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nouvelle paffion, & que toute cette pratique s'our dissoit secrettement dans son propre Palais, au quartier d'une Demoiselle no.nmée la Haie, femme de fon Apotiquaire, & l'agente ordinaire des amours du Duc, pour en arrêter le cours fit ausli-tôt arrêter cette Agente avec la Demoiselle de S. Remi, & les fit enfermer dans une chambre sous bonne garde. Outre cela elle fit encore renforcer toutes celles des portes du Palais, afin que le Duc ne trouvât aucune facilité, ni à leur parler, ni à les faire évader, comme il en formoit le dessein: de forte qu'un jour s'étant presenté à une de ces portes pour y paffer, un Suifle lui voyant faire quelque effort pour cela, lui poussa brutalement un coup de hallebarde, dont il fut un peu bleflé. Enfin voyant que la Duchesse d'Orleans ne vouloit point se relâcher del'oppofition qu'elle apportoit à ce Mariage, & que le Roi l'appuyoit, comme il avoit fait à l'égard de celui de Mariane; il résolut de quitter Paris, où il avoit laisfé affez de matiére de parler de lui, & de retourner dans ses Etats. Avant que partir de Paris il apprit que la Princesse de Cantecroix étoit arrivée à Bar, sous prétexte d'y venir voir la Princefle de Lillebonne sa fille; mais en effet pour écouter de plus prés tous ces nouveaux mariages, ausquels il buttoit au préjudice du sien, qu'elle prétendoit ne devoir plus recevoir d'obstacle, puisque la Duchesse Nicole étoit morte, l'inquiétude que le Duc reçût de l'arrivée de cette Princefle, le porta à lui envoyer faire commandement de se retirer dans le Comté de Bourgogne; lui faisant entendre qu'il n'étoit pas encore temps de fonger à leur mariage, & qu'en attendantelle pouvoit bien aller donner ordre à ses affaires domestiques.

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Cette Princefle outrée de ce commandement,

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& d'un traitement si rude obéit néanmoins fans résistance, pour ne pas s'attirer une plus grande insulte du Duc. Elle le fit seulement prier qu'elle pût demeurer à Remiremont, esperant que quand il seroit paisible dans ses Etats il oublieroit plus aifément ses nouvelles maîtresses, & qu'il lui restoit encore affez de beauté & de charmes, pour regagner, avec la complaisance qui lui étoit naturelle, la place qu'elle avoit autrefois possedée dans son cœur.

Pendant que toutes ces choses se passoient la Noblesse de l'Ancienne Chevalerie, ne perdant pas l'esperance de rétablir ses Priviléges crût que la conjoncture presente des affaires du Duc ne lui avoit point encore été si favorable, & fir de nouveaux efforts pour se remettre dans ses bonnes graces. C'est pourquoi elle s'adressa au Duc François, qu'elle avoit appris être rentré en quelque bonne intelligence avec lui, à cause du consentement que le déplorable état où il se trouvoit réduit, lui faisoit donner à ses Mariages. Ces Gentilshommes le priérent de vouloir affurer le Duc de leur part du déplaisir, que leur donnoit le Traité qu'il avoit fait avec le Roi, ne pouvant se réfoudre à changer de Prince & de Maître, nonobstant le mépris qu'il faisoit de leur fidélité, & proteftant que tous en général & en particulier, ne laisseroient pas de conserver toûjours une inviolable affection pour son service, & pour celui Pour de l'Etat. Que s'il lui plaisoit de leur permettre de s'assembler, pour lui faire une députation là-defsus, afin de s'aquitter de leur devoir dans la conjoncture presente des affaires; ils tâcheroient de lui faire connoître combien leurs sentimens étoient pleins d'amour & de fincerité pour sa Personne, & pour sa Maison.

Le Duc François, ayant fait connoître au Duc

com

combien il étoit important de conserver l'affection de ses principaux Vassaux, qui avoient eu pour lui une fidelité presque sans exemple pendant toute la guerre derniére, & de ne pas continuer à les rebuter, de peur que le desespoir ne les fit jetter entre les bras du Roi, qui dans ce tempslà n'auroit pas négligé leurs hommages, il confentit enfin qu'ils s'assemblassent à Jarville petit Village proche de Nanci, en leur faisant même efperer toutes fortes de bons traitemens.

Mais à peine cette Aflemblée fut-elle commencée que le Parlement du Duc rendit un Arrest rigoureux pour l'empêcher & la rompre. Cette défense parut même avoir été concertée avec le Duc, étant arrivé dans le Païs, fort peu de jours aprés, un ordre de sa part pour mettre des gens de guerre dans toutes les Maisons des Gentilshommes, quis'y étoient trouvez.

Les plus mutins de ces Messieurs laffez de tant de rigueur, & de trouver si peu de fûreré dans l'esprit du Duc, commencerent à faire des pratiques sous main avec Monfieur de Pradel Licutenant Général, & Gouverneur pour le Roi dans Nanci, qui y étoit toûjours avec une forte Garnifon des Gardes Françoises, en attendant la démolition entiére de ses Fortifications, & le prićrent enfin d'offrir leur service à Sa Majesté.

Le Roi, dans le dessein qu'il avoit pris de harceler le Duc, à cause du refus qu'il faifoit de lui mettre Marsal entre les mains, crût que cette occasion lui en presentoit un nouveau moyen. Il ac cepra donc l'offre & ordonna à Pradel de permettre au Corps de la Noblesle del'Ancienne Chevalerie de s'assembler au Pont à Mousson, ou à Nanci même, s'ils l'aimoient mieux, & d'y tenir leur Justice & leurs Affifles, comme d'ancienneté. Mais il entendoit que leur donnant sa protection,

tection, ils levassent le masque & se déclarassent pour son service. Ce projet n'eut toutefois point d'effet, parce que restant encore aux principaux de la Noblesle de veritables sentimens d'honneur & de fidélité pour leurs Princes naturels, ils traverserent le mauvais dessein des plus emportez, & en retarderent l'execution. Aussi est-il certain qu'un Etat perd toûjours plus qu'il ne gagne, quand il vient à changer de domination quelque douce & favorable qu'elle semble être en son commencement;& qu'enfin il n'est jamais permis aux Vassaux d'un Prince pour quelque cause & quelque prétexte que ce soit de le déposseder. C'est un coup réservé à Dieu seul, qui veut cependant qu'on en fouffre le joug, tant qu'il lui plaît de le laiffer fur la terre.

Les choses étant dans ces termes, le Duc reçût une nouvelle inquiétude, sur la nouvelle, que le Marquis d'Haraucourt, qui étoit Gouverneur de Marsal, lui donna par un Courier exprés, que le Prince de Lorraine y étoit venu de Vienne en grande diligence, & avoit trouvé moyen d'entrer dans la Place sous un nom supposé lui troifiéme. Cet avis fit craindre au Duc que ce Prince n'eût quelque intelligence avec une partie de la Garnifon, & qu'il ne fût venu en cette Place que dans l'intention de s'en rendre maître, ce qui n'étoit pas fans quelque probabilité , quoi que de son côté il eût auffi envoyé un Courier à Monfieur son Oncle, pour l'affûrer qu'il n'y étoit venu que fur l'avis qu'on lui avoit donné à Vienne quele Roi se préparoit à l'affiéger, & feulement pour exposer sa vie à sa défense. Le Duc néanmoins ne se payant point de cette excuse n'eut point de repos qu'il n'eût trouvé moyen de l'en faire fortir. Pour cet effet il employa le Duc François même

qui auffi bien que fon Altesse lui envoya un Exprés

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prés pour l'obliger par diverses raisons à se retirer. Il eut toutefois assez de peine à s'y résoudre; mais comme ce voyage avoit été allez mal conçû; qu'il reconnut étant dans la Place qu'il n'y avoit pas un Officier duquel il pût s'assurer, & qu'il n'y avoit nul dessein formé de la part du Roi d'attaquer cette Place, sa Majesté paroissant alors en affez bonne intelligence avec le Duc; il vit bien qu'il n'avoit plus de prétexte sutfisant pour de meurer à Marsal & qu'il ne pouvoit prendre d'autre parti que celui de retourner à Vienne, comme il fit. Aussi ne pouvoit-il se hazarder plus hors de saison, & plus mal à propos. Comme j'étois en Lorraine, auli-tôt que je sçûs son ar rivée je voulus l'aller trouver, mais dans le temps que je m'y préparois le Marquis d'Haraucourt, quoi qu'il fut mon beau-frere, m'ayant pour suspect dans cette conjoncture, me dépêcha un de les gens, pour m'avertir qu'ayant reçû un ordre trés-exprés de la part du Duc, de ne laiffer entrer aucun Gentilhomme de l'ancienne Chevalerie dans sa Place, il me prioit de ne m'y point presenter, puis qu'il seroit contraint de m'en refuser l'entrée. Quoi que cette excuse ne fût qu'un prétexte fimulé, & que le veritable fut l'attachement qu'il sçavoit que je devois avoir pour le Prince, je ne pûs toutefois lui sçavoir mauvais gré de ce refus, puis qu'en semblable occafion un Gouverneur de Place ne sçauroit trop se précautionner, ni être trop fur ses gardes, pour le fervice de son Maître. Mon intention néanmoins n'étoit pas d'entretenir celle que le Prince avoit pû prendre de se rendre maître de Marsal; ce qui me paroifloit trop mal digeré pour en venir à bout; mais au contraire de lui remontrer qu'il avoit fsuivi un mauvais conseil, de s'être exposé en même temps au pouvoir du Duc & du Roi, qui pour

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