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de Tofcane, dont il raconte cette fingularité». Je » l'ai vu » dit-il dans fes Mémoires « fe promener >> dans fa chambre au milieu de deux grands ther» momètres, fur lefquels il avoit les yeux conti>>nuellement attachés, & s'ôter & fe remettre des » calottes, dont il avoit toujours cinq ou fix à la » main, felon les degrés de froid ou de chaud que ›› ces machines lui marquoient. C'étoit une chofe "affez plaifante à voir. Il n'y a point de joueur » de gobelets qui foit plus adroit à les manier, » que ce Prince l'étoit à changer fes calottes. ››

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Un gentilhomme montroit à un amateur, fa collection de tableaux, & s'arrêtant vis-à-vis un petit tableau: voilà, s'écria-t-il, un morceau fans prix. L'amateur l'obferva quelques inftants, & cherchoit à y découvrir les beautés dont le gentilhomme paroiffoit extafié, lorfque celui-ci lui dit : « Mon» fieur, le mérite de ce morceau n'eft pas en lui» même, mais dans la manière dont il a été fait. » Le Peintre a tracé le tout avec fon pied, & il » tenoit le pinceau avec les orteils. Je l'ai acheté » fort cher, car les talents particuliers méritent " récompenfe."

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L'Abbé de Marolles nous rapporte dans fes Mémoires, que fon père, très-bon gentilhomme, s'étonnoit qu'un homme comme lui, qui avoit couru tant de périls à la guerre, fût réduit à mourir dans fon lit. Quoi! difoit-il, n'eft-ce pas les armes à la main qu'il faut que je quitte la lumière? Il fe faifoit alors apporter fa pertuifane, & s'en fervoit pour fe foutenir, au lieu de bâton. Il obfervoit la même cérémonie toutes les fois qu'il fe faifoit faigner, fous prétexte qu'un homme de guerre ne devoit répandre fon fang que les armes à la main.

Un homme de condition, connu par fes fingularités, foutenoit qu'il étoit poffible à l'homme de fe fabriquer des ailes & de voler. Il voulut luimême le prouver par l'expérience, & il réuffic affez pour tomber à quelques pas de fon balcon

&fe caffer une jambe. Son Valet-de-Chambre, dont ce nouveau Dédale avoit voulu faire un Icare, refufa conftamment de partir le premier, malgré toutes fes inftances. Il alléguoit pour raifon, qu'un domeftique doit le céder à son maître.

C'est le même qui répondit à celui qui vint lui annoncer que le feu étoit chez lui, qu'il n'étoit pas fait pour garder la maison.

Milord Lanesbrow, dont parle Pope dans fes Epitres morales, étoit fi paffionné pour la danfe, que l'âge & la goutte ne purent lui ôter ce plaifir. Il danfoit même au milieu des accès les plus cruels de la goutte; &, comme on le penfe bien, il n'alloit pas beaucoup de mefure. A la mort du Prince de Danemarck, époux de la Reine Anne, il demanda à cette Reine une audience particulière: c'étoit pour lui repréfenter qu'elle feroit trèsbien de danfer, afin de conserver sa santé, & de diffiper fon chagrin.

Edouard Howard, Comte de Suffolk, fe crut né Poëte, parce qu'il étoit né avec du goût pour les vers & avoit quelque dérangement dans le cerveau: mais malheureufement fa folie n'étoit pas du genre poétique, & il fit beaucoup de vers fans pouvoir en faire de bons. Il lifoit un jour de fes poéfies à un homme de lettres; & comme il en étoit à la defcription d'une belle femme, il l'arrêta tout-à-coup, & dit : « Monfieur, je ne fuis pas » comme la plupart des poëtes; je ne chante pas des

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beautés imaginaires; j'ai toujours mes modèles "fous les yeux ». Et fur-le-champ il tire la fonnette, & dit à un de fes gens : « Faites-moi venir Beaux"yeux. Une fille parut. «Beaux yeux» dit le Comte regardez Monfieur en face ». Elle regarda & fe retira. Deux ou trois autres odaliques de ce ferrail parurent à leur tour, & étalèrent aux yeux de l'homme de lettres, les charmes divers par lefquels elles étoient caractérisées dans les vers du Milord: Voyez le Catalogue des Rois & des Nobles d'Angleterre qui ont été auteurs, & le Journal étranger 2762.

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Le Chevalier de la Boiffière, fils naturel de la célèbre Ninon, mort en 1732, âgé de foixante & quinze ans, étoit un très-bon Officier de marine, mais d'un caractère fingulier. La mufique étoit fa paffion, & il n'en connoiffoit pas une note. Il avoit un cabinet rempli de violons, de guitares, de baffes, de violes, de claveffins, de luths & de toutes fortes d'inftruments à corde, & il n'en savoit jouer d'aucun. Il demeuroit à Toulon; il invitoit à la table, tous les Muficiens Italiens qui paffoient par cette ville, foit pour venir en France, foit pour s'en retourner en Italie. Après les avoir bien régalés, il leur faifoit exécuter un concert pour lui tout feul.

Un Médecin Ecoffais, nommé Douglas, étoit fi paffionné pour Horace, que ce poëte multiplié dans près de quatre-cents éditions de tout âge & de tout pays, compofoit fa bibliothèque.

Un Marchand, qui avoit paffé en Angleterre dans une des îles de l'Amérique, y acquit une fortune affez confidérable; mais il crut qu'il ne pourroit pas être heureux, s'il ne la partageoit avec une femme de mérite; & comme il n'en trouvoit dans l'île, aucune qui lui convînt, il prit le parti d'écrire à un de fes correspondants à Londres, dont il connoiffoit l'exactitude & la probité. Comme il n'avoit d'autre ftyle que celui du commerce, il écrivit à fon ami, une lettre dans laquelle, après avoir parlé de plufieurs affaires, il vint à l'article de fon mariage. Voici la teneur de cet article: « Item, voyant que j'ai pris la réfolu» tion de me marier, & que je ne trouve pas ici » un parti convenable pour moi, ne manquez pas » de m'envoyer par le premier vaiffeau chargé » pour cette place, une jeune femme, des qualités » & de la forme fuivantes. Quant à la dot, je » n'en demande point; qu'elle foit d'une hon» nête famille, entre vingt & vingt-cinq ans ; » d'une taille moyenne & bien proportionnée; » d'un vifage agréable, d'un caractère doux; d'une

"réputation fans tache; d'une bonne fanté, & " d'une conftitution affez forte pour fupporter le "changement de climat, afin de n'être pas obligé "d'en chercher une autre, par le défaut fubit de » celle-ci; ce qu'il faut prévenir autant que faire » fe pourra, vu la grande distance & le danger des »mers. Si elle arrive conditionnée comme ci-def» fus, avec la préfente lettre, endoffée par vous, » ou du moins avec une copie bien attestée, crainte » de méprise ou de tromperie, je m'engage à faire "honneur à ladite lettre, & à époufer la porteuse, » à quinze jours de vue. En foi de quoi j'ai figné " celle-ci, &c. ». Le correfpondant de Londres Jut & relut cet article extraordinaire, qui traitoit la future époufe fur le même pied que les balles de marchandises qu'il devoit envoyer à fon ami; il admira la prudente exactitude & le style laconique de cet Américain, & il fongea à le fervir felon fon goût. Après plufieurs recherches, il crut avoir trouvé la femme qu'on demandoit, dans une. demoiselle aimable, mais fans fortune, & qui acccepta la propofition. Elle s'embarqua fur un vaiffeau avec les marchandifes, & bien pourvue de certificats en bonne forme, endoffés par le correfpondant. Elle étoit comprise dans l'envoi, en ces termes : « Item, une fille de vingt-un ans, de » la qualité, forme & condition comme par or» dre, ainsi qu'il confifte par les atteftations qu'elle » produira. Avant le départ de la Demoiselle, le correfpondant avoit fait partir des lettres d'avis par d'autres vaiffeaux, pour informer fon ami, qu'il lui envoyoit, par tel bâtiment, une jeune perfonne, telle qu'il avoit demandée. Les lettres d'avis, les marchandifes, la demoiselle, tout arriva heureusement au port. Notre Américain se trouva au débarquement, & vit une perfonne trèsaimable, & qui, l'ayant entendu nommer, lui dit: « Monfieur, j'ai une lettre-de-change fur » vous, j'espère que vous y ferez honneur ». Elle lui remit en même-temps la lettre de fon corres

pondant, fur le dos de laquelle étoit écrit: La porteufe d'icelle eft l'époufe que vous m'avez donné ordre de vous envoyer. « Mademoiselle » dit l'Américain je n'ai jamais laiffé protefter mes let» tres-de-change, & je vous jure que je ne com›› mencerai point par celle-ci; je me regarderai » comme le plus heureux des hommes, fi vous me » permettez de l'acquitter ». Cette première entrevue fut bientôt fuivie des noces; & ce mariage eft devenu un des plus heureux de la Colonie: Papiers Anglais de 1761.

ROI.

UN Monarque, chargé par devoir, de veiller au

gouvernement de fes Etats, a mauvaise grace de s'occuper d'études qui peuvent l'en diftraire. C'eft ce qu'un Muficien ofa un jour faire fentir à Philippe, Roi de Macédoine. Ce Prince lui faifoit un reproche de ce que l'air qu'il venoit de chanter, n'étoit pas felon les règles. « A Dieu ne plaife, » Seigneur » lui répondit ce Muficien« que vous » foyez jamais fi malheureux, que de favoir ces » chofes- là mieux que moi!»>

Un Roi de Perfe avoit un fils très - difforme, mais doué des vertus les plus éminentes. Cependant fon père le haïffoit, & avoit accordé fon amitié à fes autres enfants, qui brilloient par leurs qualités extérieures. La guerre s'éleva: l'armée du Roi, commandée par fes enfants, murmuroit fur l'incapacité de fes Généraux, & commençoit à plier. Le jeune Prince qui avoit en bravoure, tout ce qui lui manquoit en beauté, dit alors à fes amis : Allons, en combattant, nous ne rifquons que nos jours; en fuyant, nous expofons l'armée & le royaume. Il marche à l'ennemi, & revient vainqueur. Son père reconnut fa faute, & le déclara 1on héritier. Ses frères, jaloux & irrités, tentè

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