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maniéré, & fon coloris étoit vigoureux. Il ne lui manquoit FREDERIC ainsi qu'à Taddée, que d'avoir plus confulté le naturel & d'êZUCCHERO. tre plus gracieux dans les têtes. Las enfin de tant travailler

il fortit de Rome, & parcourut l'Italie. Il fit imprimer à Venife deux volumes fur la peinture, & un autre contenant fes poëfies. De là paffant en Savoye le Duc lui donna une galerie à peindre; le befoin qu'il avoit d'argent lui fit extrapasser cet ouvrage. Lorette & Ancone terminérent fon voyage; accablé de fatigue & épuisé par fes grands travaux, il expira dans cette derniére ville en 1609, âgé de foixante & fix ans. Le cavalier Pomerancie qui peignoit la coupole de Lorette, & qui l'avoit reçû depuis peu en cette ville, ayant appris fa mort fe rendit à Ancone & le fit enterrer avec dif

tinction.

Il eut pour éléve Dominique Paffignano Florentin, qui s'eft fort diftingué par plufieurs ouvrages à Rome, particuliérement dans la chapelle de Paul V. à fainte Marie majeuà faint Jean des Florentins, à faint Jacques des Incurables, à la Paix, & à Florence où il eft mort à l'âge de quatre-vingts ans, comblé d'honneurs & de richeffes.

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Rien n'eft fi facile à connoître que les deffeins de Frédéric, les yeux de ses figures font pochés, les draperies lourdes & coupées, les figures roides, le trait de la plume un peu gros, lavé au bistre ou à l'encre de la Chine. Il eft moins fpirituel que Taddée, plus maniéré dans les extremités de fes figures, particulièrement les têtes qui.font coëffées d'une manière finguliére. Ses deffeins font rarement rehauffés de blanc de craie ou au pinceau, la grande quantité qu'il en a faite les rend très

communs.

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On peut remarquer à Rome dans l'Eglife de fainte Catherine Dei funari, l'hiftoire de cette fainte en prison, & décollée avec plufieurs autres martyrs. Les trois Rois pour la chapelle des Orfévres. Une flagellation du Sauveur, & les vertus peintes à frefque dans l'oratoire des faints Pierre & Paul du Confalon. Un portement de croix peint à l'huile à fainte Praxéde. A faint Laurent in damafo le tableau du maître Autel qui représente ce faint fur le gril. A faint Marcel la converfion de faint Paul à l'huile, ce qui eft à frefque eft de Taddée. Dans l'Eglife des Peres reformés de Jefus, une pentecôte, une annonciation, fix prophétes, & un chœur d'an

ges peint dans une chapelle. Une annonciation dans le col- FREDERIC lege Romain, avec une nativité & une circoncifion à frefque. ZUCCHERO, A fainte Marie del horto, il a peint à frefque le mariage de la Vierge & une vifitation. Au Jefus la chapelle Dei vittorii eft toute à fresque, & le tableau de l'autel représente des anges en priere. Dans la facristie de fanéti Apoftoli, les stigmates de faint François peints à l'huile. Le couronnement de la Vierge dans une chapelle à la Trinité du Mont.

A Cefene dans l'Eglife de faint Tobie, un Christ qui tire plufieurs faints des limbes.

Au collège Boromeo à Pavie dans une falle à côté du jardin il a peint l'hiftoire de faint Charles.

Dans la galerie de l'Archevêché de Milan une nativité en clair obfcur.

A l'Escurial dans la chapelle qui fert aux officiers de la fabrique & dans les falles qui y font contigues, une annonciation, un faint Jérôme, une nativité, une adoration des mages, & le martyre de faint Laurent.

Dans la grande Eglife de Cordoue une fainte Marguerite. A Florence la coupole de l'Eglife de fanta Maria dei fiori. A Duffeldorf chez l'Electeur Palatin Vénus & Cupidon en ovale, deux petits enfans en rond.

Raphaël Sadeler, Matham André Zucchi, & les mêmes grayeurs de Taddée ont gravé d'après fon frere Frédéric plu fieurs planches.

FREDERIC BAROCHE

FREDERIC
BAROCHE.

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I l'on cherche les graces & le coloris accompagnés du goût & de la correction, on les trouvera dans les ouvrages de Frédéric Baroche. Né en 1528 à Urbin, ville qui a produit de fi grands hommes, il étoit fils d'Ambroife Baroche, fculpteur, & il fut difciple de Baptifta Venetiano ; Barthelmy Genga architecte qui étoit fon oncle, lui apprit la géométrie, l'architecture & la perfpective.

A l'âge de vingt ans le Baroche vint à Rome, il fe mit fous la protection du Cardinal Della Rovere qui le reçut dans fon palais & lui facilita les moyens d'étudier : ce palais fut orné de plufieurs tableaux de fa main & du portrait du Cardinal. Comme le Baroche étoit occupé avec fes camarades à

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deffiner d'après la façade d'une maison peinte par Polidor, FREDERIC Michel-Ange vint à paffer monté fur fa mule. Chacun cou- BAROCHE. rut auffitôt pour lui faire voir fon deffein, le timide Baroche refta feul en fa place, Taddée Zucchero lui ôtant fon deffein le porta à Michel-Ange qui le trouva fi beau qu'il demanda à en voir l'auteur, on lui amena le Baroche, & il l'encou ragea à continuer les études.

Etant de retour dans fon pays, une fainte Marguerite qu'il y peignit, lui acquit une fi grande réputation que Pie IV. le fit venir à Rome pour peindre plufieurs morceaux à Belvedere, conjointement avec Frédéric Zucchero. On prétend qu'un dîner que lui donnérent des peintres jaloux de fon mérite fut la fource d'un état languiffant qui l'empêcha pendant quatre années de travailler; il reprit enfuite l'air natal d'Urbin, & lorfqu'il fe trouva rétabli, il fut à Pérouze porter de nouvelles marques de fon habileté dans la Cathédrale de faint Laurent, où il peignit une admirable defcente de croix.

Lorfqu'il paffa à Florence, le Grand Duc François I. fous la figure de fon concierge, le conduifit par tout fon palais, pour fçavoir fon vrai fentiment fur fes tableaux. Baroche ne s'apperçut que c'étoit le Prince qu'aux refpects que lui rendit un de fes officiers en lui préfentant une lettre. Le Grand Duc reconnu ordonna à ce peintre d'en ufer avec lui auffi familiérement; il fit même fon poffible pour le retenir à fon service; la mauvaise fanté du Baroche lui fervit d'excufe pour s'en retourner à Urbin. Cette raison l'avoit déja empêché d'accepter le même honneur de l'Empereur Rodolphe II. & de Philippe II. Roy d'Espagne.

Le Baroche ne deffinoit rien, qu'il ne fît un modéle en cire, ou que d'après fes éléves qu'il faifoit tenir dans les attitudes propres à fes fujets, leur demandant s'ils n'étoient point génés dans cette pofture. Il fe fervoit de la tête de fa fœur pour les Vierges, & fon fils qu'elle tenoit diversement dans fes bras lui fervoit de modéle pour le Jefus. Souvent il employoit le pastel & de même que le Titien, il fondoit avec le doigt les couleurs ensemble. Le Corrège étoit fon maître favori, il le fuivoit dans la douceur & les graces des airs de têtes, dans les enfans, dans l'accord des couleurs, & dans l'ajustement des plis de fes draperies.

Perfonne ne fçut mieux accompagner ses tableaux de cho

FREDERIC
BAROCHE.

fes agréables & inftructives pour ceux qui fçavent penfer : il leur faifoit connoître les faifons dans lefquelles l'action principale s'étoit paffée. Cette industrie fe pourroit appeller une érudition pictorefque. On lui a vû représenter dans un tableau une jeune fille qui veut prendre un oifeau qui ne paroît que dans le printemps. Une autre dans le tableau de Ravenne préfente une cerife à une pie pour dénoter la même faison. Dans la vifitation de la Vierge,il a attaché un chapeau de paille pendant au dos d'une femme de campagne, pour faire connoître la grande chaleur du mois de Juillet dans lequel fe célébre cette fête. Son pinceau étoit ordinairement confacré aux fujets de dévotion; il ne l'a jamais employé à exprimer des idées libres & qui peuvent bleffer la pudeur. Un peintre ainfi qu'un poëte, fans y penser, se repréfente lui-même dans le caractére de fes ouvrages qui le décélent & le montrent tel qu'il eft.

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Ses infirmités lui firent abandonner la ville de Rome, & rappellérent à Urbin, où il vécut très honoré de fon Prince. Il ne fut pas privé de la récompenfe qui fuit prefque toujours les talens que la vertu accompagne. Clément VIII. lui envoya une chaîne d'or de prix, lorsqu'il eut fini le tableau de la Céne placé à Rome dans l'Eglife de la Minerve.

Le Baroche entendoit parfaitement l'effet des lumiérės, il peignoit d'un frais admirable, deffinoit correctement, toujours riant dans fes airs de têtes. Sa maniére est vague & belle, fes contours coulans, & noyés doucement avec le fonds. Son grand jugement se fait voir dans fes compofitions; on pourroit fouhaiter que les contours de fes figures fuffent plus naturels, que fes attitudes fuffent moins outrées, fouvent même il prononçoit trop les muscles du corps humain.

Ses tableaux de dévotion infpiroient la piété à tout le mon de,ils étoient fi touchans qu'on rapporte que faint Philippe de Neri fut fi frappé d'une visitation qu'il avoit peinte à la Chiefa nuova, qu'il étoit continuellement à faire fa prière dans cette chapelle.

Il est étonnant qu'avec une fanté fi incertaine, qu'à peine le Baroche pouvoit travailler pendant deux ou trois heures dans la journée, il ait cependant laiffé quantité d'ouvrages pour lefquels il a fait des études infinies. Un léger rétablissement de fa fanté fut marqué par un tableau qu'il présenta à la Vierge, & qu'il donna gratis aux Capucins d'Urbin. Malgré cette longue fuite de fouffrances, il n'abandonna jamais la

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