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les inconvénients pour la sûreté ou la salubrité publiques n'ont pu être appréciés, et à l'égard desquelles l'administration, chargée de pourvoir à ces grands intérêts dès qu'ils se révèlent, doit conserver son action pleine et entière.

Non-seulement l'administration peut ranger dans une des trois classes cette sorte d'établissements, mais elle peut soumettre à l'effet de ce classement les ateliers déjà formés ou en voie de formation. Ces droits sont réglés par l'ordonnance de 1815 qui a suppléé sur ce point au silence complet du décret de 1810.

« Les préfets, dit l'art. 5 de l'ordonnance, sont autorisés à a faire suspendre la formation ou l'exercice des établissements « nouveaux qui, n'ayant pu être compris dans la nomenclature précitée, seraient cependant de nature à y être placés. »

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51. Ce qu'il faut entendre par industries nou. velles. La jurisprudence appliquant aux termes de cet article la distinction ci-dessus indiquée, a nettement déclaré qu'il s'agit dans l'art. 5, non pas des établissements de formation nouvelle en général, mais de ceux d'une nature nouvelle, appartenant à des industries non encore existantes lors des classements antérieurs, ou dont les conditions d'existence auraient été tout à fait changées par les progrès de l'industrie. Ainsi, tout en reconnaissant au préfet le droit de suspendre l'exercice d'une industrie nouvelle, comme la fabrication de chaudières pour machines à vapeur (1), elle lui a refusé le même droit à l'égard d'établissements de formation nouvelle, mais appartenant à des industries antérieurement pratiquées, tels qu'une forge destinée à confectionner des enclumes et des essieux (2).

L'ar

52. Recours contre l'arrêté de suspension. rété du préfet qui suspend la formation ou l'exercice de l'établissement qu'il juge susceptible d'entrer en classement, peut être déféré au ministre d'abord, puis au conseil d'Etat, par la voie contentieuse, si le réclamant prétend que c'est à tort que son industrie a été considérée comme nouvelle (3).

Ce droit de suspension, qui ne saurait, en aucun cas, appartenir au maire (4), est exercé par le préfet, quelle que soit la classe à laquelle l'établissement doive appartenir.

(1) C. d'État, 4 sept. 1841 (Gravier).

(2) C. d'État, 2 août 1826 (Delvaux-Gouillard); cette industrie est aujourd'hui

classée.

(3) C. d'État, 4 sept. 1841 (Gravier).—2 janv. 1838 (Derosne).-Dufour, t. 2, n. 589. (4) C. de cassation, ch. crim., 3 mars 1842 (Leclair).

53. Classement et autorisation provisoires. — Les préfets investis du droit de suspendre l'exploitation de l'établissement nouveau susceptible d'être classé, ont aussi celui de l'autoriser à des conditions et dans des limites qu'il importe de déterminer. L'art. 5 ajoute à cet égard : « Ils pourront accorder « l'autorisation pour tous ceux qu'ils jugeront devoir apparte«nir aux deux dernières classes de la nomenclature, en remplissant les formalités prescrites par le décret du 15 octobre 1810, sauf, dans les deux cas, à en rendre compte à notre direc<< teur général des manufactures et du commerce. »

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La décision par laquelle le préfet statue sur la question d'autorisation est d'ailleurs soumise, par l'art. 5 de l'ordonnance de 1815, aux formalités et aux recours établis par le décret de 1810; le refus d'autorisation peut être déféré au conseil d'État par la voie contentieuse (1).

54. Le classement définitif réservé au gouvernement. — La décision préfectorale emporte avec elle un classement qui n'est que provisoire, puisque le préfet est tenu d'en référer au ministre dans tous les cas; aussi aucun recours devant le conseil d'État ne serait-il admissible contre un tel arrêté de classement qui n'a rien de définitif. Le classement final, d'après lequel sera fixé le régime de l'établissement, ne peut luimême résulter que d'un décret rendu en conseil d'État, sur le rapport du ministre de l'agriculture et du commerce; ce décret, quelle que soit son influence sur l'établissement en question, est un acte de pure administration qui ne peut être l'objet d'un recours au contentieux.

Du reste et avant que le classement définitif ne soit intervenu, le classement provisoire émané du préfet est obligatoire pour le fabricant, tant qu'il n'est pas réformé par l'autorité supérieure, et toute contravention à ses dispositions entraînerait l'application de l'art. 471, n° 15 du C. pén. (2).

55. Le classement provisoire dans la première classe n'appartient pas au préfet. Le décret du 25 mars 1852 ayant assimilé, au point de vue de l'autorisation, les établissements de la première classe à ceux de la seconde, il semblerait en résulter que la distinction faite par l'art. 5 de l'ordonnance de 1815 est par là même supprimée, et que le pouvoir

(1) Dufour, t. 2, n. 591. C. d'État, 26 avril 1855.- Contrà, Avisse, t. 1, p. 37. (2) C. de cassation, 14 mai 1830 (Carré).

des préfets s'exerce sans restriction à l'égard de tous les ateliers. C'est ce qu'enseignent M. Dalloz (vo Manufactures, no 197), et M. Dufour (t. II, no 587). Toutefois, la circulaire ministérielle du 15 décembre 1852 maintient l'application exacte de l'ordonnance de 1815 « Pour ce qui concerne les établissements nouveaux « qui, n'ayant pas été compris dans la nomenclature des ate« liers classés, vous sembleraient de nature à être rangés dans « la première classe, vous n'aurez pas à en déterminer le classement, même provisoire, mais vous en réfèrerez à mon « ministère, afin que la mesure puisse être l'objet d'un déa cret. »

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Cette prescription peut se fonder sur l'art. 6 du décret du 25 mars 1852, qui réserve au ministre le droit d'astreindre les préfets à lui soumettre les objets même de leur compétence exclusive qu'il lui plaira de déterminer; elle s'explique au point de vue industriel par la nécessité, que signale la circulaire précitée, de soumettre à un régime uniforme dans toute la France les établissements du même genre. Le maintien de la disposition spéciale de l'art. 5 de l'ordonnance de 1815 peut donc être justifié nonobstant la disposition générale du décret de 1852, et en fait, les préfets se croiront sans doute tenus d'agir d'après les instructions ministérielles.

CHAPITRE II.

Régime des Établissements autorisés dans leurs rapports avec l'administration.

LÉGISLATION. Décret du 15 octobre 1810, ordonnance du 14 janvier 1815, et décret du 25 mars 1852 (voir chapitre Ier).

SOMMAIRE.

56. Autorisation expresse, implicite, tacite.

57. Les établissements

autorisés restent soumis à l'action de l'administration.

56. Autorisation expresse, implicite, tacite.- D'après les explications données ci-dessus il faut considérer comme autorisés, soit tacitement les établissements antérieures à 1810, soit expressément ceux qui sont l'objet d'un arrêté spécial d'autorisation; ajoutons qu'une autorisation implicite et suffisante résulte pour un établissement existant de l'arrêté qui, sous cer

taines conditions, permet d'y ajouter un nouvel atelier. Le principal et l'accessoire reçoivent ainsi l'un et l'autre une existence, légale (1).

57. Les établissements autorisés restent soumis à l'action de l'administration. Tout établissement industriel, nonobstant l'autorisation accordée ou la justification de son existence antérieurement à 1810, n'en reste pas moins soumis à l'action administrative qui, d'une part, demeure chargée de veiller efficacement à l'accomplissement des conditions auxquelles l'autorisation a été subordonnée, et qui, d'autre part, conserve la faculté générale de pourvoir aux intérêts de police et de sûreté qui lui sont confiés. Nous examinerons successivement les obligations de l'industriel et les droits de l'administration, à l'un et à l'autre point de vue.

S Ier.

De la surveillance administrative.

58. Comment s'exerce la surveillance des établissements autorisés. – Tout établissement autorisé est soumis de plein droit à la surveillance de l'administration, afin qu'elle ait la faculté, soit de s'assurer que les conditions prescrites sont remplies, soit d'observer s'il ne se produit pas d'inconvénients, imprévus lors de l'instruction, d'où naîtraient quelques dangers pour la salubrité publique. Cette surveillance, qui est une mesure de police proprement dite, est exercée par tous les officiers de police judiciaire et leurs auxiliaires qui, en cas de contravention, dressent procès-verbal.

Sur les plaintes des parties intéressées, l'administration peut faire procéder à une vérification par les ingénieurs des mines, ou, à leur défaut, par ceux des ponts et chaussées ; mais elle ne saurait, à moins de circonstances tout à fait exceptionnelles, placer dans l'établissement, d'une manière perma-. nente, des commissaires spéciaux, ainsi qu'il lui appartient de le faire à l'égard des chemins de fer, en vertu des clauses du cahier de charges joint aux concessions. Dans le silence de toute loi ou règlement, l'administration ne peut imposer aux établissements insalubres la charge d'un traitement à payer.

(1) C. d'État, 18 mai 1854 (Jalabert).

S II.

Conséquences de l'inexécution des conditions imposées à l'industriel.

SOMMAIRE.

59. Manquement aux conditions entraînant révocation. - 60. De la substitution de conditions nouvelles à celles prescrites. 61. De la translation ou déplacement d'un atelier. 62. De l'interruption de l'exploitation pendant six mois.-63. Causes qui justifient le chômage. - 64. La déchéance ne peut être encourue avant six mois.— 65. Čas où la déchéance peut être couverte.— 66. Le retard dans l'exploitation assimilé à l'interruption.-67. Autorité compétente pour prononcer la révocation de l'autorisation et la déchéance.-68. Droit de l'administration d'ordonner la translation et la suspension.

59. Manquement aux conditions entraînant révocation. La première obligation de l'industriel qui a obtenu l'autorisation administrative est de se conformer exactement aux conditions qui lui ont été prescrites. Une sanction rigoureuse garantit l'accomplissement de cette obligation fondamentale. L'administration, investie de la surveillance des ateliers à l'effet de constater les dangers qui viendraient à se manifester ou les infractions aux règles tracées, a le droit de prendre, en vertu des attributions générales de police, toutes les mesures efficaces pour réprimer les manquements de l'industriel. La plus radicale de ces mesures, et celle qui comprend toutes les autres, est la révocation de l'autorisation accordée, c'est-à-dire la suppression même de l'établissement dont l'exploitation ne peut plus être continuée.

Cette révocation peut être prononcée par cela seul que le fabricant manque d'une manière notable aux conditions qui lui ont été imposées, par exemple, quand il rapproche par des constructions nouvelles son exploitation des habitations voisines (1), ou quand il ne prend pas les précautions exigées pour éviter les inconvénients de la fabrication. Peu importe d'ailleurs que la condition non accomplie se trouve, par le fait, impossible à réaliser. Il peut arriver que le fabricant lui-même ait offert de prendre des précautions inexécutables, ou que l'administration, par erreur, en ait prescrit de telles; mais il n'en résulte pas moins que les dangers auxquels ces mesures avaient pour but de parer, peuvent se produire désormais sans obstacle, et cette

(1) C. d'État, 19 mai 1859 (commune de Garges c. Caseneuve).

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