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moyen de faire punir ces délits, comme si elle n'avait pas le moyen de les prévenir, et de les faire punir alors même qu'elle les à prévenus? Quand un auteur et un imprimeur se soumettent scrupuleusement à des formalités qui les mettent dans l'impossibilité de publier un onvrage que la police jugerait nuisible, peuvent-ils néanmoins être poursuivis à raison de cet ouvrage, et les juges, à qui la loi du 21 octobre 1814 permet à la police de le déférer, peuvent-ils' être autre chose que des censeurs judiciaires ?

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Il est vrai que la loi du 9 novembre 1815 semble leur permettre d'être autre chose que censeurs judiciaires; puisqu'elle les investit formellement du droit de prononcer des peines contre les auteurs d'écrits séditieux. Mais cette loi veut-elle qu'ils prononcent ces peines contre les auteurs qui se seraient exactement conformés aux dispositions prescrites par la loi du 21 octobre, pour prévenir la publication de pareils écrits! N'est-ce pas plutôt contre les auteurs d'écrits séditieux, qui auraient tenté de les imprimer ou de les publier clandestinement, qu'elle les charge de prononcer ces peines? Peut-on, bonne foi, être considéré comme séditieux, lorsqu'avant de faire aucun acte de sédition, on va porter les pièces à la police ?

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II. La loi du 21 octobre permet à l'autorité de faire saisir l'ouvrage qu'elle se propose de déférer aux tribunaux pour le faire juger. Mais la loi du 28 février veut que, lorsque l'autorité fait saisir un ouvrage, l'ordre et les procès-verbaux de saisie soient, à peine de nullité, notifiés dans les vingt-quatre heures, à la partie saisię qui peut y former opposition. Elle veut qu'en cas d'opposition, le procureur du Roi fasse statuer sur la saisie dans la huitaine, à dater du jour de l'opposition. Enfin, elle veut que, le délai de huitaine expiré, la saisie, si elle n'est maintenue par le tribunal, demeure périmée de plein droit, et que tout dépositaire de l'ouvrage saisi soit tenu de le remettre au proprié

taire.

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Là-dessus, plusieurs questions s'élèvent. D'abord on demande quel doit être l'effet du défaut de notification de l'ordre et des procèsverbaux de saisie? Le défaut de cette notification, prescrite à peine de nullité, n'entraînet-il pas la nullité de la saisie? Si la saisie est nulle, qu'en doit-il résulter ?.....

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» Le dernier alinéa de la loi porte que la saisie, si elle n'est maintenue par le tribunal, sera périmée de plein droit, et que l'ouvrage devra être rendu au propriétaire. Une

saisie nulle, faute de notification, peut-elle être maintenue? Si elle le peut, comment est - elle nulle, et quel est le bénéfice de la nullité? Si clle ne le peut pas, n'en faut-il pas 'conclure qu'elle est périmée, et que l'ouvrage doit être rendu ? Peut-on dire que le bénéfice de la nullité consiste, pour l'auteur, à ne pas s'en prévaloir, 'et à laisser suivre aux choses leur cours ordinaire ? D'abord, comment les choses pourront'elles suivre leur cours? Si l'auteur veut former opposition à la saisie, comment le pourra-t-il lorsque la saisie ne lui aura pas été notifiée ? La loi dit-elle par l'ordre de qui la saisie d'un ouvrage doit être faite? Dit-elle qu'elle doit être faite à la réquisition du ministre de la police, du préfet de police, du procureur du Roi, d'un juge d'instruction? L'auteur, à qui la saisie n'aura pas été notifiée, 'n'ignorera-t-il pas, par conséquent, qui l'a ordonnée? S'il l'ignore, saurat-il entre les mains de qui il pourra former opposition? Comment donc les choses pourrontelles suivre leur cours ordinaire? Ensuite, quel sera pour l'auteur le bénéfice d'une nullité dont tout l'avantage pour lui sera de ne pas s'en prévaloir et de laisser suivre à l'action sur saisie 'son cours ordinaire ?

Il est vrai que, si l'on accorde à l'auteur l'a

Vantage de ne pas se prévaloir de la nullité de la saisie qui ne lui a pas été notifiée, on lui accorde aussi l'avantage de s'en prévaloir. Mais quel sera pour lui cet avantage, si, aussitôt qu'il se prévaudra de la nullité de la saisie, le ministère public peut en ordonner une autre? Le ministère public qui a laissé périmer une première saisie pour avoir laissé passer le délai dans lequel il devait la notifier, peut-il valablement en ordonner une seconde, une troisième, une cinquième, une dixième? Peut-il, valablement, en ordonner à perpétuité? Le peut-il, sous prétexte que la loi ne prononce pas contre lui de déchéance , que la déchéance est une peine, et que les peines doivent être expressément prononcées la loi? L'individu condamné à mort, par qui laisse passer le délai dans lequel il peut se pourvoir contre son arrêt, peut-il néanmoins se pourvoir contre cet arrêt? Le peut-il, sous prétexte que la loi ne prononce pas contre lui de déchéance, que la déchéance est une peine, et que les peines ne se supposent pas ?

Autre question. En admettant qu'après une première saisie périmée le ministère public puisse en ordonner une seconde, sur quoi devra être opérée cette seconde saisie? Pourra-t-elle être opérée sur les exemplaires de l'ouvrage saisi qui,

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par suite de la première saisie, se trouverait déjà sous la main de la justice? Le ministère blic pourra-t-il dire que, lorsque la justice ne détient un livre que par suite d'une saisie périmée, elle ne le détient pas pour son compte, qu'elle le détient pour le compte de l'auteur qu'elle n'en a que la possession naturelle, que l'auteur en conserve la possession civile, et qu'elle peut saisir encore cette possession civile restée à l'auteur par suite de la péremption de la première saisie? Si cette subtile fiction est admise, si la péremption d'une première saisie peut être considérée comme non avenue, en disant qu'on saisit la possession civile après avoir saisi la possessión naturelle, quel sera pour l'auteur le bénéfice de la péremption de la première saisie? A quoi se réduira le bienfait de la loi qui prononce à son profit cette péremption? 5 co si

III. Si l'on admet que, par suite de la péremption de l'ordre et des procès-verbaux de la saisie d'un ouvrage, le ministère public s'est mis dans la nécessité de rendre cet ouvrage,

et dans l'impossibilité de le faire ressaisir, peut - on néanmoins prétendre que le droit de poursuivre l'auteur est conservé ? :

» Il est bien vrai qu'en thèse générale, le droit

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