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Il est un point, Messieurs, sur lequel tout le monde est d'accord, c'est que la production est en rapport avec la quantité d'engrais dont le cultivateur enrichit le sol. - Aussi avons nous vu, depuis un certain nombre d'années, les hommes de science appliquer les connaissances chimiques aux moyens de procurer des engrais à l'agriculture.

Loin de nous, Messieurs, de déprécier les nobles et utiles efforts tentés par nos savants les plus distingués pour procurer à l'agriculture ce qui est le plus essentiel à sa vie et au développement de ses forces productives. Elle peut et doit certainement demander aux matières étrangères à son sol des suppléments d'engrais, mais il n'est pas moins vrai que c'est dans elle-même qu'elle en doit trouver la masse principale; autrement dit, l'agriculture, pour prospérer, a besoin d'engrais, et elle doit produire elle-même les engrais dont elle a besoin. C'est ce que l'industrieuse Angleterre a parfaitement compris.

Veuillez vous rappeler, Messieurs, que nous avons eu l'honneur de vous dire plus haut, que jusque vers 1650, la France et l'Angleterre, suivaient le même mode de culture, à savoir l'assolement triennal avec jachères. La France a continué la même route. A cette époque, l'Angleterre l'abandonna.

Elle jugea que tout le systéme agricole résidait dans l'augmentation des engrais, que c'était peu de semer, que l'important était la récolte, et qu'on ne pouvait récolter plus, qu'en fumant d'avantage.

Alors, au lieu d'augmenter ses emblavements, elle les diminua. Dans les meilleures terres, au lieu de faire du blé tous les trois ans, elle n'en fit que tous les quatre ans ; dans celles moins bonnes, tous les cinq ans ; dans les plus inférieures, elle alla même jusqu'à n'en faire que tous les six ans. En revan

che, elle s'adonna avec énergie et persévérance à la créatiou d'herbages artificiels, leur consacra des dépenses considérables, de manière à accroître le nombre de ses bestiaux en se créant les moyens de les nourrir. Sans entrer dans des détails qui nous mèneraient beaucoup trop loin, nous nous contenterons, Messieurs, de vous dire qu'aujourd'hui l'Angleterre possède 56 millions de moutons sur son sol, qui n'est que de 32,000,000 d'hectares; tandis que nous, sur le sol de la France, qui est de 52,000,000 d'hectares, notre richesse moutonnière n'est que de 32.500,000 individus ; certaines statistiques agricoles constatent que chaque hectare du sol français, reçoit en moyenne l'équivalent de ce que deux moutons et demi peuvent produire d'engrais, tandis que l'hectare du sol anglais reçoit l'équivalent de la fumure que peuvent donner 18 moutons.

Faut-il s'étonner, après cela, Messieurs, d'avoir à constater que l'hectare emblavé, en Angleterre, donne, en moyenne, 21 hectolitres; tandis qu'en France, il ne donnait, vers 1789, que 6, sous le ministère Chaptal 8, et en 1839, 13 hectolitres par hectare,

Mais est-ce un motif pour désespérer de l'avenir? Non, Messieurs; si la question des engrais, toute grossière qu'elle peut paraître, acquiert chaque jour plus d'importance, si elle est comprise d'abord par ceux qui sont à la tête des affaires, et si chacun, dans la limite de la possibilité individuelle, en fait le point de mire de ses efforts, et la regarde comme la base de la prospérité de son pays, si surtout les gouvernants, par l'ordre dans les finances de l'état, ne pressurent pas, à l'excès le cultivateur qui, souvent loin de pouvoir augmenter le nombre de ses bestiaux, est obligé de le diminuer encore, quoique déjà si restreint, pour satisfaire aux exigeances de l'impôt et du fisc.

A quel dégré de production ne parviendrait pas le sol de Ja France seulement cultivé aujourd'hui, si, les assolements

étant bien dirigés, la somme des engrais nécessaire à sa production lui était consacrée? Avez-vous jamais songé, Messieurs, à ce que serait un tiers seulement en sus de la production totale et moyenne de la France? Ce résultat pourtant, s'il est difficile, n'est pas impossible à atteindre. Mais il ne pourra être obtenu que par la multiplication des engrais. Si, Dieu aidant, cette vérité pouvait être comprise et mise en pratique par ceux qui possèdent ou exploitent le sol de la France, le présent cesserait de craindre pour l'avenir, et la France, loin de voir avec anxiété l'accroissement continuel de ses enfants, n'aurait qu'à s'en réjouir, en songeant qu'elle pourrait donner à chacun, avec abondance, le pain de chaque jour.

RAPPORT

SUR

LES TRAVAUX DE L'ANNÉE,

PAR M. CHARRES DARCEL.

Secrétaire du bureau.

MESSIEURS,

Je viens, suivant l'usage consacré, soumettre à votre appréciation le résumé des travaux accomplis par la Société pendant le cours de cette année. Je me suis efforcé de donner le plus de concision possible à cette analyse, afin de ne pas trop fatiguer votre bienveillante attention.

1o ANIMAUX DOMESTIQUES.

La Societé, comme par le passé, porte ses principales préoccupations sur le bétail, base fondamentale de la prospérité agricole.

Depuis longtemps nous nous sommes émus de l'état de décadence dans lequel est tombée la race chevaline dans notre département, et nous avons cherché, par des primes et des introductions, à y porter remède. C'est pour continuer sa tâche régénératrice que, cette année encore, la Société s'est décidée à faire l'acquisition de deux étalons percherons, qui seront revendus dans le département à la condition d'y être livrés à la saillie pendant un temps déterminé.

Nous sommes toujours convaincus que l'étalon percheron est le producteur avec lequel, dans l'état actuel de nos juments, on puisse opérer le croisement le plus judicieux, celui qui puisse nous donner le mieux ces chevaux de trait légers si recherchés maintenant.

Cependant, bien que le sang percheron nous paraisse le plus convenable à introduire dans l'état actuel de notre race chevaline, la Société est loin de s'associer aux tendances qui ont paru vouloir se faire jour dans ces derniers temps, de supprimer les haras nationaux. Elle pense, au contraire, l'État seul, à l'aide des deniers de la communauté, peut que empêcher la ruine complète de la race chevaline, et conserver ainsi à la France une des principales sources de sa force.

› Aussi, la Compagnie a-t-elle cru devoir protester, de toute l'énergie de ses convictions, devant l'Assemblée Nationale, contre le projet de décret tendant à la destruction des haras de l'État.

le

L'Assemblée n'a pas encore statué sur cette question, mais nous avons l'espérance que l'état actuel sera conservé, Ministre de l'agriculture venant, ces jours derniers, de présenter une demande de fonds applicables à des achats d'étalons pour la remonte des haras nationaux.

L'espèce ovine est aussi en souffrance, et tous les efforts de la Société ont toujours tendus à empêcher la dégénérescence de nos laines.

Fidèles à nos principes, c'est par l'introduction du sang mérinos que nous avons encore voulu, cette année, chercher à porter un remède à ce fâcheux état de choses, en faisant l'acquisition de dix béliers de race mérine, qui, nous l'espérons, aideront à rétablir, par la vente qui en a été faite, l'ancienne race métisse, jadis si florissante dans nos contrées.

Frappés du peu de soin et de discernement qu'on apporte généralement dans le choix des reproducteurs de la race porcine, la Société s'est décidée à faire l'acquisition de trois verats de race vraiment amélioratrice, pour les revendre aux enchères, à la charge de les conserver dans le départe

ment,

Nous avons été mis à même cette année, par un rapport de notre confrère M. Fauchet, de constater l'efficacité de la méthode Guénon pour reconnaître à priori la quantité et la qualité du lait que doit donner une vache. Aussi, en atten dant que, conformément à la demande que nous lui avons adressée, le Gouvernement fasse publier une nouvelle brochure sur cette découverte, nous avons décidé que le livret rédigé par Guénon lui-même serait joint au prix accordé à chaque lauréat de l'espèce bovine.

2o CULTURE PROPREMENt dite.

La Société s'est encore préoccupée de la maladie des pommes de terre, et a continué d'y chercher un remède à

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