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de quelque homme judicieux, si la chose en vaut la peine; car on perd beaucoup de temps en ces bagatelles.

Les écrits de M. Jurieu sont du dernier emportement; et il ne les faut voir, que quand on y est forcé pour défendre la cause de l'Eglise. Je suis avec toute l'estime possible, etc.

A Germigny, ce 7 octobre 1686.

LETTRE CXXXIV.

DE MILORD PERTH.

Sur son fils qui venoit en France.

DANS ma dernière lettre je vous rendis compte de la situation de nos affaires en ce pays; afin que le récit du malheureux état où nous sommes, par la dureté d'un peuple opiniâtre, pût vous exciter à nous plaindre, et à nous recommander à Dieu dans vos prières. Aujourd'hui je ne vous importunerai que de choses qui me regardent personnellement.

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Peut-être que déjà mon fils s'est jeté à vos pieds pour vous demander votre bénédiction: c'est sur cela que je me donne l'honneur de vous écrire; afin de vous prier de l'honorer de votre protection, de prier Dieu que la grâce qu'il lui a faite de le faire catholique soit augmentée en lui de plus en plus, et qu'il en retire tout l'avantage possible. C'est une grâce dont il est redevable à vos écrits; car il est vraisemblable que si je ne les avois pas vus, it ne seroit pas ce qu'il est. J'avoue que j'abuse avec

trop de liberté des bontés que vous me témoignez : mais j'espère que vous pardonnerez à celui qui regarde comme son plus grand bonheur, de se pouvoir considérer comme votre fils, et dont le respect et la vénération pour vous ne se peut exprimer. Mon frère, milord Melford, vous honore aussi très-parfaitement. Je ne puis m'empêcher de vous dire encore, qu'il y a quelque chose de tout-à-fait singulier dans l'affection et le respect avec lequel je suis, etc.

Je vous demande très-humblement votre bénédiction.

Au château de Drummond, ce 15 octobre 1686.

LETTRE CXXXV.

DU MÊME.

Il rend au prélat de très-grandes actions de grâces, pour l'obligeante réception qu'il a faite à son fils, lui renouvelle tous ses sentimens, et lui marque combien il est difficile de lui procurer des mémoires authentiques sur l'origine et les progrès de l'hérésie en Ecosse.

Si je pouvois vous exprimer ma reconnoissance pour tant de bontés que vous avez témoignées à mon fils, je me hasarderois de l'aller faire moimême, nonobstant tous les périls imaginables auxquels il faudroit m'exposer: car je ne croirois pas en pouvoir trop faire pour vous donner des preuves convaincantes de ma reconnoissance. Mais je vous suis redevable de tant de choses, et je sais si peu comment m'acquitter, que les paroles me manquent

sur ce sujet. Je me dois moi-même à votre charité, qui vous a excité à donner au public un livre de controverse le plus instructif qui ait paru en ce siècle, et dans lequel les vérités divines sont expliquées avec tant de netteté, et les erreurs des ennemis de l'Eglise si bien représentées, selon leur difformité naturelle, avec leurs terribles conséquences, qu'au lieu de s'étonner du grand nombre de conversions que cet excellent traité a produites, je m'étonne qu'il n'en fait pas encore davantage. Je regarde comme pour moi seul le bien que vous avez fait au public par cet ouvrage, et je mets comme à un second rang toutes les autres choses qu'on en peut dire. En cela vous ne pouviez m'avoir en vue plutôt que tous les autres, qui sont assez malheureux que d'être hors du sein de l'Eglise. Mais les obligations particulières que je vous ai depuis ma conversion, me font voir que non-seulement vous pensez à moi, mais que vous prenez de ma personne un soin qui est fort au-dessus de mon peu de mérite. Mais si mon extrême reconnoissance des obligations que je vous ai pouvoit m'en acquitter au moins en partie; et si des prières pour mon généreux bienfaiteur, et des vœux pour lui souhaiter une longue et heureuse vie pouvoient avoir quelque proportion à mes obligations, j'oserois dire que j'ai fait sur ce sujet tout ce que je suis capable de faire.

Il étoit de mon devoir de commander à mon fils d'aller se jeter à vos pieds, pour vous témoigner mon extrême reconnoissance de la plus grande obligation qu'on puisse avoir, et qui lui est commune et à toute ma famille, qui est devenue présentement

toute catholique, ou qui est prête à le devenir, fort peu ayant résisté à la vocation de Dieu qui a paru si clairement en ma conversion, et pour vous prier d'avoir pitié de ces tendres plantes qui se trouvent dans une terre si ingrate.

Je prétendois bien qu'il vous demandât vos prières et votre bénédiction pour lui et pour nous : mais je ne prétendois pas vous demander autre chose, sinon la bénédiction qu'il vous demandoit, et que vous jetassiez les yeux sur le fils de celui qui se fait un grand honneur d'être le vôtre, et qui s'estime trèsheureux, et ressent tous les jours une nouvelle joie d'avoir connu votre mérite par vos écrits, qui mẹ paroissent tels que s'ils avoient été dictés du ciel par

un ange.

J'ai de la confusion que vous ayez pris tant de peine à l'occasion de mon fils, ou qu'il ait paru devant vous autrement que pour vous demander votre bénédiction. Un enfant élevé au collége, à la campagne et en Ecosse, ne méritoit pas que vous luj témoignassiez tant de considération mais votre bonté vous a fait passer par-dessus toutes les raisons qui le rendoient indigne de tant de faveurs, et de tant de marques de bonté. Il est fils d'un homme qui vous honore parfaitement; il est catholique par votre moyen, aussi bien que le reste de ma famille; il est étranger au pays où il est ce sont les raisons qui lui ont attiré les marques de votre amitié, La récompense des actions dont la charité est le principe, doit venir du ciel, de même que la charité qui les produit. Ainsi tout ce que nous pouvons faire pour y répondre est de tourner les yeux vers

le ciel, afin d'obtenir qu'elle vous soit accordée. J'ai commencé à chercher quelques mémoires sur ce qui concerne l'origine et le progrès de l'hérésie en ce royaume, pour vous les envoyer. Mais les Protestans ont pris de grandes précautions, pour empêcher que la postérité ne pût être informée des ressorts secrets qui ont fait mouvoir la maudite machine, par laquelle la religion a été renversée dans ce pays, qui étoit autrefois appelé le pays des saints; et par laquelle ce royaume, autrefois si heureux est devenu le théâtre de tant d'horribles tragédies, et une maison pleine de fous, où chacun prétend être seul inspiré pour l'instruction des autres, où personne ne veut entendre ni la raison ni la vérité; mais où l'on a seulement grand soin de nous tenir dans l'ignorance des moyens qu'on a mis en usage pour perdre la postérité. Ainsi, à l'exception de Spotsuood, archevêque de Saint-André, qui, nonobstant sa dignité de primat, a écrit comme un prédicateur fanatique qui ne mérite aucune créance, nous n'avons aucune bonne histoire de ces affaires. Plusieurs personnes néanmoins m'ont promis des mémoires sur ce sujet ; et si je puis avoir des informations authentiques, je ne manquerai pas de vous les envoyer par celui qui me sert d'interprète. Je vous écrirois plus souvent, si je ne craignois de vous être importun ainsi je ne vous le serai pas davantage, si ce n'est pour vous demander votre bénédiction paternelle; et pour cela je me jette à vos pieds, comme étant, etc.

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Edimbourg, ce 30 novembre 1686.

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