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de Kiang-nan.

y débarqua, fe mirent à cultiver la terre, pour ne pas mourir de faim. Quelques pauvres familles Chinoises s'y tranfplanterent enfuite, & en moins de dix ans l'ifle fut défrichée & peuplée.

Quelques endroits produifent du froment, du riz, de l'orge, du coton, des citrons, & plufieurs autres fruits assez agréables au goût; mais fon principal revenu est le fel, qu'on y fait en fi grande quantité, que l'ifle peut en fournir à une grande partie des peuples circonvoisins : ce fel se tire d'une espece de terre grifâtre, répandue par arpens en divers cantons, & fur-tout du côté du Nord.

La maniere dont on fabrique ce fel est affez curieuse: on unit d'abord la terre comme une glace, & on l'éleve un peu en talus, afin que les eaux ne s'y arrêtent point. Quand le foleil en a féché la furface, on l'enleve & on la met en monceaux, qu'on a foin de bien battre de tous côtés; enfuite on étend cette terre fur de grandes tables un peu penchées, puis on verse deffus une certaine quantité d'eau douce, qui entraîne en s'écoulant toutes les particules de fel, dans un grand vase de terre où elle tombe goutte à goutte, par un petit canal fait exprès. Cette terre étant ainfi épurée, on la met à part, & lorfqu'elle eft feche on la réduit en pouffiere; après quoi on la répand fur le terrein d'où elle a été tirée, & au bout de quelques jours il s'y mêle, comme auparavant, une infinité de particules de fel, qu'on extrait une feconde fois & de la même maniere. Tandis que les hommes travaillent à la campagne, les femmes avec leurs enfans font bouillir les eaux falées; elles en rempliffent de grands baffins de fer, où ces eaux s'épaiffill ent & fe changent peu à peu en un fel très-blanc, qu'on

remue

remue fans ceffe avec une large fpatule de fer, jufqu'à ce qu'il foit entiérement fec.

Dans les autres terres, les habitans font tous les ans deux récoltes, l'une de grains, qui fe fait au mois de Mai, & l'autre de riz & de coton, qui fe fait au mois de Septembre.

On ne compte dans toute l'ifle qu'une ville du troifieme rang; mais les villages y font en fi grand nombre, qu'ils semblent se toucher & ne former, pour ainfi dire, qu'une feule & vafte habitation. L'air y eft fain & tempéré, le pays riant, & la campagne coupée d'une infinité de canaux entretenus avec beaucoup de foin.

Il y a dans ce pays un affez grand nombre de Mandarins; mais le Gouverneur de l'ifle est un Mandarin de Lettres; c'est lui feul qui administre la justice, qui est chargé de recevoir le tribut que chaque famille paye à l'Empereur, qui diftribue les passe-ports aux vaisseaux, & qui condamne à mort les criminels. Quand on a besoin de pluie & de beau temps, ce Mandarin fait afficher des Ordonnances qui prescrivent un jeûne universel : il est défendu alors aux Bouchers & aux Traiteurs de rien vendre, fous les peines les plus grieves; cependant ils ne laissent pas de fe défaire de leur viande en cachette, moyennant quelque argent qu'ils donnent fous main aux gens du Tribunal, qui veillent à l'obfervation de la Loi. Le Mandarin marche enfuite, accompagné de ses subalternes, vers le temple de l'idole qu'on veut invoquer; il allume fur fon autel deux ou trois petites baguettes de parfum, après quoi tous s'affeyent: pour paffer le temps, on prend du thé, on fume, on caufe une heure ou deux, & enfin l'on fe retire; c'est ce qu'ils appellent demander de la pluie ou du beau temps.

E

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de Kiang-nan,

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de Kiang-nan.

Le Pere Jacquemin raconte que de fon temps le Vice-Roi d'une province s'impatientant de voir que la pluie n'étoit point accordée à fes demandes réitérées, envoya un petit Mandarin dire de fa part à l'idole, que fi la pluie ne venoit pas à tel jour qu'il défignoit, il la chafferoit de la ville & feroit rafer fon temple; la pluie n'étant point venue au jour marqué, le Vice-Roi indigné défendit au peuple de porter, felon l'usage, son offrande à l'idole, & voulut qu'on fermât fon temple & qu'on en fcellât les portes; ce qui fut exécuté fur le champ.

L'ifle de Tfong-ming s'étend du fud-est au nord-ouest, & a environ vingt lieues de longueur fur cinq à fix de large.

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de Kiang-fi.

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ARTICLE II L

Province de Kiang-fi.

CETTE
TTE province eft bornée au nord par la province de
Kiang-nan, au couchant par celle de Hou-quang, au midi
par celle de Quang-tong, & au levant par celles de Fo-kien
& de Tche-kiang. Cette contrée eft extrêmement fertile;
mais elle eft fi peuplée, qu'elle peut à peine fournir aux
befoins de fes habitans; aufsi passent-ils pour être fort éco-
nomes, ce qui leur attire des railleries & des farcasmes
de la part des Chinois des autres provinces; du reste ils
ont l'efprit vif & folide, & le talent de parvenir rapidement
aux dignités de l'État.

Les montagnes de cette province font couvertes de fimples, & recelent un grand nombre de mines d'or, d'argent,

de plomb, de fer & d'étain; le riz qu'elle produit est trèsdélicat, on en charge chaque année plufieurs barques pour la Cour. Sa porcelaine est une des plus fines & des plus eftimées de l'Empire. Cette province contient treize villes du premier ordre, & foixante-dix-huit du fecond & du troifieme.

La capitale est Nan-tchang-fou; cette ville n'a d'autre commerce que celui de la porcelaine qui fe fabrique dans le voisinage d'lao-tcheou. Elle est la résidence d'un ViceRoi, & comprend sous sa jurisdiction huit villes, dont fept font du troifieme ordre & une feule du fecond; fes campagnes font tellement cultivées, qu'à peine laiffe-t-on de quoi paître aux troupeaux.

Iao-tcheou-fou est située sur le bord septentrional de la riviere Po, qui fe jette à peu de distance dans le lac Poyang; elle commande à fept autres villes du troifieme ordre. Cette ville eft particuliérement célebre par la belle porcelaine qui fe fabrique dans une bourgade de fon district, appelée King-te-tching. Ce bourg, où fe trouvent réunis les plus habiles Ouvriers en porcelaine, eft auffi peuplé que les plus grandes villes de la Chine; on y compte un million d'habitans, & il s'y confomme chaque jour plus de dix mille charges de riz. Il occupe une lieue & demie de terrein le long des bords d'une belle riviere ; ce n'est point un assemblage de maisons éparses, entremêlées de terreins vagues: on se plaint au contraire au contraire que les maisons y foient trop ferrées les unes contre les autres, & que les longues rues qu'elles forment foient trop étroites. En les traversant, on s'imagine être transporté au milieu d'une foire, & l'on n'entend de tous côtés que les cris des porte-faix qui se

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de Kiang-fi.

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de Kiang-fi.

font faire passage. Les denrées y font d'autant plus cheres, qu'il faut faire venir d'ailleurs tout ce qui s'y confomme, & même jusqu'au bois, néceffaire pour entretenir le feu des fourneaux, qu'on eft obligé de tirer actuellement de près de cent lieues. Ce bourg, malgré la cherté des vivres, est l'asile d'une infinité de familles pauvres qui ne trouveroient point à subsister ailleurs; les enfans & les personnes les plus foibles y obtiennent de l'occupation; les aveugles mêmes y gagnent leur vie à broyer des couleurs. La riviere forme en cet endroit une espece de port qui a près d'une lieue de circonférence; deux ou trois rangs de barques, placées à la file les unes des autres, bordent quelquefois toute l'étendue de ce vafte baffin.

King-te-tching contient environ cinq cents fourneaux à porcelaine, tous en activité. Lorsqu'on s'en approche à quelque distance, les tourbillons de flammes & de fumée. qui s'élevent de différens endroits, font connoître de loin l'étendue & la profondeur de ce fameux bourg; à l'entrée de la nuit on croit voir une vafte ville toute en feu. On ne

permet point aux Étrangers d'y coucher, il faut ou qu'ils. paffent la nuit dans les barques qui les ont amenés, ou qu'ils logent chez des amis, lefquels font tenus alors de répondre de leur conduite. Cette police eft jugée néceffaire pour maintenir l'ordre & établir la fûreté dans un lieu dont la richeffe pourroit exciter la cupidité d'une infinité de voleurs.

Koang-fin-fou eft environnée de montagnes, la plupart fort élevées, dont on tire de beau cristal. Sa jurifdiction. s'étend fur fept villes du troifieme ordre.

Nan-kang-fou, Kieou-kiang-fou & Kien tchang-fou n'ont de remarquable que leur fituation : la premiere de ces villes

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