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C'est ainsi que le tyran est le plus malheureux des hommes, qui sont tous malheureux autour de

lui.

RÉPUBLIQUE, LIV. IX.

CONSEILS DE PLATON
AUX SYRACUSAINS.

SOYEZ heureux. Mais comment pourrez-vous répondre au souhait le plus cher de mon cœur? je vais essayer de vous l'apprendre. Puissent mes conseils être utiles et à tous les Syracusains et même à leurs ennemis! Le sacrilége seul n'a plus de droit au bonheur : il a perdu l'espérance, et ses crimes sont inexpiables. Vous, écoutez-moi.

Depuis la chute de la tyrannie, la Sicile entière est divisée : les uns voudraient reprendre le pouvoir absolu; les autres, en être délivrés pour toujours. En ces temps de discorde, chaque parti n'approuve que ce qui doit faire le plus de mal au parti contraire et le plus de bien à sa faction, comme si l'on pouvait ici faire beaucoup de mal aux autres sans en souffrir beaucoup soi-même. Vous n'avez pas besoin d'exemples étrangers; votre Sicile, déchirée par ceux qui veulent nuire et par ceux qui veulent se défendre, donne à tous les peuples une éclatante leçon : ses malheurs ont dû

l'instruire.

Τῶν δὲ ὅσα γένοιτ' ἂν ἡ πᾶσι ξυμφέροντα ἐχ θροῖς τε καὶ φίλοις, ἢ ὅτι σμικρότατα κακὰ ἀμφοῖν, ταῦτα οὔτε ῥᾴδιον ὁρᾷν, οὔτε ἰδόντα ἐπιτελεῖν. Εὐχῇ δὲ προσέοικεν ἡ τοιαύτη ξυμβουλή τε καὶ ἐπιχείρη σις τοῦ λόγου· ἔστω δὴ παντάπασι μὲν εὐχή τις ἀπὸ γὰρ θεῶν χρὴ πάντα αρχόμενον ἀεὶ λέγειν τε καὶ νοεῖν. Ἐπιτελὴς δ ̓ εἴη, σημαίνουσα ἡμῖν τοιόνδε τινὰ λόγον.

Νῦν ὑμῖν καὶ τοῖς πολεμίοις σχεδὸν, ἐξ οὗπερ γέγονεν ὁ πόλεμος, ξυγγένεια ἄρχει μία διὰ τέλους, ἥν ποτε κατα έστησαν οἱ πατέρες ὑμῶν εἰς ἀπορίαν ἐλθόντες τὴν ἅπασαν, τόθ ̓ ὅτε κίνδυνος ἐγένετο ἔσχατος Σικελίᾳ τῇ τῶν Ἑλλήνων, ὑπὸ Καρχηδονίων ἀνάστατον ὅλην ἐκβαρβα ρωθεῖσαν γενέσθαι. Τότε γὰρ εἵλοντο Διονύσιον μὲν, ὡς νέον καὶ πολεμικὸν, ἐπὶ τὰς τοῦ πολέμου πρεπούσας αὐτῷ πράξεις· ξύμβουλον δέ, καὶ πρεσβύτερον, Ἱππαρίνον· ἐπὶ σωτηρίᾳ τῆς Σικελίας αὐτοκράτορας, ὥς φασι, τυράν νους ἐπονομάζοντες. Καὶ, εἴτε δὴ θείαν τὶς ἡγεῖσθαι βού λεται τύχην καὶ θεὸν, εἴτε τὴν τῶν ἀρχόντων ἀρετὴν, εἴτε καὶ τὸ ξυναμφότερον, μετὰ τῶν τότε πολιτῶν τῆς σωτηρίας αἰτίαν ξυμβῆναι γενομένην, ἔστω ταύτῃ ὅπη τὶς ὑπολαμβάνει· σωτηρία δ ̓ οὖν οὕτω ξυνέβη τοῖς τότε γενομένοις· τοιούτων οὖν αὐτῶν γεγονότων, δίκαιόν που τοῖς σώσασι πάντας χάριν ἔχειν. Εἰ δέ τι τὸν μετέπειτα χρόνον ἡ τυραννὶς οὐκ ὀρθῶς τῇ τῆς πόλεως δωρεά κατα κέχρηται, τούτων δίκας τὰς μὲν ἔχει, τὰ δὲ τινέτω. Τίνες οὖν δὴ δίκαι αναγκαίως ὀρθαὶ γίγνοιντ' ἂν ἐκ τῶν ὑπαρ χόντων αὐτοῖς; Εἰ μὲν ῥᾳδίως ὑμεῖς ἀποφυγεῖν οἷοί τ'

Mais faire du bien ou le moins de mal possible à tous les partis, est un art plus difficile à trouver; et si on le trouve, il n'est pas àisé d'en suivre les règles. Aussi, lorsque j'ose entreprendre pour vous cette recherche salutaire, c'est comme un vœu que j'adresse aux dieux immortels: oui, c'est un vœu que je fais, et toutes nos paroles, tous nos sentimens doivent commencer par les dieux. Qu'ils daignent m'inspirer, et que mon vœu soit rempli !

Les Syracusains, et leurs factions mêmes, depuis qu'elles existent, ont obéi sans interruption à une famille royale, que vos pères établirent dans un moment de terreur, quand la Sicile grecque, ravagée par les Carthaginois, fut menacée de devenir barbare. Ils choisirent Denys, jeune guerrier, pour conduire les opérations militaires, et Hipparinus, sage vieillard, pour le conseiller le danger de la Sicile leur fit accorder à tous deux ce pouvoir absolu, que vous nommez tyrannie. Soit qu'une fortune divine ou un dieu même voulût sauver vos ancêtres, soit que le mérite des chefs, joint à la valeur des troupes, leur donnât la vic toire, soit toutes ces causes ensemble, la Sicile fut délivrée; et il est juste peut-être de ne pas oublier les libérateurs de la patrie. Si, dans la suite, la tyrannie n'a pas fait un bon usage du présent qu'elle avait reçu de vous, elle en a été punie; qu'elle le soit encore. Mais où trouver une juste punition pour de telles fautes? Si vous pouviez facilement vous soustraire sans de grands périls et de grands Pensées de PLATON.

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ἦτε αὐτοὺς καὶ ἄνευ μεγάλων κινδύνων καὶ πόνων, ἢ ἐκεῖνοι ἑλεῖν εὐπετῶς πάλιν τὴν ἀρχὴν, οὐδ ̓ ἂν ξυμβουλεύειν οἷόν τ ̓ ἦν τὰ μέλλοντα ῥηθήσεσθαι· νῦν δ ̓ ἐννοεῖν ὑμᾶς ἀμφοτέρους χρεὼν καὶ ἀναμιμνήσκεσθαι, ποσάκις ἐν ἐλπίδι ἑκάτεροι γεγόνατε τοῦ νῦν οἴεσθαι σχεδὸν ἀεὶ τινὸς σμικροῦ ἐπιδεεῖς εἶναι τὸ μὴ πάντα κατὰ νοῦν πράττειν· καὶ δὴ καὶ ὅτι τὸ σμικρὸν τοῦτο μεγάλων καὶ μυρίων κακῶν αἴτιον ἑκάστοτε ξυμβαίνει γιγνόμενον. Καὶ πέρας οὐδέν ποτε τελεῖται· ξυνάπτει δὲ ἀεὶ παλαιὰ τε λευτὴ δοκοῦσα, ἀρχὴ φυομένη νέα. Διολέσθαι δ ̓ ὑπὸ τοῦ κύκλου τούτου κινδυνεύσει καὶ τὸ τυραννικὸν ἅπαν, τὸ δημοτικὸν γένος· ἥξει δὲ, ἐάνπερ τῶν εἰκότων γίγνη ταί τι καὶ ἀπευκτῶν, σχεδὸν εἰς ἐρημίαν τῆς Ἑλληνικῆς φωνῆς Σικελία πᾶσα, Φοινίκων ἢ Οπικῶν μεταβαλοῦσα εἴς τινα δυναστείαν καὶ κράτος.

καὶ

Τούτων δὴ χρὴ πάση προθυμίᾳ πάντας τοὺς Ἕλληνας τέμνειν φάρμακον. Εἰ μὲν δή τις ὀρθότερον ἄμεινόν τ' ἔχει τοῦ ὑπ ̓ ἐμοῦ ῥηθησομένου, ἐνεγκὼν εἰς τὸ μέσον, ὀρθότατα φιλέλλην ἂν λεχθείη. Ο δέ μοι φαίνεται πη, τανῦν ἐγὼ πειράσομαι πάσῃ παρρησίᾳ καὶ κοινῷ τινι δικαίῳ λόγῳ χρώμενος δηλοῦν. Λέγω γὰρ δὴ, διαιτητοῦ τινὰ τρόπον διαλεγόμενος, ὡς δυοῖν τυραννεύσαντί τε καὶ τυραννευθέντι, ὡς ἑνὶ ἑκατέρῳ παλαιὰν ἐμὴν ξυμ βουλήν.

Καὶ νῦν δ ̓ ὅγ ̓ ἐμὸς λόγος ἂν εἴη ξύμβουλος τυ ράννῳ παντί· Φεύγειν μὲν τούνομά τε καὶ τοῦργον τοῦτο· εἰς βασιλείαν δὲ, εἰ δυνατὸν εἴη, μεταβα λεῖν· δυνατὸν δὲ, ὡς ἔδειξεν ἔργῳ σοφὸς ἀνὴρ καὶ ἀγαθὸς Λυκοῦργος. Ὃς, ἰδὼν τὸ τῶν οἰκείων γένος

maux à l'autorité de vos princes, ou s'ils reprenaient tranquillemet la souveraineté, mes conseils vous seraient inutiles; mais souvenez-vous les uns et les autres combien de fois vous vous êtes déjà flattés qu'il ne restait plus à votre ambition que de faibles obstacles à vaincre, et combien ces faibles obstacles, qu'il fallait renverser encore, ont coûté aux deux partis de sang et de larmes. Ainsi vos maux n'ont point de fin, et l'instant où vous les croyez à leur terme est l'instant où ils vont renaître. Dans ce cercle de calamités, vous finirez par périr ensemble, vous, amis du peuple, et vous, amis des tyrans; le jour viendra, jour aussi certain que déplorable, où la Sicile n'entendra plus. la voix d'un seul Grec, et sera tout entière soumise aux barbares de Carthage ou d'Italie. 1

C'est donc le devoir de tous les Grecs de ne rien négliger pour prévenir ce fatal moment; et si quelque autre vous propose des moyens plus sages et plus sûrs que les miens, qu'on le proclame aussitôt l'ami de sa patrie. Pour moi, je tâcherai de vous dire mon opinion avec toute liberté, et de vous tenir le langage de la justice et de la raison. Comme un arbitre, je parle tour-à-tour aux maîtres et aux sujets; voici les conseils que je leur ai toujours donnés.

Et d'abord, je dis aux tyrans : Gardez-vous d'un nom et d'une souveraineté funestes; devenez rois, si vous le pouvez; et vous le pouvez, comme l'a fait voir le sage, le vertueux Lycurgue. Instruit par l'exemple des princes alliés de sa famille, qui, de rois devenus

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