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plaît les esprits trompeurs, leur lâcha la main, afin d'envoyer dans le même temps ce supplice aux Juifs, et cette épreuve à ses fidèles. Jamais il ne parut tant de faux prophètes que dans les temps qui suivirent la mort de notre Seigneur. Surtout vers le temps de la guerre judaïque, et sous le règne de Néron qui la commença, Josephe nous fait voir une infinité de ces imposteurs (1) qui attiroient le peuple au désert par de vains prestiges et des secrets de magie, leur promettant une prompte et miraculeuse délivrance. C'est aussi pour cette raison que le désert est marqué dans les prédictions de notre Seigneur (2) comme un des lieux où seroient cachés ces faux libérateurs que vous avez vus à la fin entraîner le peuple dans sa dernière ruine. Vous pouvez croire que le nom du Christ, sans lequel il n'y avoit point de délivrance parfaite pour les Juifs, étoit mêlé dans ces promesses imaginaires; et vous verrez dans la suite de quoi vous en convaincre.

La Judée ne fut pas la seule province exposée à ces illusions. Elles furent communes dans tout l'Empire. Il n'y a aucun temps où toutes les histoires nous fassent paroître un plus grand nombre de ces imposteurs qui se vantent de prédire l'avenir, et trompent les peuples par leurs prestiges. Un Simon le Magicien, un Elymas, un Apollonius Tyaneus, un nombre infini d'autres enchanteurs, marqués dans les histoires saintes et profanes, s'élevèrent durant ce siècle, où l'enfer sembloit faire ses derniers efforts pour soutenir son empire ébranlé. C'est pourquoi

(1) Joseph. Ant. lib. xx, c. 6, al. 8. De Bell. Jud. lib. 11, c. 12, al. 13. —(2) Mat. xxiv. 26.

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Jésus-Christ remarque en ce temps, principalement parmi les Juifs, ce nombre prodigieux de faux prophètes. Qui considérera de près ses paroles, verra qu'ils devoient se multiplier devant et après la ruine de Jérusalem, mais vers ces temps; et que ce seroit alors que la séduction, fortifiée par de faux miracles et par de fausses doctrines, seroit tout ensemble si subtile et si puissante, que « les élus mêmes, s'il » étoit possible, y seroient trompés (1) ».

Je ne dis pas qu'à la fin des siècles, il ne doive encore arriver quelque chose de semblable et de plus dangereux, puisque même nous venons de voir que ce qui se passe dans Jérusalem, est la figure manifeste de ces derniers temps: mais il est certain que Jésus-Christ nous a donné cette séduction comme un des effets sensibles de la colère de Dieu sur les Juifs, et comme un des signes de leur perte. L'événement a justifié sa prophétie : tout est ici attesté par des témoignages irréprochables. Nous lisons la prédiction de leurs erreurs dans l'Evangile : nous en voyons l'accomplissement dans leurs histoires, et surtout dans celle de Josephe.

Après que Jésus-Christ a prédit ces choses; dans le dessein qu'il avoit de tirer les siens des malheurs dont Jérusalem étoit menacée, il vient aux signes prochains de la dernière désolation de cette ville.

Dieu ne donne pas toujours à ses élus de semblables marques. Dans ces terribles châtimens qui font sentir sa puissance à des nations entières, il frappe souvent le juste avec le coupable; car il a de meilleurs moyens de les séparer, que ceux qui (1) Matt. XXIV. 24. Marc. x111. 22.

paroissent à nos sens. Les mêmes coups qui brisent la paille séparent le bon grain; l'or s'épure dans le même feu où la paille est consumée (1); et sous les mêmes châtimens par lesquels les méchans sont exterminés, les fidèles se purifient. Mais dans la désolation de Jérusalem, afin que l'image du jugement dernier fût plus expresse, et la vengeance divine plus marquée sur les incrédules, il ne voulut pas que les Juifs qui avoient reçu l'Evangile fussent confondus avec les autres; et Jésus-Christ donna à ses disciples des signes certains auxquels ils pussent connoître quand il seroit temps de sortir de cette ville réprouvée. Il se fonda, selon sa coutume, sur les anciennes prophéties dont il étoit l'interprète aussi bien que la fin; et repassant sur l'endroit où la dernière ruine de Jérusalem fut montrée si clairement à Daniel, il dit ces paroles (2) : « Quand vous verrez » l'abomination de la désolation que Daniel a prophétisée, que celui qui lit entende; quand vous » la verrez établie dans le lieu saint il est porté dans saint Marc, « dans le lieu où elle » ne doit pas être, alors que ceux qui sont dans la >> Judée s'enfuient dans les montagnes ». Saint Luc raconte la même chose en d'autres termes (3): «< Quand » vous verrez les armées entourer Jérusalem, sachez >> que sa désolation est proche; alors que ceux qui » sont dans la Judée se retirent dans les mon

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ou, comme

Un des évangélistes explique l'autre, et en conférant ces passages, il nous est aisé d'entendre que

(1) Aug. de Civit. Dei, lib: 1, cap. VIII; tom. VII. col. 8. (2) Matt. XXIV. 15. Marc. XIII. 14. — (3) Luç. xx1. 20, 21.

cette abomination prédite par Daniel est la même chose que les armées autour de Jérusalem. Les saints pères l'ont ainsi entendu (1), et la raison nous en

convainc.

Le mot d'abomination, dans l'usage de la langue sainte, signifie idole : et qui ne sait que les armées romaines portoient dans leurs enseignes les images de leurs dieux, et de leurs Césars qui étoient les plus respectés de tous leurs dieux? Ces enseignes étoient aux soldats un objet de culte; et parce que les idoles, selon les ordres de Dieu, ne devoient jamais paroître dans la Terre-sainte, les enseignes romaines en étoient bannies. Aussi voyons-nous, dans les histoires, que tant qu'il a resté aux Romains tant soit peu de considération pour les Juifs, jamais ils n'ont fait paroître les enseignes romaines dans la Judée. C'est pour cela que Vitellius, quand il passa dans cette province pour porter la guerre en Arabie, fit marcher ses troupes sans enseignes (2); car on révéroit encore alors la religion judaïque, et on ne vouloit point forcer ce peuple à souffrir des choses si contraires à sa loi. Mais au temps de la dernière guerre judaïque, on peut bien croire que les Romains n'épargnèrent pas un peuple qu'ils vouloient exterminer. Ainsi quand Jérusalem fut assiégée, elle étoit environnée d'autant d'idoles qu'il y avoit d'enseignes romaines; et l'abomination ne parut jamais tant où elle ne devoit pas être, c'est-à-dire dans la Terre-sainte, et autour du temple.

(1) Orig. Tract. xxix in Matth. n. 40; tom. 111, pag. 859. Aug. ep. LXXX, nunc cxcix, ad Hesych. n. 27, 28, 29; tom. 11, col. 751

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Est-ce donc là, dira-t-on, ce grand signe que Jésus-Christ devoit donner? Etoit-il temps de s'enfuir quand Tite assiégea Jérusalem, et qu'il en ferma de si près les avenues qu'il n'y avoit plus moyen de s'échapper? C'est ici qu'est la merveille de la prophétie. Jérusalem a été assiégée deux fois en ces temps la première, par Cestius gouverneur de Syrie, l'an 68 de notre Seigneur (1); la seconde, par Tite, quatre ans après, c'est-à-dire l'an 72 (2). Au dernier siége, il n'y avoit plus moyen de se sauver. Tite faisoit cette guerre avec trop d'ardeur : il surprit toute la nation renfermée dans Jérusalem durant la fête de Pâque, sans que personne échappât ; et cette effroyable circonvallation qu'il fit autour de la ville ne laissoit plus d'espérance à ses habitans. Mais il n'y avoit rien de semblable dans le siége de Cestius il étoit campé à cinquante stades, c'est-àdire à six milles de Jérusalem (3). Son armée se répandoit tout autour, mais sans y faire de tranchées ;et il faisoit la guerre si négligemment, qu'il manqua l'occasion de prendre la ville, dont la terreur, les séditions, et même ses intelligences lui ouvroient les portes. Dans ce temps, loin que la retraite fût impossible, l'histoire marque expressément que plusieurs Juifs se retirèrent (4). C'étoit donc alors qu'il falloit sortir; c'étoit le signal que le Fils de Dieu donnoit aux siens. Aussi a-t-il distingué très-nettement les deux siéges l'un, où la ville seroit entourée de fossés et de forts (5); alors il n'y auroit

:

(1) Joseph. de Bello Jud. lib. 11, c. 23, 24, al. 18, 19. (2) Id. lib. VI, VII.- (3) Joseph. de Bello. Jud. lib. 11, c. 23, 24, al. 18, 19. (4) Joseph. ibid. (5) Luc. xix. 43.

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