefis, Maria, Charitas. Lorfqu'elle fentit fa fir approcher elle pria qu'on fit entrer fon Confeffeur. Celui-ci lui préfentant le Crucifix, elle le prir & l'élevant en haut, elle dit: Nos autem gloriari oportet in cruce Domiri N. J. C, & tout de fuite: Dignus eft Agnus qui occifus eft, accipere virtutem, &c. Quelques heures avant que d'expirer, elle s'écria: Victoire, victoire : puis elle ne parla plus, & mourut peu de tems après ce fut le 15. Juin 1642. Elle conferva après la mort un air de dignité fur le vifage, qui imprimoit du refpect à tous les fpectateurs. Elle fut la premiére pour laquelle on rétablit à P. R. l'ancienne manière d'enterrer les Religieufes dans la fimplicité, au lieu de toutes les décorations de fleurs & de beaux linges que les Religieufes de Tard avoient introduites. M. de faint Ciran informé de fa mort dans le Donjon de Vincennes, écrivit une Lettre à la maifon, où il la définit » un de ces efprits excef» fifs dans l'amour de la vérité, & dans l'exer»cice de la pénitence & de la charité. » L'année fuivante 1643. il mourut encore une fœur Arnaud; c'étoit une des filles de M. d'Andilli, nommée Catherine de fainte Agnès: elle étoit attaquée du poûmon: on la trouva morte dans fa chambre. Sa tante la Mere Angélique rapporte parmi les bonnes qualités qu'elle lui connoiffoit, qu'elle l'avoit trouvée capable de, fecret à l'âge de douze ans.

Ce fut en 1642. qu'arriva un événement fort fingulier, qui tient beaucoup du prodige, & qui fut attribué aux priéres de la Mere Angélique. C'eft ce qu'on appelloit à P. R. le miracle de la farine. Je l'ai rapporté plus haut. Tome I.

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Cette même année 1643. mourut un des So litaires, qui n'étoit pas le plus diftingué pas fa naiflance & fa profeffion, mais qui l'étoit bien en récolapenfe par la vertu la plus émi nente dans la plus grande jeuneffe: C'eft le nommé Charles de la Croix, Cordonnier, qui mourut âgé de 26. ans. Sa converfion, fa pénitence, fa mort, tout en lui tient du merveil leux. On les trouvera rapportées dans l'hiftoire des Solitaires.

I.

La Mere des Anges Suyreau deman

LIVRE III.

Gouvernement de Maubuiffon par la Mere Ma rie des Anges Suýreau, Religieufe de P. R. Abbeffe de Maubuiffon pendant 22. ans ; depuis 1627. jufqu'en 1649.

CE qui va faire le fujet de ce Livre entier,

eft comme un hors d'oeuvre de l'Hiftoire du Monaftére de P. R. Mais ce n'en eft pas un dée pour être pour l'hiftoire des Religieufes de ce Couvent, Abbefle de C'eft le récit de ce qu'a fait une des plus exMaubuiflon, cellentes filles de P. R. dans l'Abbaye de Mau

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buiffon, dont elle a été Abbeffe pendant 22., ans, depuis 1627, jufqu'en 1649. Je place içi, ce morceau, parce que place plus haut ou plus bas, il auroit coupé la narration d'évé nemens très-importans de P. R. qu'il eft à pro pos de préfenter tout de fuite fans interruption, Celle dont je parle eft la Mere Marie des-Anges Suyreau, tante du célébre M. Nicole, aureur de tant d'ouvrages fi eftimés, & fi utiles, en effe: à l'Eglife.

Nous avons vu par le paffé la Mere Angé

lique appellée pour réformer l'Abbaye de Maubuiffon, où elle demeura cinq ans, & d'ou elle fortit, laiffant la place à l'Abbeffe nommée par le Roi, Madame de Soiffons la fœur naturelle du Duc de Longueville, qui fuccéda à la Dame d'Eftrées dépofée pour les raifons que nous avons vues. Cette nouvelle Abbeffe ne vécut que cinq ans dans fa place. Pendant fa derniére maladie, Madame la Ducheffe de Longueville qui avoit pris cette maifan en affection, pour l'amour qu'elle portoit à la Réforme & à la Réformatrice, voulut faire tomber cette place entre les mains d'un bon fujer. La maison en avoit befoin. La Réforme commencée par la Mere Angélique n'avoit pas fait de grands progrès fous le gouvernement de la Dame de Soiffons. La Ducheffe s'adreffa à la Mere Angélique, & voulut avoir un Sujet de fa main. La Mere n'en trouvant pas qui en für plus digne que la Soeur Marie-des-Anges, actuellement maîtrefle des Novices à l'Abbaye du Lys, dont il a été parlé plus haut, la propofa à cette Princeffe. Celle-ci fans connoître le Sujet, l'accepta, & fe mit fur le champ en mouvement pour confommer cette affaire.

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Il eft bon de favoir ce qu'étoit cette Religieufe, dont nous allons voir des traits admira- Sa jeuneffe bles, qui vont de pair avec les plus beaux de pallée faintela Mere Angélique & de la Mere Agnès. Ellement, & ia étoit de Chartres fille d'un Avocat nommé ligieufe à P. profeffion Re. Suyreau, homme de bien, mais peu accommo- R. dé des biens de la fortume. C'étoit l'effet d'une confcience timorée, qui ne lui permettoit pas de fe charger de quantité d'affaires vifiblement injuftes, ou fufpectes. Madame Suyreau étant enceinte de celle dont nous parlons, fe fentit touchée de Dieu, n'ayant pas

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été jufqu'alors fort chrétienne. Elle éprouvoit un attrait fi fort pour la prière, qu'elle fe relevoit la nuit pour prier; & fa piété n'a fait que croître depuis ce tems-là jufqu'à la mort. C'eft à P. R. qu'elle eft morte, ayant été d'a bord Tourriére du déhors, puis fœur Converfe. Elle a toujours attribué ce changement qui fe fit en elle, à la bénédiction que lui avoit attirée l'enfant aimé de Dieu, qu'elle avoit porté dans fon fein. La petite Suyreau dès fa plus tendre enfance étoit tournée au bien par. une inclination toute naturelle: elle ne fe plaifoit que dans la compagnie de fa mere, avec qui elle travailloit toute la journée, & aimoit à s'édifier par des cantiques de piété qu'elle. chantoit. Son pere cultivoit ces femences de vertu par l'inftruction: il ufoit de petites induftries pour faire entrer fes enfans dans les voies du falut ; par exemple, s'il y avoir quelque médecine à leur faire prendre, il choififfoit les Vendredis, afin de leur faire honorer les fouffrances de Jesus-Chrift par la mortification qu'il y avoit à prendre un breuvage qui ne plaifoit pas au goût.

La jeune Marie cut de bonne heure un grand defir d'être Religieufe. Le peu de bien que poffédoient les parens, y formoit un obftacle. En 1615.comme quelques autres filles de Chartres partoient pour aller à P. R. le faire Religieufes, des Capucins qui connoiffoient la Mere Angélique & fon grand défintéreffement, confeillérent à la jeune Suyreau de profiter de l'occafion, & d'aller fe préfenter avec elles. Elle le fit. La Mere Angélique ayant été avertie qu'il étoit arrivé une charrette pleine de jeunes filles qui demandoient à entrer, vint à la porte; & ayant apperçu la petite Suyreau qui fe tenoit

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