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La molle volupté, fur un lit de gazons,

Satisfaite & tranquille, écoute leurs chansons :
On voit à les côtés le myftere en filence,

Le fourire enchanteur, les foins, la complaifance,
Les plaifirs amoureux & les tendres defirs,
Plus doux, plus féduifans encor que les plaisirs.

De ce Temple fameux telle est l'aimable entrée;
Mais lorsqu'en avançant fous la voûte facrée,
On porte au Sanctuaire un pas audacieux,
Quel fpectacle funefte épouvante les yeux?
Ce n'eft plus des plaifirs la troupe aimable & tendre;
Leurs concerts amoureux ne s'y font plus entendre:
Les plaintes, les dégoûts, l'imprudence, la peur,
Font de ce beau féjour, un féjour plein d'horreu
La fombre jaloufie, au teint pâle & livide,
Suit d'un pied chancelant le foupçon qui la guide :
La haine & le courroux répandant leur venin,
Marche devant fes pas, un poignard à la main :
La malice les voit, & d'un fouris perfide,
Applaudit en paffant à leur troupe homicide:
Le repentir les fuit, déteftant leurs fureurs,
Et baiffe, en foupirant, fes yeux baignés de pleurs.

Tous ces perfonnages allégoriques font extrêmement ingénieux, pleins de moralité, & forment chacun en particulier des images frappantes, indépendamment du grand tableau.

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Boileau dans fa fixieme Epître décrit agréablement la campagne où il vivoit.

Oui, LAMOIGNON, je fuis les plaifirs de la Ville,
Et contr'eux la campagne eft mon unique azile :
Du lieu qui m'y retient veux-tu voir le tableau?
C'est un petit Village, ou plutôt un Hameau,
Bâti fur le penchant d'un long rang de collines,
Où l'œil s'égare au loin dans les plaines voisines.
La Seine aux pieds des monts que fon flot vient
laver,

Voit du fein de fes eaux vingt Ifles s'élever,

Qui, partageant fon cours en diverfes manieres,
D'une riviere feule y forment vingt rivieres:
Tous les bords font couverts de Saules non plantés;
Et de Noyers fouvent du paffant infultés.

Le Village au-deffus forme un amphithéâtre e
L'habitant ne connoît ni la chaux, ni le plâtre;
• Et dans le roc qui cede & fe coupe aifément,
Chacun fait de fa main creufer fon logement.
La maifon du Seigneur, feule un peu plus ornée
Se préfente au-dehors de murs environnée;

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Le foleil en naiffant la regarde d'abord,

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Et le mont la défend des outrages du Nord.

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Portes, Grilles, Palais, Prifons,
Boutiques bien ou mal pourvues.

Force gens noirs, blancs, roux, grifons,
Des prudes, des filles perdues,

Des meurtres, des trahisons ;

Des gens de plume aux mains crochues.

Maint poudré qui n'a point d'argent,
Maint homme qui craint le Sergent;
Maint fanfaron qui toujours tremble.

Pages, Laquais, Voleurs de nuit ;
Caroffes, Chevaux, & grand bruit:
Voilà Paris. Que vous en semble?

La Chartreufe de M. Greffet est un exemple excellent de Topographie.

L'art de peindre avec les couleurs de l'éloquence, eft le plus beau & le plus difficile de tous les arts;c'eft encore un coup celui qui diftingue le vrai génie du talent médiocre. Timante, Peintre célebre fit un tableau du facrifice d'Iphigénie, dans lequel ayant peint l'affliction fur le vifage de Calchas, ayant repréfenté Ulyffe plus trifte. ayant épuifé fon art pour exprimer la douleur de Menelas, il prit le parti de voiler le vifage d'Agamemnon, laiffant le fpectateur juger de l'excès de la paffion d'un Pere. C'eft ainfi qu'Homere

après avoir fait un portrait admirable d'Agamemnon, peint Achille d'un seul trait; mais Achille eft le rempart des Grecs. Par cet artifice heureux, le portrait d'Achille s'embellit de toutes les couleurs qui ont élevé Agamemnon au-deffus de tous les hommes.

La Description parle à l'imagination fon véritable langage, mais elle ne doit point la flatter aux dépens du jugement & du goût. Il faut éviter avec foin l'excès des ornemens; il faut choilir les traits qu'on emploie, il faut les affortir au fujet; il faut tout peindre, fans montrer le deffein de peindre. Quand on dit qu'il faut tout peindre, cela se borne toujours à ce qui mérite d'être peint.

Il n'eft point de ferpent, ni de monftre odieux,
Qui par l'art imité ne puiffe plaire aux yeux ;
il y a des objets dégoutans qui ne peuvent
jamais leur plaire, & des objets fi petits,
fi frivoles, qu'ils ne méritent point d'at-
tirer les regards; il ne faut jamais perdre
de vue ces préceptes de Boileau,

Soyez riche & pompeux dans vos defcriptions ::
C'eft-là qu'il faut des vers étaler l'élégance:
N'y préfentez jamais de baffe circonftance.

N'imítez pas ce fou * qui, décrivant les Mers;
Et peignant au milieu de ses flots entr'ouverts,
L'Hébreu fauvé du joug de fes injuftes maîtres,
Met, pour les voir paffer, les poissons aux fenètres ;
'Peint le petit enfant qui va, faute, revient,
Et joyeux, à sa mere offre un cailloux qu'il tient :
Sur de trop vains objets c'eft arrêter la vue.

On fent que les Tableaux qui peignent le caractere ou les qualités extérieures d'une perfonne, doivent les produire fous des couleurs propres & diftinctives. Le plus grand défaut feroit de ne rien peindre en voulant tout peindre.

De la Dubitation.

La Dubitation est une figure par laquelle l'Orateur feint d'être incertain de ce qu'il doit dire, ou de ce qu'il doit faire.

EXEMPLES.

Dans un Sermon du Pere Bourdaloue, fur la Nativité,

« J'annonce un Sauveur humble & pau» vre, mais je l'annonce aux grands du

Saint Amand.“

» monde

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