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AVEC LE PRINCE DE Condé.

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raient, franches de tout droit, à travers le pays 1615. occupé par les gens du prince; qu'il prendrait leur défense en cas de siége, s'obligerait à respecter leurs franchises et ne ferait avec la cour aucun accommodement sans y comprendre les Rochelais. Moyennant ces concessions, le prince reçu de la commune des munitions de guerre, du canon et de l'argent pour solder ses gens de pied. '

1

L'armée royale, sous les ordres du maréchal de Bois-Dauphin, étant entrée en Angoumois, s'avança, dans les premiers jours de décembre, jusqu'à Châteauneuf-sur-Charente. Le duc de Guise partit aussitôt de Bordeaux pour aller en prendre le commandement. De son côté, le prince de Condé, après s'être reposé à Saint-Jean-d'Angély, s'était porté à quelques lieues au sud-est de cette ville, vers Matha. Là, apprenant l'arrivée de l'armée royale à Châteauneuf, il se replia sur la Charente, et entreprit de faire traverser le fleuve à ses troupes sur le pont de Taillebourg, afin de gagner la Dordogne et de faire sa jonction en Guienne avec le duc de Rohan.

Mais il avait perdu un temps précieux à Saint-Jeand'Angély. Déjà le pays au sud de la Charente était, en grande partie, occupé par l'armée du duc de Guise, beaucoup plus forte que la sienne. N'osant affronter les hasards d'une entreprise devenue trop chanceuse, il comprit que le meilleur parti qu'il eût

1 Mss. de Saint-Germain des Prés, ap. Arcère, Hist. de la Rohelle, tom. II, p. 139.

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INACTION DES DEUX ARMÉES.

1615. à prendre était de se tenir au nord de la Charente pour en défendre les passages, et se contenta de jeter dans le château de Pons celles de ses troupes qui avaient déjà passé le fleuve.

Le duc de Guise fit d'inutiles efforts pour joindre l'armée de Condé à travers un pays sillonné de riviè– res, où les communications devenaient de plus en plus difficiles, et où ses soldats souffraient beaucoup déjà des intempéries de l'arrière saison, tandis que son ennemi, retranché derrière la Charente, tirait d'abondantes provisions de Saint-Jean-d'Angély et de la Rochelle. Désespérant de pouvoir livrer bataille au milieu de l'hiver, le duc se décida à prendre ses quartiers entre la Charente et la Dordogne pour s'opposer à la jonction de Condé et de Rohan. 1

Pendant que les trois armées étaient ainsi cantonnées, la cour, sous la protection du duc de Guise, quitta Bordeaux vers la fin de décembre, et traversant lentement l'Angoumois et le Périgord, s'achemina à petites journées vers Poitiers.

1616. Esprit médiocre et moins ambitieux que cupide, Henri de Condé était plus propre à figurer dans de mesquines intrigues de cabinet qu'à combattre à la tête d'un grand parti, Ni lui ni la cour ne songeaient sérieusement à continuer la guerre. Des conférences s'ouvrirent, le 10 février 1616, dans la ville de Loudun où, trois mois après, la paix fut

1 Mém. de Pontchartrain, 2o part. ap. Petitot, Coll., tom. XVII, p. 118 à 123.

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signée moyennant une confirmation pure et simple 1616. de l'édit de Nantes et de larges gratifications pour le prince de Condé, qui reçut toute la bonne chère qu'il pouvait désirer.

Mais le prince, malgré les largesses de la cour, ne retourna à Paris, après la paix de Loudun, que pour cabaler, avec ses partisans, contre la reine-mère et le fameux Concini, maréchal d'Ancre, favori toutpuissant de Marie de Médicis. Son arrestation et son emprisonnement à la Bastille firent peu d'impression dans les provinces, dont les populations catholiques étaient désabusées sur son prétendu dévoùment à la cause gallicane. Les protestans, dont il avait assez mal défendu les intérêts aux conférences de Loudun, ne manifestèrent pour lui aucune sympathie, et se bornèrent à prendre quelques mesures de précaution pour leur propre sûreté.

Les Rochelais s'assurèrent de nouveau du château de Rochefort et de quelques autres places d'Aunis qu'ils avaient évacuées à la paix de Loudun. Cette action fut la source d'un violent débat entre le duc d'Epernon et les municipaux de la Rochelle. Le duc, en sa qualité de gouverneur des pays de Limousin, Angoumois, Saintonge et Aunis, prétendait étendre son autorité jusques sur la Rochelle et son territoire: les Rochelais soutenaient, au contraire, que leurs priviléges donnaient au maire le commandement, non seulement de la ville et de sa banlieue, mais encore de tout le pays d'Aunis. C'était, dit un contemporain,

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QUERELLE DES ROCHELAIS

1616. une vieille contestation que les rois n'avaient pas voulu juger. 1

Quoi qu'il en soit, le duc d'Epernon ayant appris à Bordeaux comment ceux de la Rochelle s'étaient saisis à main armée de la maison de Rochefort et y avaient mis nombre de soldats, s'en offensa grandement, croyant que c'était le braver et lui faire affront. Il se rendit aussitôt à Saintes et envoyà le vice-sénéchal de Saintonge sommer la garnison de Rochefort de laisser la place libre ès-mains du propriétaire.« Nous n'avons d'ordres à recevoir de M. d'Epernon, répondirent ceux de dedans, et ne reconnaissons pour chef que le maire de la Rochelle. >>

pas

Cette réponse, rapportée au duc, le mit dans une grande colère. Il jura par son épée de n'avoir pas de repos que la maison de Rochefort ne fût en son pouvoir. « Et de fait, il écrivit par tous ses gouvernemens, priant et conjurant les uns et les autres de le venir trouver, de lui amener gens de cheval et de pied pour exécuter son entreprise, et faisant entendre que c'était pour réprimer les attentats de ceux de la Rochelle. Cela émut beaucoup de gens. »

De leur côté, les Rochelais, connaissant l'emportement et l'opiniâtreté du vieux duc, firent un appel à tous ceux de leur religion pour repousser ses atiaques. On vit bientôt arriver à la Rochelle, avec ce qu'ils y purent mener de gens de cheval et de pied,

1 Mém. de Pontchartrain, 2o part. ap. Petitot, Coll., tom. XVII,

p. 172.

ET DU DUC D'ÉPERNON.

231 Henri de la Trimouille, duc de Thouars, Aimé de Rochechouart, marquis de Bonnivet, qui venait d'embrasser la réforme, Tallansac de Loudrière, grand-sénéchal d'Aunis, et nombre d'autres gentilshommes et capitaines.

Il y avait, dans la rade de la Rochelle, un grand vaisseau de guerre hollandais. Les Rochelais gagnèrent le capitaine de ce navire, qui alla mouiller à l'embouchure de la Charente, pour prêter assistance à la garnison de Rochefort. A cette nouvelle, le duc d'Epernon envoya représenter au capitaine étranger qu'il ferait une grave insulte au roi de France s'il faisait servir son vaisseau aux desseins des ennemis de Sa Majesté. Le hollandais feignit de se rendre à cette remontrance et promit de se retirer.

D'Epernon, sans attendre l'arrivée de toutes ses forces, s'avança bientôt, avec ce qu'il avait de monde, jusqu'à Tonnay-Charente où il mit une forte garnison. Comme il était dans cette ville, on vint le convier, de

la

pari du seigneur de Surgères, d'aller le visiter dans son manoir, à cinq lieues de la Rochelle. Le duc se rendit à cette invitation et trouva le vieux baron grandement malade au lit de la mort. Le moribond le supplia de veiller à la défense de sa maison, dont les Rochelais avaient résolu de s'emparer, et de prendre sous sa protection Mme de Montendre, sa fille, qui plaidait en séparation contre son mari et tremblait que celui-ci ne vint l'enlever de force après la mori de son père. Le duc promit de remplir les vœux du

1616.

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