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307 et assez célèbres pour que leur nom fût connu jusqu'en Arménie. C'est dans le x.° siècle que les Russes commencerent à se faire connoître par leurs pirateries sur la mer Noire, et par les guerres qu'ils soutinrent contre les Grecs sur les bords du Danube, ce qui répandit leur nom jusque chez les Orientaux. L'historien Arabe Masoudy, qui écrivoit en l'an 944, parle du grand commerce qu'ils faisoient à Trébisonde et sur la mer Caspienne, dans les pays des Khazars (1), d'où ils pouvoient facilement avoir des rapports avec les Arméniens, dont ils étoient d'ailleurs voisins, puisqu'ils avoient de grandes possessions entre la mer Caspienne et la mer Noire, et que plusieurs de leurs princes régnèrent à Temrouk ou Tmoutarakan, au midi de la mer d'Asof. Toutes ces considérations réunies me font croire que c'est vers l'an 950 que la géographie qui nous occupe a été composée; car c'est alors que les Russes commencèrent à faire la guerre aux empereurs de Constantinople, sur les bords du Danube, et qu'ils portèrent même leurs ravages dans l'Asie mineure.

Nous observerons ici que, quoique le nom de Iozou ou Hozou ne se trouve point, comme donné au Danube, dans les plus anciens historiens Russes, ce n'est ni un mot corrompu, ni un nom controuvé, comme quelques personnes seroient peut-être tentées de le penser. Je le crois effectivement originaire des régions qui avoisinent la mer Noire du côté du Danube et du Borysthène. Scherif-eddin rapporte, dans son Histoire de Timour, que les troupes de ce conquérant pénétrèrent en Europe jusqu'à un fleuve appelé : Ouzy; Petis de la Croix, son traducteur Français, prétend, il est vrai, que

(1) Masoudy, Moroudj-eddheheb, ms. de Constantinople, tom. I.", fol. 53 recto et verso, et 79 recto.

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ce fleuve est le Borysthène. Abou'lféda, qui vivoit environ un siècle avant Scherif-eddin, parle aussi de ce fleuve, qu'il appelle Ozou. <<< C'est aussi un grand fleuve, dit-il, qui >> vient du nord : il est à l'orient du Thona [le Danube], » dont nous avons déja parlé. Il coule d'abord vers l'occi» dent, fait ensuite un coude et se dirige vers l'orient; puis >> il se jette dans un golfe de la mer de Krim, entre Sari-kerman » et Akdja-Kerman, qui sont deux villes sur la mer de Krim, >> à-peu-près sous la même latitude que Soudak, mais à » une longitude un peu plus foible, parce qu'elles en sont à » une grande distance du côté de l'occident (1). » Je crois donc que ce nom peut avoir été autrefois en usage chez les indigènes de la Russie méridionale, qui l'auront peut-être reçu des Tartares. Rien ne s'oppose raisonnablement à ce qu'il fût en usage chez les Russes au temps où la géographie qui nous occupe a été composée. Les Russes l'auront oublié comme bien d'autres; en effet, si nous nous en rapportons au récit de l'empereur Constantin Porphyrogénète, les Russes de son temps parloient une langue bien différente de celle des Slaves; car il donne les noms de toutes les cataractes du Borysthène, en langue Slave et en langue Russe : les premiers se comprennent facilement par le russe actuel, les autres sont à-peuprès inintelligibles. Pourquoi les noms d'Ouzy, Ouzou et Iozou, n'auroient-ils pas été donnés pour une raison inconnue, par

وهو شرقى نهر طنا (1) الشمال نهر عظیم یاتی من أيضا نهر ازو وهو المقدم الذكر ويمر مغربا ثم يعطف ويجرى مشرقا ويصب في جون من بحر القرم بين صاری کرمان واقجا كرمان وهما مدينتان على بحر الــقــــرم عرضهما مقارب لعرض صوداق وطوليهما اقل بكثير لانهما غربى صوداق

sölu. Abou’lféda, Géogr. ms. Arabe, n.o 578, fol. 30 recto

et verso.

certains peuples de ces régions, à plusieurs rivières, comme plus anciennement ceux de Don, Tanaïs et Donau, qui sont la même chose que celui de Danube, avoient été appliqués à diverses rivières, par une raison pareille, et par d'autres peuples d'origine différente, qui habitèrent dans les mêmes pays. Aussi je pense que les uns comme les autres, ils n'ont pas d'autre sens que celui de fleuve ou de rivière; et nous trouvons dans le turk oriental le mote ogous prononcé oyuz, qui a précisément ce sens. Comme au IX. siècle, et long-temps après, les Patzinaces ou Petchenègues, qui étoient Turks, habitoient sur les bords du Danube et du Pont-Euxin, il ne seroit pas étonnant que les Russes eussent reçu d'eux le nom d'lozou, ou un à-peu-près semblable, qu'ils l'eussent donné au Danube, et qu'à cause de son application indéterminée, on ait continué ensuite de le donner au Borysthène.

III. Le géographe Arménien donne à la Chersonèse Taurique le nom de Khrim ou Crimée, qui ne se trouve pas dans la traduction des frères Whiston, quoiqu'il soit dans leur texte. Ce nom est sans doute dérivé de celui des anciens Cimmériens; mais ce n'est probablement qu'à une époque assez moderne qu'il a été connu sous cette forme altérée. Dans cet endroit, l'auteur se sert d'expressions qui méritent d'être remarquées. « La Sarmatie, dit-il, contient plusieurs petits pays: Kherson » Khrim, qui est une presqu'île, est aux Chrétiens, et une » grande quantité sont aux idolâtres. » Ces paroles semblent dire qu'au temps où écrivoit l'auteur, la Tauride étoit la seule région chrétienne de la Sarmatie. Au siècle de Pappus et de Moyse de Khoren, elle ne faisoit pas partie de l'empire Romain; il est, par conséquent, fort douteux que le christianisme y eût pénétré: ce ne fut qu'à une époque plus récente qu'elle fit partie de l'empire et qu'elle forma une de

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ses divisions militaires, sous la dénomination de Thème de Cherson, Oua Xepovos; ce qui revient précisément à ce que dit notre auteur: car les mots րիսանեից զեռն ne signifient pas Christianam Chersonesum, comme le pensent les frères Whiston, mais Cherson, qui est aux Chrétiens. En rapprochant ce passage de ce que nous avons dit plus haut des Russes, l'auteur Arménien ne nous dit-il pas assez clairement l'époque à laquelle il a composé son ouvrage ! Les Russes ne se convertirent au christianisme qu'en l'an 986: jusqu'alors la Tauride fut la seule région chrétienne du nord; ce qui nous indique, comme nous l'avons déja dit, que c'est vers l'an 950 qu'il faut placer la composition de ce livre.

IV. En parlant des peuples compris dans la Sarmatie Asiatique, parmi lesquels il en est plusieurs qui habitoient dans le mont Caucase, le géographe Arménien fait mention de ceux du Schirwan. On sait, par le témoignage de tous les écrivains Orientaux, et de Masoudy en particulier, que ce nom, que porte actuellement l'Albanie des anciens, ne commença à être en usage que sous le règne du roi de Perse Khosrou-Nouschirwan, au milieu du vi.° siècle. Nous n'en ferons pas connoître d'une manière plus précise l'origine; il nous suffit ici que le fait soit constant. La première fois qu'il en est question, à notre connoissance, chez les étrangers, dans le traité de l'empereur Constantin Porphyrogénète sur les cérémonies de la cour de Constantinople (1).

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V. L'auteur de cette géographie compte, parmi les subdivisions de la Géorgie et de l'Albanie, plusieurs des provinces du nord de l'Arménie, quoiqu'il les énumère cependant ensuite dans sa description de ce dernier pays. Ces provinces tombèrent

(1) De Ceremon. aul. Byzant. cap. 48, tom. II, pag. 397.

effectivement au pouvoir des Géorgiens et des Albaniens; mais ce ne fut qu'après la destruction de la monarchie Arsacide en Arménie, qui arriva en l'an 428; et plusieurs écrivains nous attestent que, long-temps après, ces provinces étoient encore possédées par des princes Arméniens.

VI. Le nom de Sadakh, Yufu, que l'auteur Arménien donne à l'une des subdivisions de la quatrième Arménie, ne peut, en aucune manière, appartenir au temps de Moyse de Khoren: car, selon le témoignage de Jean, évêque des Mamigonéans, qui écrivoit son histoire du pays de Daron en l'an 681, on voit que ce nom ne commença à être en usage qu'au commencement du VII. siècle, sous le règne de l'empereur Héraclius. Jusqu'alors ce pays s'étoit appelé Ardchk'h Ure il reçut cette nouvelle dénomination du prince George, qui portoit le surnom de Schadakhos Cшsvon [le Bavard], qui en étoit souverain à cette époque (1), et elle ne fut qu'une corruption abrégée de ce surnom.

VII. L'auteur Arménien parle encore d'un pays de l'Arabie Pétrée, qu'il appelle Pharhnitis, et qui est sans doute la regio Pharanitis des écrivains ecclésiastiques. Il y place la demeure d'Abraham, und VerwSwiu, que ces auteurs n'ont jamais placée dans ce pays, mais qui est évidemment la Mecque; car il est clair qu'il a donné à l'Arabie Pétrée une étendue qu'elle n'a pas dans les auteurs anciens. Il est certain qu'en admettant même que la tradition qui plaçoit à la Mecque le séjour d'Abraham, eût existé dans l'Arabie long-temps avant Mahomet, elle n'a pu être connue hors de ce pays qu'après l'extension du musulmanisme.

(1) Jean, évêque des Mamigonéans, Histoire de Daron, ch. VII, pag. 10, suppl. édition de Constantinople, 1719.

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