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Dont je ne vois pas bien l'important avantage,
Tous vos propos sans fin m'ont occupé l'esprit
Au point que j'ai passé la plus mauvaise nuit.

GÉRONTE.

Mais, ma sœur, ce parti...

FLORISE.

Finissons là, de

grace.

Allez-vous m'en parler? je vous cède la place.

GÉRONTE.

Un moment: je ne veux...

FLORISE.

Tenez, j'ai de l'humeur,

Et je vous répondrois peut-être avec aigreur.
Vous savez que je n'ai de desirs que les vôtres :
Mais, s'il faut quelquefois prendre l'avis des autres,
Je crois que c'est sur-tout dans cette occasion.
Eh bien! sur cette affaire entretenez Cléon :
C'est un ami sensé, qui voit bien, qui vous aime.
S'il approuve ce choix, j'y souscrirai moi-même.
Mais je ne pense pas, à parler sans détours,

Qu'il soit de votre avis, comme il en est toujours.
D'ailleurs qui vous a fait hâter cette promesse?
Tout bien considéré, je ne vois rien qui presse.
Oh! mais, me dites-vous, on nous chicanera:
Ce seront des procès! Eh bien! on plaidera.
Faut-il qu'un intérêt d'argent, une misère,
Nous fasse ainsi brusquer une importante affaire?
Cessez de m'en parler, cela m'excéde.

GÉRONTE.

Moi!

Je ne dis rien, c'est vous...

FLORISE.

Belle alliance!

GÉRONTE.

Eh! quoi...

FLORISE.

La mère de Valère est maussade, ennuyeuse,
Sans usage du monde, une femme odieuse :
Que voulez-vous qu'on dise à de pareils oisons?

GÉRONTE.

C'est une femme simple et sans prétentions,
Qui, veillant sur ses biens...

FLORISE.

La belle emplette encore

Que ce Valère! un fat qui s'aime, qui s'adore.

GÉRONTE.

L'agrément de cet âge en couvre les défauts :
Eh! qui donc n'est pas fat? tout l'est, jusques aux sots.
Mais le temps remédie aux torts de la jeunesse.

FLORISE.

Non: il peut rester fat; n'en voit-on pas sans cesse
Qui jusqu'à quarante ans gardent l'air éventé,
Et sont les vétérans de la fatuité?

GÉRONTE.

Laissons cela. Cléon sera donc notre arbitre.

Je veux vous demander sur un autre chapitre

Un peu de complaisance, et j'espère, ma sœur...

FLORISE.

Ah! vous savez trop bien tous vos droits sur mon cœur.

Ariste doit ici...

GÉRONTE.

FLORISE.

Votre Ariste m'assomme:

C'est, je vous l'avouerai, le plus plat honnête homme...

GERONTE.

Ne vous voilà-t-il pas ? j'aime tous vos amis;

Tous ceux que vous voulez, vous les voyez admis:
Et moi je n'en ai qu'un, que j'aime pour mon compte;
Et vous le détestez: oh! cela me démonte.

Vous l'avez accablé, contredit, abruti;

Croyez-vous qu'il soit sourd, et qu'il n'ait rien senti, Quoiqu'il n'ait rien marqué? Vous autres, fortes têtes, Vous voilà! vous prenez tous les gens pour des bêtes; Et ne ménageant rien...

FLORISE.

Eh mais! tant pis pour lui,

S'il s'en est offensé, c'est aussi trop d'ennui

S'il faut, à chaque mot, voir comme on peut le prendre;

Je dis ce qui me vient,

qui me vient, et l'on peut me le rendre;

Le ridicule est fait pour notre amusement,
Et la plaisanterie est libre.

GÉRONTE.

Mais vraiment,

Je sais bien, comme vous, qu'il faut un peu médire.

Mais en face des gens, il est trop fort d'en rire.
Pour conserver vos droits, je veux bien vous laisser
Tous ces lourds campagnards que je voudrois chasser
Quand ils viennent: raillez leurs façons, leur langage,
Et tout l'arrière-ban de notre voisinage;
Mais grace, je vous prie, et plus d'attention
Pour Ariste : il revient. Faites réflexion
Qu'il me croira, s'il est traité de même sorte,
Un maître à qui bientôt on fermera sa porte:
Je ne crois pas avoir cet air-là, Dieu merci.
Enfin, si vous m'aimez, traitez bien mon ami.

FLORISE.

Par malheur je n'ai point l'art de me contrefaire.
Il vient pour un sujet qui ne sauroit me plaire,
Et je lui manquerois indubitablement :
Je ne sortirai pas de mon appartement.

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Mais, marier Chloé! mon frère, y pensez-vous?
Elle est si peu formée, et si sotte, entre nous...
GÉRONTE.

Je ne vois pas cela. Je lui trouve, au contraire,

d'embarras.

De l'esprit naturel, un fort bon caractère;
Ce qu'elle est devant vous ne vient que
On imagineroit que vous ne l'aimez pas,
A vous la voir traiter avec tant de rudesse.
Loin de l'encourager, vous l'effrayez sans cesse,
Et vous l'abrutissez dès que vous lui parlez.
Sa figure est fort bien d'ailleurs.

FLORISE.

Si vous voulez.

Mais c'est un air si gauche, une maussaderie...
GÉRONTE élève la voix, apercevant Lisette.

Tout comme il vous plaira. Finissons, je vous prie.
Puisque je l'ai promis, je veux bien voir Cléon,
Parceque je suis sûr de sa décision.

Mais quoi qu'on puisse dire, il faut ce mariage;
Il n'est point pour Chloé d'arrangement plus sage:
Feu son père, on le sait, a mangé tout son bien;
Le vôtre est médiocre, elle n'a que le mien :

Et quand je donne tout, c'est bien la moindre chose
Qu'on daigne se prêter à ce que je propose.

( Il sort. )

FLORISE.

Qu'un sot est difficile à vivre!

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