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QUELQUES CORRECTIONS ET ADDITIONS

A LA

BIOGRAPHIE TOULOUSAINE

(B. SAISSET, J. CORSIER, E. AUFRÈRE, J. BARICAVE et S. de LALOUBÈRE)

PAR M. EDMOND CABIÉ1,

Correspondant.

On doit regretter que l'histoire des hommes célèbres de la Haute-Garonne n'ait pas été l'objet d'un ouvrage spécial et composé surtout comme l'exigerait l'état actuel de la science. Bien qu'elle ait rendu jusqu'ici des services incontestables, la Biographie toulousaine, qui remonte à 1823, est trop souvent inexacte et présente de trop nombreuses lacunes pour répondre à la confiance des simples curieux et aux besoins des érudits. Elle a au surplus pour ces derniers un défaut capital en ne citant presque jamais les sources où elle puise ses données, elle les force à refaire eux-mêmes le travail de l'auteur, et loin d'abréger les recherches, oblige trop souvent à perdre un temps précieux dans des vérifications aussi laborieuses qu'indispensables.

Nous voulons espérer que notre département possèdera quelque jour un dictionnaire biographique meilleur, et qui ne sera pas sujet à ces inconvénients; seulement, ce résultat ne pouvant être obtenu que par un travail de longue haleine et hérissé de difficultés, il est bon, croyons-nous, de ne pas

1. Lu dans la séance du 11 juillet 1887.

laisser perdre même les moindres observations, susceptibles de rendre plus facile ou de hâter l'achèvement de l'œuvre. C'est là ce qui nous engage à soumettre à l'Académie et à signaler de cette manière aux futurs biographes du Toulousain quelques petites notes, qui nous semblent de nature à rectifier ou à compléter ce que l'on a su jusqu'à ce jour sur le pays d'origine de quelques-uns de nos grands hommes. Ces renseignements, hâtons-nous de le dire, ne paraîtront pas peut-être fournir des solutions toujours décisives; cependant, et quoi qu'il en coûte d'être obligé de s'en tenir à des conclusions incomplètes, c'est en somme faire progresser les études que de substituer à des assertions sans fondement connu, et comme lancées au hasard, d'autres notions encore un peu conjecturales, il est vrai, mais appuyées sur un ensemble respectable de probabilités.

Nos notes vont porter successivement sur cinq personnages qui, sans mériter sans doute d'occuper les plus hauts rangs, sont très dignes néanmoins de prendre place dans notre Panthéon local. En suivant l'ordre des dates, le premier est un prélat qui joua un rôle politique important, l'évêque Bernard Saisset; deux autres sont des jurisconsultes, Corsier et Aufrère; le quatrième est un auteur religieux, Jean Baricave; et enfin, le plus récent, fut à la fois diplomate et homme de lettres, Simon de Laloubère.

BERNARD SAISSET.

Cet homme célèbre appartient, comme l'on sait, à la fin du treizième siècle et au commencement du quatorzième. Il fut le premier évêque de Pamiers et l'un des plus fougueux adversaires du roi de France dans cette grande lutte de Philippe le Bel et de Boniface VIII, dont M. Baudouin éclairait naguère quelques-unes des répercussions dans notre Midi1.

1. Mem. de l'Acad. des sciences de Toulouse, 1887. Lettres de Philippe le Bel, introduction.

Les auteurs qui ont fait de cet évêque un Espagnol paraissent avoir été trompés par une confusion de noms. Un ancien historien du pays indiquant, pour premier évêque de Pamiers, «Estienne Aragonois », on a eu raison de corriger la première de ces désignations, qui ne correspond en effet à aucun des prélats qui occupèrent ce siège; mais on a eu tort, à notre avis, de ne pas renoncer en même temps à utiliser le second terme de cette indication. Au reste, quelle que soit sa source, on va voir que cette opinion, bien qu'adoptée encore de nos jours par MM. Ourgaud et de Rozière 2, est complètement erronée.

D'autres auteurs se sont un peu plus rapprochés de la vérité en donnant pour patrie à notre prélat le pays toulousain, et en particulier le lieu de Saint-Agne, près de Toulouse. C'est Percin, croyons-nous, qui, en signalant le tombeau du damoiseau Bernard Saisset 3, a proposé le premier cette solution, et c'est en puisant dans son ouvrage que les Bénédictins l'ont fait passer dans le Gallia christiana, et que Dumège l'a introduite dans ses additions à l'Histoire de Languedoc 5. A défaut de documents directs, ces auteurs semblent avoir été guidés ici par l'identité du nom de SaintAgne (Sanctus Anianus, dans les pouillés du diocèse) avec le nom de la seigneurie des Saisset (dominus Sancti Aniani, castrum ou villa de Sancto Anhano, de Sancto Aniano), seigneurie qu'il était rationnel de considérer dès lors comme le lieu d'origine du personnage. Mais pour être certains que leur raisonnement était fondé et ne reposait pas sur une homonymie toute fortuite, ils auraient dû montrer que la

1. Olhagaray, Hist. des comtes de Foix, pp. 203 et 230. Voyez aussi Catel, Mém. de l'Hist. du Lang., 1023, et Mém. de l'Acad. des sciences de Toul., 1873, p. 69.

2. Le premier dans sa Notice hist. sur Pamiers, p. 125, et le second dans la Bibl. de l'École des chartes, ann. 1871, p. 11.

3. Monum. convent. tolos. ff. Predic., opuscule sur le cimetière,

p. 261.

4. Vol. XIII, c. 158.

5. Vol. IV, addit.,
p. 12.

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Dans l'Hist. littér, de la France, XXVI, p. 541, Hauréau défigure le nom de Saint-Agne dont il fait Saint

Ange.

8e SÉRIE.

TOME IX.

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1

famille Saisset avait eu, au moins à la même époque, quelques relations incontestables avec la patrie locale qu'ils lui attribuaient. Or, tandis que cette condition essentielle ne se manifeste en aucune façon à l'égard de Saint-Agne, près de Toulouse, elle se réalise pleinement au contraire pour un autre Sanctus Anianus ou Saint-Agnan, situé dans notre région, et ce résultat doit suffire pour nous démontrer que c'est bien dans cette dernière localité qu'il faut placer le berceau de notre évêque.

Lorsque l'on suit les listes des gentilshommes fournies par les anciennes chartes languedociennes, il est facile de constater que les Saisset (Sexatus, Saissetus, Saxetus, et en roman Saissetz, etc.) ont formé depuis la fin du onzième siècle une famille noble, fixée dans la partie orientale du diocèse primitif de Toulouse. Dès le commencement du treizième siècle et sans doute bien avant cette époque, elle possédait le château ou village de Saint-Agnan, qui, après être passé dans le diocèse de Lavaur, est aujourd'hui compris dans le canton de cette ville, et tout porte à croire que c'est là qu'elle faisait habituellement sa résidence. Par un acte d'octobre 1203, Guillaume Saisset fit à sa femme Mathilde, fille de Raimond de Ricaud, une donation à cause de noces

1. En janv. 1088, v. st. Guill. Saisset est témoin de la donation de l'église de Saint-Genest, située aux environs de la ville de Lavaur (Catel, Mém. 868), et un autre Saisset du même prénom figure parmi les délégués de cette ville, qui s'accordèrent en 1202 avec les consuls de Toulouse (Cartul, du Capitole). En 1221, le comte Raimond donna à Guill. Saisset, de Lavaur, le château de Belcastel, situé dans le canton de Lavaur et, comme nous le verrons, dans le voisinage d'autres domaines de ce seigneur (Hist. de Lang., éd. Privat, VIII, c. 747); celui-ci, du reste, possédait certaines maisons à Lavaur, joignant le cimetière de Saint-Alain; mais elles étaient déjà passées en d'autres mains en 1248 (Arch. de Tarn-et Gar., Saume de l'Isle, f. 496). Enfin, le Saisimentum, pp. 7 et 17, cite un Guill. Saisset, damoiseau, et différent sans nul doute du précédent, parmi les nobles du bailliage de Lavaur, en 1271.

C'est, pensons-nous, à une autre branche qu'il faut rattacher les Saisset que l'on trouve du onzième au treizième siècle vers Graulhet ou sur d'autres points de l'Albigeois, et parmi lesquels on remarque P. Saisset, qui fut alors prévôt de Saint-Salvi.

de 3,500 sous, qu'il lui assura sur le château de SaintAgnan. Plus tard, le même Guillaume Saisset ayant reçu du comte de Toulouse le château voisin appelé Belcastel, transporta sur ce château l'hypothèque qu'il avait d'abord établie sur Saint-Agnan. Toutefois sur ce dernier domaine, ainsi dégagé, il fit une nouvelle assignation de 2,500 écus, à raison de la dot de Genser ou Gentille, que venait d'épouser son fils Raimond Saisset. Guillaume Saisset était mort en 1242, tandis que sa femme Mathilde vivait encore en cette année et en 1245. Sous la première de ces dates on voit que Raimond, pour garantir à sa mère Mathilde le montant de sa dot (ou plutôt de son douaire), renouvela l'hypothèque qui lui avait été déjà consentie sur Belcastel1. C'est ce dernier seigneur qui fut le père de notre évèque, puisque nous savons, par un acte de 1280 ou environ, que le prélat était fils du chevalier Raimond Saisset, seigneur de Saint-Agnan 2.

Ainsi ces quelques documents, dont la localisation ne saurait laisser place à aucun doute lorsque l'on suit le détail des textes, nous indiquent d'une manière évidente le lieu d'origine du célèbre prélat 3. Mais, comme il est aisé de le constater, ils offrent encore l'avantage de nous faire connaître avec non moins de sûreté la généalogie de ses ascendants.

Le grand-père de notre évêque, Guillaume Saisset; avait épousé Mathilde Ricaud, et son père Raimond était marié

1. Layettes du trés. des chartes, I, 245, 327, 515; II, 227, 470, 571. Les actes analysés sous ces renvois nous sont connus au surplus par des extraits que nous en avons pris sur les originaux conservés aux Archives nationales.

2. Hist. de Lang., édit. Privat, V, c. 1624.

3. Les indications de l'une des notes précédentes pourraient faire admettre que Guill. Saisset habitait tantôt le lieu de Lavaur, tantôt les châteaux de Saint-Agnan et de Belcastel, conformément à des usages que les familles nobles conservent encore de nos jours. Toutefois, deux listes des habitants de Lavaur, de 1222 et 1285, ne citant aucun Saisset, et le château de Saint-Agnan étant le seul domaine de Raimond cité par nos documents, c'est dans ce dernier château de préférence que nous devons fixer le domicile de ce seigneur et par suite le lieu de naissance de son fils, le futur évêque de Pamiers.

4. La donation ou restitution de Belcastel nous fait même remonter

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