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dence pour rétablir la Monarchie Francoife, tirée des procès & autres pièces originales du temps, par M, l'Abbé Langlet du Frefnoy.

Cet Quvrage eft divifé en deux Parties; la première renferme les actions de La Pucelle & le procès de fa condamna, tion. La feconde contient en fubstance ce qui s'eft paffé après fa mort pour fa justification. On en promet une troisième, qui comprendra les privilèges accordés à la Paroiffe où elle est née, & la généalogie de Mrs, du Lys, defcendans des frères de cette Héroine.

Peu de perfonnes ignorent les traits principaux de la vie de Jeanne Darc. On fçait qu'elle était d'auprès de Vaucou leur en Lorraine, & qu'elle prit le nom de Pucelle d'Orleans, pour avoir délivré cette Ville affiégée par les Anglais. Elle n'avoit, dit-on, que dix-huit ans lorf qu'on la préfenta à Charles VII. Elle dit à ce Prince que Dieu l'avoit choifie pour le conduire à Rheims, & le faire facrer dans cette Ville, après qu'elle auroit obligé les Anglois à lever le fiège d'Or leans. C'étoit à cela uniquement que fe bornoit fa miffion ; & elle demandoit à être renvoyée dans fon pays auffi-tôt

qu'elle auroit rempli ces deux objets. Vous jugez bien, Monfieur, que cette fille dut trouver bien des oppofitions dans le Confeil du Roi. La première chofe qu'on crut devoir faire pour s'affûrer de la vérité de fa miflion, fut de fçavoir fi elle étoit Pucelle, comme elle le difoit. La Reine de Sicile, belle-mère du Roi, la fit examiner en préfence par des Sages - Femmes. Il fut décidé qu'elle étoit Vierge; & quoiqu'âgée de dix-huit ans, elle n'étoit point fujette aux incommodités ordinaires de fon fexe. Mais on prétend que ce qui détermina le Roi à lui donner toute fa confiance, ce fut une révélation qu'elle eut des plus fecrettes penfées de ce Prince. Charles VII ne put voir fans admiration que cette fille lui rapportât des chofes qu'il croyoit n'être connues que de lui feul. Dès-lors il ne douta plus qu'elle ne fût infpirée. Mais, pour n'avoir rien à fe reprocher, il fit tenir une affemblée de Prélats, aufquels on propofa les queftions fuivantes; S'il convenoit à la Majefté Divine de fe mêler de la conduite d'un Royaume; s'il n'étoit pas de la dignité de Dieu d'employer des Anges plutôt que des hommes, pour opérer fes

merveilles ; s'il convenoit à la Providence de confier à des filles ce qui, dans la règle, doit être exécuté par des hommes? La réponse des Prélats fut favorable à Jeanne Darc; mais le Roi voulut encore fçavoir l'avis de fon Parlement. La Pucelle fut envoyée à Poitiers pour être interrogée. Le Parlement moins aifé à perfuader, regarda comme autant de folies toutes les réponses de cette fille. Il finit par lui demander un miracle pour confirmer la vérité de fes paroles. Elle répondit que Dieu ne l'avoit pas envoyée pour faire des miracles à Poitiers; mais qu'elle donneroit à Orleans & à Rheims des fignes certains de fa miffion. Elle ajouta qu'avant fept ans Paris fe foumettroit à l'obéiffance du Roi, & que les Anglois feroient entiè rement chaffés du Royaume.

Après bien des interrogatoires, le premier avis prévalut; on confia à la Pucelle le commandement de l'Armée, & elle marcha droit à Orleans pour en faire lever le fiège. Vous fçavez, Monfieur, toute la uite des actions éclatantes de cette jeune Héroïne ; je fupprime ce détail trop connu, & j'arrive au temps où elle fut prife au fiège de Compiegne,

Les Parifiens n'en eurent pas plutôt appris la nouvelle, qu'ils en témoignérent leur joye par des feux d'artifices, & par un Te Deum qu'ils firent chanter dans l'Eglife de Notre-Dame. Les Prédicateurs publièrent partout que Jeanne Darc étoit une Sorcière; & l'Univerfité de Paris préfenta une Requête, dans laquelle on l'accufoit du même crime. L'Evêque de Beauvais, qu'on fçavoit être extrêmement attaché au Roi d'Angleterre, fut chargé de lui faire fon procès. Le trait fuivant vous fera voir ce qu'on devoit attendre d'un pareil Juge. Ĉet Evêque avoit envoyé un Bourgeois de Rouen dans le pays de la Pucelle, pour faire des informations fur la vie de cette fille. Ce Bourgeois n'en rapporta que des témoignages avantageux. L'Evêque en fut fi irrité, qu'il l'accabla d'injures, & ne lui paya pas autrement les frais de fon voyage.

Vous êtes fans doute curieux de fçavoir les différentes queftions qu'on fit à notre Héroïne pendant l'inftruction de fon procès. On lui demanda d'abord fi elle avoit vû quelque Ange fur la tête de fon Roi, & fi ce Prince avoit eu des révélations? Elle répondit qu'elle n'avoit

rien à dire là-deffus, & qu'on n'avoit qu'à envoyer au Roi lui-même pour en être informé. Les Juges lui demandérent files Saintes qui lui apparoiffeient avoient des cheveux? Cela eft bon à fçavoir, leur dit-elle par une efpèce de raillerie: & comme on lui fit la même queftion par rapport à Saint Michel, elle répondit fur le même ton: pourquoi les y auroit-on coupés? Mais,demandoient encore ces Juges indécens, cet Archange étoit-il nud? Penfez-vous, dit-elle, que notre Seigneur n'aye de quoi le vêtir? On la queftionna enfuite fur le langage de Sainte Marguerite, fçavoir fi elle parloit Anglois? Comment parleroit-elle Anglois, dit-elle, vû qu'elle n'eft pas du parti Anglois : C'eft par de femblables questions qu'on cherchoit à l'embarraffer; mais elle répondoit à tout avec autant de fim plicité que de prudence. Plufieurs l'interrogeoient en même-temps, pour lui faire perdre le fil de fes réponfes. Comme c'étoient des Moines qui la tourmen. toient le plus, elle ne put s'empêcher de leur dire: Beaux Frères, faites l'un après l'autre. L'Evêque de Beauvais & quarante fix Juges Eccléfiaftiques livrés aux Anglois, cherchoient de tous côtés dé

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