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lui se mettre à la place de toutes les victimes anciennes, les abolir en leur substituant une victime d'une dignité et d'un mérite infini, et faire que désormais il n'y eût plus que lui seul à offrir à Dieu ? Tel est l'acte de religion que Jésus-Christ exerce à la croix. Le Père éternel pouvoit-il trouver, ou parmi les anges, ou parmi les hommes, une obéissance égale à celle que lui rend son Fils bien-aimé, lorsque rien ne lui pouvant arracher la vie, il la donna volontairement pour lui complaire ? Que dirai-je de la parfaite union de tous ses désirs avec la divine volonté, et de l'amour par lequel il se tient uni à Dieu qui étoit en lui, se réconciliant le monde (1)? Dans cette union incompréhensible, il embrasse tout le genre humain; il pacifie le ciel et la terre; il se plonge avec une ardeur immense dans ce déluge de sang où il devoit être baptisé avec tous les siens, et fait sortir de ses plaies le feu de l'amour divin qui devoit embraser toute la terre (2). Mais voici ce qui passe toute intelligence; la justice pratiquée par ce Dieu-homme, qui se laisse condamner par le monde, afin que le monde demeure éternellement condamné par l'énorme iniquité de ce jugement. « Maintenant le monde est jugé, et le » prince de ce monde va étre chassé », comme le prononce Jésus-Christ lui-même (3). L'enfer, qui avoit subjugué le monde, le va perdre : en attaquant l'innocent, il sera contraint de lâcher les coupables qu'il tenoit captifs : la malheureuse obligation par laquelle nous étions livrés aux anges rebelles, est

(1) II. Cor. v. 19. — (3) Luc. x11. 49, 50.

· (3) Joan. XII. 31.

anéantie: Jésus-Christ l'a attachée à sa croix (1), pour y être effacée de son sang : l'enfer dépouillé gémit: la croix est un lieu de triomphe à notre Sauveur, et les puissances ennemies suivent en tremblant le char du vainqueur. Mais un plus grand triomphe paroît à nos yeux: la justice divine est elle-même vaincue; le pécheur, qui lui étoit dû comme sa victime, est arraché de ses mains. Il a trouvé une caution capable de payer pour lui un prix infini. Jésus-Christ s'unit éternellement les élus pour qui il se donne : ils sont ses membres et son corps le Père éternel ne les peut plus regarder qu'en leur chef: ainsi il étend sur eux l'amour infini qu'il a pour son Fils. C'est son Fils lui-même qui le lui demande : il ne veut pas être séparé des hommes qu'il a rachetés: «< O mon Père, je veux, » dit-il (2), qu'ils soient avec moi » : ils seront remplis de mon esprit; ils jouiront de ma gloire; ils partageront avec moi jusqu'à mon trône (3).

Après un si grand bienfait, il n'y a plus que des cris de joie qui puissent exprimer nos reconnoissances. «< O merveille, s'écrie un grand philosophe » et un grand martyr (4), ô échange incompréhen»sible, et surprenant artifice de la sagesse divine » ! Un seul est frappé, et tous sont délivrés. Dieu frappe son Fils innocent pour l'amour des hommes coupables, et pardonne aux hommes coupables pour l'amour de son Fils innocent. « Le juste paie ce qu'il ne doit pas, et acquitte les pécheurs de ce » qu'ils doivent; car qu'est-ce qui pouvoit mieux

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(1) Coloss. 11. 13, 14, 15. · (2) Joan. xv11. 24, 25, 26.—(3) Apoc. III. 21.- -(4) Justin. Epist. ad Diognet. n. 9; pag. 238, ed. Bened.

>> couvrir nos péchés que sa justice? Comment pou>> voit être mieux expiée la rebellion des serviteurs, » que par l'obéissance du fils? L'iniquité de plu» sieurs est cachée dans un seul juste, et la justice >> d'un seul fait que plusieurs sont justifiés ». A quoi donc ne devons-nous pas prétendre? «< Celui qui » nous a aimés, étant pécheurs, jusqu'à donner sa » vie pour nous, que aous refusera-t-il après qu'il >> nous a réconciliés et justifiés par son sang (1) ». Tout est à nous par Jésus-Christ, la grâce, la sainteté, la vie, la gloire, la béatitude: le royaume du Fils de Dieu est notre héritage; il n'y a rien audessus de nous, pourvu seulement que nous ne nous ravilissions pas nous-mêmes.

Pendant que Jésus-Christ comble nos désirs et surpasse nos espérances, il consomme l'œuvre de Dieu commencée sous les patriarches et dans la loi de Moïse.

Alors Dieu vouloit se faire connoître par des expériences sensibles : il se montroit magnifique en promesses temporelles, bon en comblant ses enfans des biens qui flattent les sens, puissant en les délivrant des mains de leurs ennemis, fidèle en les amenant dans la terre promise à leurs pères, juste par les récompenses et les châtimens qu'il leur envoyoit manifestement selon leurs œuvres.

Toutes ces merveilles préparoient les voies aux vérités que Jésus-Christ venoit enseigner. Si Dieu est bon jusqu'à nous donner ce que demandent nos sens, combien plutôt nous donnera-t-il ce que demande notre esprit fait à son image? S'il est si tendre (1) Rom. v. 6, 7, 8, 9, 10.

et si bienfaisant envers ses enfans, renfermera-t-il son amour et ses libéralités dans ce peu d'années qui composent notre vie? Ne donnera-t-il à ceux qu'il aime, qu'une ombre de félicité, et qu'une terre fertile en grains et en huile? N'y aura-t-il point un pays où il répande avec abondance les biens véritables?

Il y en aura un sans doute, et Jésus-Christ nous le vient montrer. Car enfin le Tout-puissant n'auroit fait que des ouvrages peu dignes de lui, si toute sa magnificence ne se terminoit qu'à des grandeurs exposées à nos sens infirmes. Tout ce qui n'est pas éternel ne répond ni à la majesté d'un Dieu éternel, ni aux espérances de l'homme à qui il a fait connoître son éternité; et cette immuable fidélité qu'il garde à ses serviteurs, n'aura jamais un objet qui lui soit proportionné, jusqu'à ce qu'elle s'étende à quelque chose d'immortel et de permanent.

Il falloit donc qu'à la fin Jésus-Christ nous ouvrît les cieux, pour y découvrir à notre foi cette cité permanente où nous devons être recueillis après cette vie (1). Il nous fait voir que si Dieu prend pour son titre éternel, le nom de Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, c'est à cause que ces saints hommes sont toujours vivans devant lui. Dieu n'est pas le Dieu des morts (2) : il n'est pas digne de lui de ne faire, comme les hommes, qu'accompagner ses amis jusqu'au tombeau, sans leur laisser au-delà aucune espérance; et ce lui seroit une honte de se dire avec tant de force le Dieu d'Abraham, s'il

(1) Hebr. x1. 8, 9, 10, 13, 14, 15, 16. — (2) Matt. xx. 32. Luc. xx. 38.

n'avoit fondé dans le ciel une cité éternelle où Abraham et ses enfans pussent vivre heureux.

C'est ainsi que les vérités de la vie future nous sont développées par Jésus-Christ. Il nous les montre, même dans la loi. La vraie terre promise, c'est le royaume céleste. C'est après cette bienheureuse patrie que soupiroient Abraham, Isaac et Jacob (1): la Palestine ne méritoit pas de terminer tous leurs vœux, ni d'être le seul objet d'une si longue attente de nos pères.

L'Egypte d'où il faut sortir, le désert où il faut passer, la Babylone dont il faut rompre les prisons pour entrer ou pour retourner à notre patrie, c'est le monde avec ses plaisirs et ses vanités : c'est là que nous sommes vraiment captifs et errans, séduits par le péché et ses convoitises; il nous faut secouer ce joug, pour trouver dans Jérusalem et dans la cité de notre Dieu la liberté véritable, et un sanctuaire non fait de main d'homme (2), où la gloire du Dieu d'Israël nous apparoisse.

Par cette doctrine de Jésus-Christ, le secret de Dicu nous est découvert ; la loi est toute spirituelle, ses promesses nous introduisent à celles de l'Evangile, et y servent de fondement. Une même lumière nous paroît partout: elle se lève sous les patriarches: sous Moïse et sous les prophètes elle s'accroît : Jésus-Christ, plus grand que les patriarches, plus autorisé que Moïse, plus éclairé que tous les prophètes, nous la montre dans sa plénitude.

A ce Christ, à cet homme-Dieu, à cet homme qui tient sur la terre, comme parle saint Augustin, (1) Hebr. x1. 14, 15, 16. — (2) II. Cor. v. 1.

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