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sa mère, pour laquelle il pleurait, lui demande une pomme ou un cornet de dragées qu'il tient en sa main, il ne les voudra nullement lâcher.

Telles sont la plupart de nos tendres dévotions: voyant donner un coup de lance qui transperce le cœur de JésusChrist crucifié, nous pleurons tendrement. Hélas! Philothée, c'est bien fait de pleurer sur cette mort et passion douloureuse de notre Père et Rédempteur; mais pourquoi donc ne lui donnons-nous pas tout de bon la pomme que nous avons en nos mains, et qu'il nous demande si instamment : à savoir notre cœur, unique pomme d'amour que ce cher Sauveur requiert de nous? Que ne lui résignons-nous tant de menues affections, délectations, complaisances, qu'il nous veut arracher des mains et ne peut, parce que c'est notre dragée, de laquelle nous sommes plus friands, que désireux de sa céleste grâce. Ah! ce sont des amitiés de petits enfants que cela, tendres, mais faibles, mais fantasques, mais sans effet. La dévotion donc ne gît pas en ces tendretés et sensibles affections, qui quelquefois procèdent de la nature, qui est ainsi molle et susceptible de l'impression qu'on lui veut donner, et quelquefois viennent de l'ennemi, qui, pour nous amuser à cela, excite notre imagination à l'appréhension propre pour tels effets.

II. Ces tendretés et affectueuses douceurs sont néanmoins quelquefois très-bonnes et utiles, car elles excitent l'appétit de l'âme, confortent l'esprit, et ajoutent à la promptitude de la dévotion une sainte gaîté et allégresse, qui rend nos actions belles et agréables, même à l'extérieur. C'est ce goût qu'on a pour les choses divines, pour lequel David's'écriait : «< O Seigneur, que vos paroles sont douces à mon palais, » elles sont plus douces que le miel à ma bouche!» Et certes, la moindre petite consolation de la dévotion que nous recevons, vaut mieux de toute façon que les plus excellentes récréations du monde. Les mamelles et le lait, c'est-àdire, les faveurs du divin époux, sont meilleures à l'âme que

le vin le plus gracieux des plaisirs de la terre; qui en a goûté, tient tout le reste des autres consolations pour du fiel et de l'absinthe. Et comme ceux qui ont l'herbe scytique en la bouche en reçoivent une si extrême douceur, qu'ils ne sentent ni faim ni soif; ainsi, ceux à qui Dieu a donné cette manne céleste des suavités et consolations intérieures, ne peuvent désirer ni recevoir les consolations du monde, pour y prendre goût et y amuser leurs affections. Ce sont de petits avant-goûts des suavités immortelles que Dieu donne aux âmes qui le cherchent; ce sont des grains sucrés qu'il donne à ses petits enfants pour les amorcer; ce sont des eaux cordiales qu'il leur présente pour les conforter; ce sont aussi quelquefois des arrhes et récompenses éternelles.

On dit qu'Alexandre le Grand, cinglant en haute mer, découvrit premièrement l'Arabie-Heureuse, par le sentiment qu'il eut des suaves odeurs que le vent lui donnait et sur cela se donna du courage et à tous ses compagnons; ainsi, nous recevons souvent des douceurs et suavités en cette mer de la vie mortelle, qui, sans doute, nous fait pressentir les délices de cette patrie céleste, à laquelle nous tendons et aspirons.

III. Mais, me direz-vous, puisqu'il y a des consolations sensibles qui sont bonnes et viennent de Dieu, et que néanmoins il y en a d'inutiles, dangereuses, voire pernicieuses, qui viennent ou de la nature, ou même de l'ennemi, comment pourrai-je discerner les unes des autres, et connaître les mauvaises ou inutiles entre les bonnes? C'est une générale doctrine, très-chère Philothée, pour les affections et passions de nos âmes, que nous les devons connaître par leurs fruits nos cœurs sont des arbres, les affections et passions sont leurs branches, et leurs œuvres ou actions sont les fruits. Le cœur est bon qui a de bonnes affections, et les affections et passions sont bonnes, qui produisent en nous de bons effets et saintes actions. Si les douceurs, ten

dretés et consolations nous rendent plus humbles, patients, traitables, charitables et compatissants à l'endroit du prochain, plus fervents à mortifier nos concupiscences et mauvaises inclinations, plus constants en nos exercices, plus maniables et souples à ceux que nous devons obéir, plus simples en notre vie; sans doute, Philothée, qu'elles sont de Dieu. Mais si ces douceurs n'ont de la douceur que pour nous, et qu'elles nous rendent curieux, aigres, pointilleux, impatients, opiniâtres, fiers, présomptueux, durs à l'endroit du prochain, et que, pensant déjà être de petits saints, nous ne voulions plus être sujets à la direction, ni à la correction, indubitablement ce sont des consolations fausses et pernicieuses. Un bon arbre ne produit que de bons fruits. IV. Quand nous aurons de ces douceurs et consolations, il nous faut beaucoup humilier devant Dieu.

1. Gardons-nous bien de dire pour ces douceurs : Oh! que je suis bon! Non, Philothée, ce sont des biens qui ne nous rendent pas meilleurs ; car, comme j'ai dit, la dévotion ne consiste pas en cela; mais disons: Oh! que Dieu est bon à ceux qui espèrent en lui, à l'âme qui le recherche. Qui a le sucre en bouche, ne peut pas dire que sa bouche soit douce, mais bien que le sucre est doux; ainsi, encore que cette douceur spirituelle soit fort bonne, et que Dieu qui nous la donne soit très-bon, il ne s'ensuit pas que celui qui la reçoit soit bon.

II. Connaissons que nous sommes encore des petits enfants, qui avons besoin du lait, et que ces grains sucrés nous sont donnés, parce que nous avons encore l'esprit tendre et délicat, qui a besoin d'amorces et d'appâts pour être attiré à l'amour de Dieu.

III. Mais après cela, parlant généralement et pour l'ordinaire, recevons humblement ces grâces et faveurs, et les estimons extrêmement grandes, non tant parce qu'elles le sont en elles-mêmes, comme parce que c'est la main de Dieu qui nous les met au cœur, comme ferait une mère,

qui, pour amadouer son enfant, lui mettrait elle-même les grains de dragées en bouche, l'un après l'autre; car si l'enfant avait de l'esprit, il priserait plus la douceur de la miguardise et caresse que sa mère lui fait, que la douceur de la dragée même. Ainsi, c'est beaucoup, Philothée, d'avoir les douceurs, mais c'est la douceur des douceurs, de considérer que Dieu, de sa main amoureuse et maternelle, nous les met en la bouche, au cœur, en l'âme et en l'esprit.

IV. Les ayant reçues ainsi humblement, employons-les soigneusement, selon l'intention de celui qui nous les donne. Pourquoi pensons-nous que Dieu nous donne ces douceurs? Pour nous rendre doux envers un chacun et amoureux envers lui. La mère donne la dragée à l'enfant, afin qu'il la baise; baisons donc ce sauveur qui nous caresse par ces consolations; or, baiser le Sauveur c'est lui obéir, garder ses commandements, faire ses volontés, fuir ses desirs; bref, l'embrasser tendrement avec obéissance et fidélité. Quand donc nous aurons reçu quelque consolation spirituelle, il faut ce jour-là se rendre plus diligents à bien faire et à nous humilier.

v. Il faut, outre tout cela, renoncer de temps en temps à telles douceurs, tendretés et consolations, séparant notre cœur de celles-ci, et protestant qu'encore que nous les acceptions humblement et les aimions, parce que Dieu nous les envoie, et qu'elles nous provoquent à son amour, ce ne sont néanmoins pas elles que nous cherchons, mais Dieu et son saint amour; non la consolation, mais le consolateur; non la douceur, mais le doux Sauveur; non la tendreté, mais celui qui est la suavité du ciel et de la terre; et en cette affection nous nous devons disposer à demeurer fermes au saint amour de Dieu, quoique de notre vie nous ne dussions jamais avoir aucune consolation; et de vouloir dire également sur le mont du Calvaire, comme sur celui de Tabor : 0 Seigneur, il m'est bon d'être avec vous, ou que vous soyez en croix, ou que vous soyez en gloire.

vi. Finalement, je vous avertis que, s'il vous arrivait quelque notable abondance de telles consolations, tendretés, larmes et douceurs, ou quelque chose d'extraordinaire en celles-ci, vous en confériez fidèlement avec votre conducteur, afin d'apprendre comment il s'y faut modérer et comporter; car il est écrit: « As-tu trouvé le miel, manges-en » ce qui suffit. »

CHAPITRE XIV.

Des sécheresses et stérilités spirituelles.

Vous ferez donc ainsi que je vous viens de dire, très-chère Philothée, quand vous aurez des consolations. Mais ce beau temps si agréable ne durera pas toujours; mais il en adviendra que quelquefois vous serez tellement privée et destituée du sentiment de la dévotion, qu'il vous sera avis que votre âme soit une terre déserte, infructueuse, stérile, en laquelle il n'y ait ni sentier ni chemin pour trouver Dieu, ni aucune eau de grâce qui la puisse arroser, à cause des sécheresses, qui, ce semble, la réduiront totalement en friche. Hélas! que l'âme qui est en cet état est digne de compassion, et surtout quand ce mal est véhément; car alors, à l'imitation de David, elle se repaît de larmes jour et nuit, tandis que, par mille suggestions, l'ennemi, pour la désespérer, se moque d'elle et lui dit : Ah! pauvrette, où est ton Dieu ? ton Dieu, par quel chemin le pourras-tu trouver? qui te jamais rendre la joie de sa sainte grâce?

Que ferez-vous donc en ce temps-là, Philothée? prenez garde d'où le mal vous arrive. Nous sommes souvent nousmêmes la cause de nos stérilités et sécheresses.

I. Comme une mère refuse le sucre à son enfant qui est sujet aux vers, ainsi Dieu nous ôte les consolations, quand nous y prenons quelque vaine complaisance et que nous sommes sujets au ver de l'outrecuidance. Il m'est bon, Ô

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