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» le temps que tes ennemis t'environneront de tran» chées, et t'enfermeront, et te serreront de toutes >> parts, et te détruiront entièrement toi et tes en

fans, et ne laisseront en toi pierre sur pierre, » parce que tu n'as pas connu le temps auquel Dieu » t'a visitée ».ˆ

C'étoit marquer assez clairement et la manière du siége et les derniers effets de la vengeance. Mais il ne falloit pas que Jésus allât au supplice sans dénoncer à Jérusalem combien elle seroit un jour punie de l'indigne traitement qu'elle lui faisoit. Comme il alloit au Calvaire portant sa croix sur ses épaules, «< il étoit suivi d'une grande multitude de » peuple et de femmes qui se frappoient la poi» trine, et qui déploroient sa mort (1) ». Il s'arrêta, se tourna vers elles, et leur dit ces mots (2) : « Filles » de Jérusalem, ne pleurez pas sur moi, mais pleurez » sur vous-mêmes et sur vos enfans; car le temps >> s'approche auquel on dira: Heureuses les stériles ! » heureuses les entrailles qui n'ont point porté d'en» fans, et les mamelles qui n'en ont point nourri! >> Ils commenceront alors à dire aux montagnes : >> Tombez sur nous; et aux collines: Couvrez-nous. >> Car si le bois verd est ainsi traité, que sera-ce » du bois sec »? Si l'innocent, si le juste souffre un si rigoureux supplice, que doivent attendre les coupables?

Jérémie a-t-il jamais plus amèrement déploré la perte des Juifs? Quelles paroles plus fortes pouvoit employer le Sauveur pour leur faire entendre leurs malheurs et leur désespoir; et cette horrible famine (2) Ibid. 28 et seq.

(1) Luc. XXIII. 27.

funeste aux enfans, funeste aux mères qui voyoient sécher leurs mamelles, qui n'avoient plus que des larmes à donner à leurs enfans, et qui mangèrent le fruit de leurs entrailles?

CHAPITRE XXII.

Deux mémorables prédictions de notre Seigneur sont expliquées, et leur accomplissement est justifié par

l'histoire.

TELLES sont les prédictions qu'il a faites à tout le peuple. Celles qu'il fit en particulier à ses disciples méritent encore plus d'attention. Elles sont comprises dans ce long et admirable discours où il joint ensemble la ruine de Jérusalem avec celle de l'univers (1). Cette liaison n'est pas sans mystère, et en voici le dessein.

Jérusalem, cité bienheureuse que le Seigneur avoit choisie, tant qu'elle demeura dans l'alliance et dans la foi des promesses, fut la figure de l'Eglise, et la figure du ciel où Dieu se fait voir à ses enfans. C'est pourquoi nous voyons souvent les prophètes joindre, dans la suite du même discours, ce qui regarde Jérusalem, à ce qui regarde l'Eglise et à ce qui regarde la gloire céleste : c'est un des secrets des prophéties, et une des clefs qui en ouvrent l'intelligence. Mais Jérusalem réprouvée, et ingrate envers son Sauveur, devoit être l'image de l'enfer : ses perfides citoyens devoient représenter les damnés; et le jugement terrible que Jésus-Christ devoit exercer sur eux étoit la figure de celui qu'il exer

(*) Matth. xxiv, Marc. XH. Lục. xxI,

cera sur tout l'univers, lorsqu'il viendra à la fin des siècles, en sa majesté, juger les vivans et les morts. C'est une coutume de l'Ecriture, et un des moyens dont elle se sert pour imprimer les mystères dans les esprits, de mêler pour notre instruction la figure à la vérité. Ainsi notre Seigneur a mêlé l'histoire 'de Jérusalem désolée avec celle de la fin des siècles; et c'est ce qui paroît dans le discours dont nous parlons.

Ne croyons pas toutefois que ces choses soient tellement confondues, que nous ne puissions discerner ce qui appartient à l'une et à l'autre. JésusChrist les a distinguées par des caractères certains, que je pourrois aisément marquer, s'il en étoit question. Mais il me suffit de vous faire entendre ce qui regarde la désolation de Jérusalem et des Juifs.

Les apâtres (c'étoit encore au temps de la Passion) assemblés autour de leur maître, lui montroient le temple et les bâtimens d'alentour : ils en admiroient les pierres, l'ordonnance, la beauté, la solidité; et il leur dit (1): « Voyez-vous ces grands >> bâtimens ? il n'y restera pas pierre sur pierre ». Etonnés de cette parole, ils lui demandent le temps d'un événement si terrible; et lui, qui ne vouloit pas qu'ils fussent surpris dans Jérusalem lorsqu'elle seroit saccagée, (car il vouloit qu'il y eût dans le sac de cette ville une image de la dernière séparation des bons et des mauvais) commença à leur raconter tous les malheurs comme ils devoient arriver l'un après l'autre.

Premièrement, il leur marque « des pestes, des (1) Matt. XXIV. 1, 2. Marc. XIII. 1, 2. Luc. xxi. 5, 6.

>> famines, et des tremblemens de terre (1) », et les histoires font foi, que jamais ces choses n'avoient été plus fréquentes ni-plus remarquables qu'elles le furent durant ces temps. Il ajoute qu'il y auroit par tout l'univers « des troubles, des bruits de » guerre, des guerres sanglantes ; que toutes les na>>tions se souleveroient les unes contre les autres (2) », • et qu'on verroit toute la terre dans l'agitation. Pouvoit-il mieux nous représenter les dernières années de Néron, lorsque tout l'Empire romain, c'est-àdire tout l'univers, si paisible depuis la victoire d'Auguste et sous la puissance des empereurs, commença à s'ébranler, et qu'on vit les Gaules, les Espagnes, tous les royaumes dont l'Empire étoit composé, s'émouvoir tout à coup; quatre empereurs s'élever presque en même temps contre Néron et les uns contre les autres; les cohortes Prétoriennes, les armées de Syrie, de Germanie, et toutes les autres qui étoient répandues en Orient et en Occident s'entre-choquer, et traverser, sous la conduite de leurs empereurs, d'une extrémité du monde à l'autre, pour décider leur querelle par de sanglantes batailles? Voilà de grands maux, dit le Fils de Dieu (3); « mais ce ne sera pas encore la fin ». Les Juifs souffriront comme les autres dans cette commotion universelle du monde mais il leur viendra bientôt après des maux plus particuliers, <«< et ce ne sera ici que le commencement de leurs >> douleurs ».

(1) Matth. XXIV. 7. Marc. x111. 8. Luc. XXI. 11.—

6,7.
Marc. XIII. Luc. XXI. 9, 10.
7.
XIII. 7, 8. Luc. XXI. 9.

(3) Matth. XXIV.

(2) Matth. XXIV. 6, 8. Marc.

Il ajoute que son Eglise, toujours affligée depuis son premier établissement, verroit la persécution s'allumer contre elle plus violente que jamais durant ces temps (1). Vous avez vu que Néron, dans ses dernières années, entreprit la perte des Chrétiens, et fit mourir saint Pierre et saint Paul. Cette persécution, excitée par les jalousies et les violences des Juifs, avançoit leur perte, mais elle n'en marquoit pas encore le terme précis.

La venue des faux Christs et des faux prophètes sembloit être un plus prochain acheminement à la dernière ruine car la destinée ordinaire de ceux qui refusent de prêter l'oreille à la vérité est d'être entraînés à leur perte par des prophètes trompeurs. Jésus-Christ ne cache pas à ses apôtres que ce malheur arriveroit aux Juifs. « Il s'élevera, dit-il (2), >> un grand nombre de faux prophètes qui séduiront » beaucoup de monde ». Et encore : << Donnez» vous de garde des faux Christs et des faux pro» phètes ».

Qu'on ne dise pas que c'étoit une chose aisée à deviner à qui connoissoit l'humeur de la nation : car, au contraire, je vous ai fait voir que les Juifs, rebutés de ces séducteurs qui avoient si souvent causé leur ruine, et surtout dans le temps de Sédécias, s'en étoient tellement désabusés, qu'ils cessèrent de les écouter. Plus de cinq cents ans se passèrent sans qu'il parût aucun faux prophète en Israël. Mais l'enfer, qui les inspire, se réveilla à la venue de JésusChrist; et Dieu, qui tient en bride autant qu'il lui

(1) Matth. XXIV. 9. Marc. x111. 9. Luc. XXI. 12. — 11, 23, 24. Marc. x111. 22, 23. Luc. xxi. S.

· (2) Matt. xxiv.

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