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Et de tes humbles jours esquissant le tableau,

Tu peins, sans y penser, cette haute victoire

D'un cœur trop près de Dieu pour songer à la gloire.

Assurément, elle était digne d'un pareil hommage, cette muse couronnée de roses blanches, voilée et pudique, que toutes les mères chrétiennes ont pu admettre à leur foyer et donner pour compagne à leurs filles sans crainte d'éveiller en elles le choeur des voix indiscrètes.

En braquant sa lunette aux quatre points cardinaux pour découvrir quelques faits de nature à intéresser ses lecteurs bretons et vendéens, la Chronique a découvert sous les brumes de l'horizon parisien un mariage et une lettre qu'elle ne saurait laisser inaperçus.

Le mariage s'est accompli entre M. Marie-Charles-Adhémar de Beaumont, comte d'Autichamp, et Mlle Antonie de Nogent. La lettre a été écrite par un de nos compatriotes, le docteur Alphonse Guérin, et elle a rapport à une santé chère à tous les cœurs catholiques, à la santé de Pie IX.

La nouvelle comtesse d'Autichamp descend de Milon, sire de Nogent, qui fut tué, en 1148, à la croisade de Louis VII. Du côté maternel elle est arrière-petite-nièce de saint Thomas d'Aquin, du côté paternel, petitenièce du dernier page de Marie-Antoinette. M. le comte d'Autichamp, lui, est le petit-neveu de Christophe de Beaumont, archevêque de Paris, du marquis d'Autichamp, chevalier du Saint-Esprit, qui, à plus de quatre-vingts ans, défendit le Louvre dont il était gouverneur en 1830. Il est enfin petitfils du comte Charles d'Autichamp, lieutenant-général, pair de France, ancien lieutenant de Bonchamps. Ce fut lui qui porta aux chefs de la grande armée l'ordre suprême du héros : « Grâce aux prisonniers! >>

Voilà certes de belles illustrations. Le R. P. Saudreau, célébrant du mariage, les a fait ressortir dans un beau discours où il a en même temps rappelé aux jeunes époux les grands devoirs qu'imposent tant de glorieux souvenirs.

Venons maintenant à la lettre du docteur Guérin. Elle a été adressée à l'Indépendance belge, ce vaste et fangeux réceptacle de tous les cancans, de toutes les sottises de la libre pensée. La voici :

<< Monsieur le rédacteur,

Paris, 3 octobre 1863.

» Un de vos collaborateurs a publié dans le feuilleton de l'Indépen dance belge un article moins malveillant pour moi que pour la cour de Rome. Je n'aurais pas le droit de me plaindre de cet article, si l'auteur ne m'avait jugé que comme médecin, mais il me fait entrer clandestinement au Vatican pour y faire des miracles, et je m'y trouve réduit à préparer des onguents pour l'érysipele; j'y tiens des propos offensants pour les cardinaux et, enfin, on me ferme la porte au nez quand j'ai guéri le saintpère.

» De tout cela, monsieur, il y a bien peu de chose qui ne soit de pure invention.

pas

a

» Le saint-père, qui a l'habitude d'agir per urbem et orbem, ne s'est caché de personne pour recevoir mes soins; je n'ai point été appelé à les lui donner seul et en secret, et, s'il est guéri, une bonne part de l'honneur en doit revenir à mon excellent confrère, le docteur Viale, son premier médecin, qui a toujours assisté à mes consultations. La porte du Vatican n'a jamais été fermée pour moi; jusqu'au dernier jour, j'y ai été accueilli de la manière la plus aimable, non-seulement par mon auguste client, mais encore par ses ministres, et quand, la veille de mon départ, je pris congé de mon malade, je reçus de Sa Sainteté le témoignage le plus éclatant de sa gratitude.

» Après un pareil accueil, j'aurais donné une bien triste idée de mon cœur et de mon éducation, si j'avais tenu devant Pie IX des propos injurieux pour les cardinaux. Soyez sûr, d'ailleurs, qu'ils auraient été entendus et promptement réprimés.... »

ALPHONSE GUÉRIN, Chirurgien de l'hôpital Saint-Louis.

J'ai dit que le docteur Guérin était Breton. C'est un enfant de Ploërmel qui s'est élevé, par ses propres forces, son intelligence, son opiniâtreté au travail, à la position qu'il occupe aujourd'hui. Tous ses confrères reconnaissent sa valeur scientifique. Tous ceux qu'il a guéris rendent hommage à l'intelligence de ses soins, à sa douceur, à sa charité qui surtout n'ont jamais fait défaut à ses compatriotes souffrants et malheureux. Ne sortons pas de Rome, sans mentionner l'élévation dont un autre fils de la Bretagne vient d'y être l'objet : dans le consistoire secret tenu le 1er octobre au palais du Vatican, le Saint-Père a promu à l'Église de Porto-Principe, en la ville d'Haïti, érigée en métropolitaine par S. S., Mgr Martial-Guillaume-Marie Testard du Cosquer, prêtre du diocèse de Cornouaille en Quimper, ancien curé de Saint-Louis de Brest, prélat de la maison du Saint-Père, et pronotaire apostolique près la république d'Haïti.

Trois jours avant celui où cette imposante cérémonie avait lieu dans la capitale du monde chrétien, une fête religieuse des plus touchantes se célébrait sur les confins de la Bretagne et de la Vendée :

Mgr l'archevêque de Tours, écrivait-on de Legé à l'Espérance du Peuple, arrivait parmi nous, muni des pleins pouvoirs du Souverain-Pontife, pour présider à une délimitation nouvelle entre les diocèses de Nantes et de Luçon. La paroisse entière et même une partie des paroisses voisines s'étaient groupées autour de la chapelle expiatoire de NotreDame-de-Pitié où devait descendre le vénérable prélat. Impossible de décrire les manifestations au milieu desquelles il fut accueilli. On accla1 mait en lui l'évêque courageux et ferme; mais dans la pensée de tous, ces acclamations devaient encore monter plus haut: Mgr Guibert était là le délégué, le représentant du pasteur suprême; aussi les cris de Vive la religion! Vive Pie IX Pontife et Roi! s'échappant vigoureux et pressés de ces quatre mille poitrines vendéennes, mêlés à ceux de Vive Mgr l'archevêque! ne discontinuèrent-ils plus de toute la soirée. Au sortir de la chapelle, Mgr se rendit à l'église paroissiale pour y donner la bénédiction du très-saint Sacrement, et adresser de chaleureuses paroles à ce bon peuple.

»

«

Gardez, a-t-il dit, gardez bien vos convictions religieuses, c'est le plus précieux héritage que vous ont légué vos pères. Portez haut le drapeau » de votre foi; marchez dans la voie droite, sans vous en détourner jamais; que vos conscience restent inflexibles comme la vérité elle-même; ⚫ conservez à chaque chose son nom, à l'hypocrisie et au mensonge celui qui leur convient, à la justice et à l'honneur celui qu'ils méritent. » Sachez choisir entre le oui et le non, et, dans aucun cas, n'ayez la triste habileté de les allier l'un avec l'autre. Soyez fermes dans vos pensées comme dans vos voies; toujours le courage est une grande et » sainte chose; de nos jours, il est de la prudence et de la dignité.

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De tels accents, sortis d'une bouche épiscopale, trouvèrent de l'écho dans toutes les âmes; un frémissement secret, comprimé par le respect du saint lieu, courut dans tous les rangs. Les vieillards, dont quelquesuns sont les derniers souvenirs vivants des armées de Charette, avaient des larmes dans les yeux; plusieurs groupes de jeunes gens, jaloux de se montrer dignes de leurs pères, brûlaient de l'envie d'applaudir; tous étaient heureux d'entendre un langage dont ils se sentaient fiers. »

Le lendemain, Mgr Guibert se présentait aux Lucs, pour y promulguer la bulle consistoriale par laquelle une portion de cette paroisse se trouve annexée au diocèse de Nantes. A Legé, on se réjouissait de voir venir des frères; aux Lucs on s'attristait d'en perdre. Cette douleur s'est noblement reflétée dans l'allocution émue que M. le curé des Lucs, au milieu d'un nombreux concours de prêtres vendéens, a adressée à l'illustre prélat, sur le seuil de son église, et dont nous voulons au moins citer ce passage: Monseigneur, laissez-nous vous dire combien le sacrifice qui nous est imposé, est allégé par la pensée que la Bretagne et la Vendée sont deux sœurs de la même famille, unies par l'affection la plus sincère, élevées dans les mêmes principes, bercées par la même main, réchauffées sur le même cœur et nourries par la même Mère, la sainte Église

romaine. »

LOUIS DE KERJEAN.

P. S. Au moment de mettre sous presse, nous apprenons que M. Billault, ministre d'Etat, vient de mourir subitement à sa terre des Grézillières, près Nantes, à l'âge de 58 ans. Né à Vannes, le 12 novembre 1805, M. Billault fit son droit à Rennes et fut longtemps avocat dans notre ville, où il s'était promptement acquis une grande réputation. Notre conseil municipal, réuni en séance extraordinaire, sous la présidence de M. le sénateur-maire, Ferdinand Favre, a, dit-on, voté l'érection de la statue du ministre-orateur.

Le défaut d'espace nous a forcés de remettre au mois prochain la fin de l'article des Découvertes archéologiques, relative à la Tombelle de Kercado.

NOTICES HISTORIQUES.

LA CATHÉDRALE DE RENNES.*

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L'église cathédrale de Rennes, la première et la plus ancienne de Bretagne, a été fondée, bâtie et augmentée par les anciens rois et ducs de Bretagne qui la regardaient comme leur principale église, non-seulement parce qu'elle était celle de leur ville capitale, mais encore parce que c'était dans ce temple qu'après avoir veillé pendant une nuit entière devant l'autel et prêté les serments accoutumés, ils recevaient des mains de l'évêque la couronne et l'épée, et prenaient possession de leur souveraineté. L'époque de la première fondation de la cathédrale de Rennes doit remonter aux temps de nos saints et glorieux évêques saint Amand et saint Melaine. On n'a sur ces origines que des traditions confuses qui ne sont appuyées sur aucun document historique. D'antiques légendes, admises par nos vieux chroniqueurs, supposent que la cathédrale de Rennes remplaça les temples dédiés aux idoles dans la cité gallo-romaine de Condate. Le P. Albert le Grand, sur la foi d'un ancien manuscrit, qui aurait appartenu au chapitre de Rennes et qu'avait copié le P. Dupot, mentionne parmi les divinités adorées dans la ville des Redones, Thétis dont l'oratoire serait devenu Notre-Dame-de-la-Cité, tandis que la cathédrale aurait remplacé, dès le IVe siècle, la Tour de la Vision des Dieux peuplée de nombreux simulacres renversés par les néophytes chrétiens de Rennes.

Les sources auxquelles nous avons puisé sont les archives de l'archevêché de Rennes et celles du chapitre de la Métropole. Nous avons cru devoir laisser le style du temps à chacun des manuscrits dont la reproduction nous a paru utile ou intéressante.

TOME IV. 2e SÉRIE.

L'abbé M.

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Les traditions locales sont respectables, sans doute; mais il serait difficile de leur trouver ici le moindre fondement écrit dans ces monuments contemporains. On croira donc ce qu'on voudra de cette substitution plus probable qu'historiquement établie.

Ce qui est certain, c'est que dès le commencement du Ve siècle Rennes était le siége d'un évêché. Parmi les Pères des conciles tenus à Fréjus, à Tours, à Vannes, on trouve mentionnés les noms de plusieurs évêques de Rennes.

Avant le XIe siècle il existait à Rennes des chanoines d'une église cathédrale dédiée, comme elle l'a été depuis, à saint Pierre, puisqu'en ces temps-là Geoffroy, comte de Rennes, fit pour le salut de son âme don à perpétuité à Saint-Pierre pour l'usage des évêques de tout ce qu'il avait acquis dans le cloître, et le bourg de SaintPierre, tant au dedans qu'au dehors de la ville.'

Vers la fin du XIIe siècle, l'église de Rennes tombait en ruines. Les princes et les barons de Bretagne n'avaient assigné aucun fonds pour entretenir ce grand édifice; ils se contentaient de le soutenir par leurs pieuses largesses. L'évêque Philippe en entreprit la réédi fication à partir de 1182; ces travaux continués sous la direction et l'impulsion des successeurs de ce prélat, de temps en temps interrompus, durèrent pendant tout le XIIIe siècle et la première moitié du XIVe. Enfin, grâce aux libéralités et au saint zèle du duc Charles de Blois, l'église fut achevée, et la dédicace solennelle en fut célébrée en 1359 par Pierre de Guémené qui occupait alors le siége épiscopal. On y avait travaillé pendant cent soixante ans.

Deux siècles et demi plus tard, il fallait songer sérieusement à la restauration de cette basilique dont plusieurs parties accusaient peu de solidité. De 1490 à 1539, les tours et la façade occidentale croulant de toutes parts, on dut s'occuper de leur reconstruction. En 1541, Yves Mahyeuc jeta les fondements des nouvelles tours et du portail qui subsistent encore aujourd'hui.

Mais les guerres religieuses qui survinrent à la fin du XVIe siècle firent suspendre les travaux; il fallut plus d'un siècle rien que pour l'achèvement des tours.

1 On sait que les anciens chanoines avaient été assujettis à la vie commune et que l'enceinte qu'ils habitaient s'appelait le cloître.

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