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LE SIECLE PASTORAL.

IDYLLE.

PRÉCIEUX jours dont fut ornée

La jeunesse de l'univers,

Par quelle triste destinée

N'êtes-vous plus que dans nos vers?

Votre douceur charmante et pure
Cause nos regrets superflus,

Telle qu'une tendre peinture
D'un aimable objet qui n'est plus.

La terre, aussi riche que.belle,
Unissoit, dans ces heureux temps,
Les fruits d'une automne éternelle
Aux fleurs d'un éternel printemps.

Tout l'univers étoit champêtre,
Tous les hommes étoient bergers;
Les noms de sujet et de maître
Leur étoient encore étrangers.

Sous cette juste indépendance,
Compagne de l'égalité,

Tous dans une même abondance
Goûtoient même tranquillité.

Leurs toits étoient d'épais feuillages,
L'ombre des saules leurs lambris;
Les temples étoient des bocages,
Les autels des gazons fleuris.

Les dieux descendoient sur la terre, Que ne souilloient aucuns forfaits, Dieux moins connus par le tonnerre Que par d'équitables bienfaits.

Vous n'étiez point dans ces années,
Vices, crimes tumultueux;
Les passions n'étoient point nées,
Les plaisirs étoient vertueux.

Sophismes, erreurs, imposture,
Rien n'avoit pris votre poison;
Aux lumieres de la nature
Les bergers bornoient leur raison.

Sur leur république champêtre Régnoit l'ordre, image des cieux. L'homme étoit ce qu'il devoit être; On pensoit moins, on vivoit mieux.

Ils n'avoient point d'aréopages
Ni de Capitoles fameux;

Mais n'étoient-ils point les vrais sages,
Puisqu'ils étoient les vrais heureux?

Ils ignoroient les arts pénibles,
Et les travaux nés du besoin;
Des arts enjoués et paisibles
La culture fit tout leur soin.

La tendre et touchante harmonie
A leurs jeux doit ses premiers airs;
A leur noble et libre génie
Apollon doit ses premiers vers.

On ignoroit dans leurs retraites
Les noirs chagrins, les vains désirs,
Les espérances inquietes,

Les longs remords des courts plaisirs.

L'Intérêt au sein de la terre
N'avoit point ravi les métaux,
Ni soufflé le feu de la guerre,
Ni fait des chemins sur les eaux.

Les pasteurs, dans leur héritage
Coulant leurs jours jusqu'au tombeau,
Ne connoissoient que le rivage
Qui les avoit vus au berceau.

Tous dans d'innocentes délices, Unis par des nœuds pleins d'attraits, Passoient leur jeunesse sans vices, Et leur vieillesse sans regrets.

La mort, qui pour nous a des ailes,
Arrivoit lentement pour eux;
Jamais des causes criminelles
Ne hâtoient ses coups douloureux.

Chaque jour voyoit une fête ;
Les combats étoient des concerts;
Une amante étoit la conquête;
L'Amour jugeoit du prix des airs.

Ce dieu berger, alors modeste,
Ne lançoit que des traits dorés;
Du bandeau, qui le rend funeste,
Ses yeux n'étoient point entourés.

Les Crimes, les pâles Alarmes,
Ne marchoient point devant ses pas;
Il n'étoit point suivi des larmes,
Ni du dégoût, ni du trépas.

La bergere, aimable et fidelle,
Ne se piquoit point de savoir;
Elle ne savoit qu'être belle,
Et suivre la loi du devoir.

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