naître, forment enfin l'inébranlable clé. LE moindre changement dans les coûtumes, fût-il même avantageux à certains égards, tourne toujours au préjudice des mœurs; car les coûtumes font la morale du peuple ; & dès qu'il ceffe de les refpecter, il n'a plus de regle que fes paffions, ni de frein que les loix qui peuvent quelquefois contenir les méchans, mais jamais les rendre bons. Il eft done effentiel pour un peuple qui a des mœurs,de fe garantir avec foin des fciences & fur-tout des Sçavans, dont les ma ximes fentencieufes & dogmatiques luit apprendroient bien-tôt à méprifer fes ufages & fes loix; ce qu'une Nation ne peut jamais faire fans fe corrompre. LES peuples, ainfi que les hommes, ne font dociles que dans leur jeuneffe; ils deviennent incorrigibles en vieilliffant. Quand une fois les coûtumes font établies, & les préjugés enracinés, c'est une entreprise dangereufe & vaine, de vouloir les réformer; le peuple ne peut pas même fouffrir qu'on touche à fes maux pour les détruire; femblable à ces malades ftupides & fans courage, qui frémiffent à l'aspect du Médecin. DANS un Etat bien gouverné, il y a peu de punitions, non parce qu'on y fair beaucoup de graces, mais parce qu'il y a peu de criminels. La multitude des crimes en affure l'impunité, lorsque l'Etat dépérit. Sous la République Romaine, jamais le Sénat ni les Confuls ne tenterent de faire grace; le peuple même n'en faifoit pas, quoiqu'il revoquât quelquefois fon propre jugement. Les fréquentes graces annoncent que bien-tôt les forfaits n'en auront plus befoin; & chacun voit où cela mene. LA fréquence des fupplices eft toujours un figne de foibleffe ou de pareffe dans le gouvernement. Il n'y a point de méchant qu'on ne pût rendre bon à quelque chofe: on n'a droit de faire mourir, même pour l'exemple, que celui qu'on ne peut conferver fans danger. LES Jurifconfultes qui ont gravement prononcé que l'enfant d'un efclave naitroit efclave, ont décidé, en d'autres termes, qu'un homme ne naîtroit pas homme. 蒸 DES FINANCE S. A plus importante maxime de l'adminiftration des finances, c'eft de travailler avec beaucoup plus de foin à prévenir les befoins, qu'à augmenter les revenus. Les gouvernemens anciens faifoient plus, en effet, avec leur parcimonie, que les nôtres avec tous leurs tréfors. QUAND on voit un gouvernement payer des droits, loin d'en recevoir pour la fortie des bleds dans les années d'abondance, & pour leur introduction dans les années de difette, on a befoin d'avoir de tels faits fous les yeux pour les croire véritables; & on les metroit au rang des romans, s'ils fe fuffent paffés anciennement. 'un C'EST un grand deshonneur pour Rome, que l'intégrité du Quefteur Caton y ait été un fujet de remarque, & qu'i Empereur, récompenfant de quelques écus le talent d'un chanteur, ait eu be foin d'ajouter, que cet argent venoit du bien de fa famille, & non de celui de l'Etat. Mais s'il fe trouve peu de Galba, où chercherons-nous des Caton? Les livres & tous les comptes des Régiffeurs fervent moins à déceler leurs infidélités, qu'a les couvrir ; & la prudence n'eft jamais auffi prompte à imaginer de nouvelles précautions, que la friponnerie à les éluder. Laiffez-donc les regiftres & papiers, & remettez les finances en des mains fidelles: c'eft le feul moyen qu'elles foient fidelement régies. La vertu eft le feul inftrument efficace en cette délicate partie de l'administration. TOUTES chofes égales, celui qui a dix fois plus de bien qu'un autre, doit payer dix fois plus que fui. Celui qui n'a que le fimple néceffaire, ne doit rien payer du tour; & la taxe de celui qui a du fuperflu, peur aller, au befoin, jufqu'à la concurrence de tour ce qui excede fon néceffaire. Quelqu'un dira, qu'eu égard à fon rang, ce qui feroit fuperflu pour un homme inférieur, eft néceffaire pour lui; mais c'eft un menfonge: car un Grand a deux jambes, ainfi qu'un Bouvier, & n'a qu'un ventre non plus que lui. De plus, ce prétendu néceffaire eft fi peu néceffaire à fon rang, que s'il fçavoit y renoncer pour un fujet louable, il n'en feroit que plus refpecté. Le peuple fe profterneroit devant un Miniftre qui iroit au Confeil à pied, pour avoir vendu fes carroffes dans un preffant befoin de l'Etat. Enfin la loi ne prefcrit la magnificence à perfonne; & la bienféance n'eft jamais une raison contre le droit. DES IMPÔTS. U'ON établiffe de fortes taxes fur la livrée, fur les équipages, fur les glaces, luftres & ameublemens, fur les étoffes & la dorure, fur les cours & jardins des hôtels, fur les fpectacles de toute efpece, fur les profeffions oifeufes, comme baladins, chanteurs, hiftrions, & en un mot fur cette foule d'objets de luxe, d'amufement & d'oifiveté, qui frappent tous les yeux, & qui peuvent d'autant moins fe cacher, que le feul ufage eft de le montrer, & qu'ils feroient inutiles s'ils n'étoient vûs. Qu'on ne craigne pas que de tels produits fùffent arbitraires, pour n'être fondés que fur des chofes qui ne font pas d'abfolue néceffité: c'est bien |