gnan, celle de Rhadamifte & de Zengbie fe font auffi par des gradations habilement ménagées, fur-tout la premiere, car celle de Rhadamiste & de Zenobie, comme celle de Mérope & d'Egyfthe, tiennent plus du coup de Théâtre que de la Gradation.

Voyez avec quels ménagemens graduels & habilement filés, Phédre avoue fa paffion à Enone & enfuite à Hippolyte lui-même. Voyez auffi l'exemple de la Gradation la plus fine & la plus heureufe dans la Scène du dédit du Flateur de Rouffeau, Scène qui ne dépareroit pas les chef-d'œuvres de Moliere; voyez auffi dans Moliere même les Scènes où Scapin emprunte de l'argent d'Argante & de Géronte.

Voilà la Gradation confidérée en grand: dans les premiers exemples nous l'avons confidérée en petit, c'eft-à-dire, dans des détails & des morceaux très-courts.

Dans l'ufage oratoire cette figure peut être employée utilement lorfqu'on veut amener avec art une propofition hardie, qui fans ces ménagemens, auroit un air de Paradoxe rebutant & infoutenable.

De l'Imprécation.

Le nom de cette figure contient fa définition. En voici des Exemples.

Calypfo, à l'exemple de Didon dans Virgile, vomit de violentes imprécations contre Télémaque.

» Je conjure les Puiffances célestes de me venger. Puiffe-tu, au milieu des » Mers, fufpendu aux pointes d'un ro» cher, & frappé de la foudre, invoquer ≫ en vain Calypfo que ton fupplice com» blera de joie !

Philoctete, dans Télémaque.

OUlyffe, auteur de mes maux, que les Dieux puiffent te....... mais les → Dieux ne m'écoutent point, au con» traire, ils excitent mon ennemi. O terre de ma patrie que je ne reverrai jamais! O!Dieux, s'il en refte encore » quelqu'un d'affez jufte pour avoir pi>> tié de moi ; puniffez, puniffez Ulyffe, alors je me croirai guéri.

Azarias, dans la Tragédie d'Athalie.
Si quelque tranfgreffeur enfreint cette promeffe,
Qu'il éprouve, grand Dieu, ta fureur vengereffe;
Qu'avec lui fes enfans, de ton partage exclus,
Soient au rang de ces morts que tu ne connois plus.

Les fureurs & les imprécations de Ca mille dans l'Horace de Corneille, font célebres en ce genre.

Rome, l'unique objet de mon reffentiment?
Rome, à qui vient ton bras d'immoler mon amant
Rome, qui t'a vu naître, & que ton cœur adore!
Rome enfin, que je hais parce qu'elle t'honore!
Puiffent tous les voifins ensemble conjurés,
Sapper fes fondemens encor mal affurés ;
Et, fi ce n'eft affez de toute l'Italie, -
Que l'Orient contr'elle à l'Occident s'allie:
Que cent Peuples unis des bouts de l'Univers,
Paffent pour la détruire & les monts & les mers:
Qu'elle-même fur foi renverfe fes murailles,
Et de fes propres mains déchire ses entrailles?
Que le courroux du Ciel allumé par mes vœux,
Fafle pleuvoir fur elle un déluge de feux:
Puiffé-je de mes yeux y voir tomber la foudre !
Voir les maisons en cendre & tes lauriers en poudre !
Voir le dernier Romain à fon dernier foupir;
Moi feule en être caufe, & mourir de plaifir !

Imprécations de Palmyre contre Mahomet;
Monftre dont les fureurs & les complo:s perfides
De deux cœurs innocens ont fait deux parricides,
De ma foible jeuneffe infâme féducteur,
Tout fouillé de mon fang tu prétens à mon cœur !
Mais tu n'as pas encore affuré ta conquête ;

Le voile eft déchiré, la vengeance s'apprête.
Entens-tu ces clameurs? Entens-tu ces éclats?
Mon Pere te poursuit des ombres du trépas.
Le Peuple fe fouleve & s'arme en ma défense,
Leurs bras vont à ta rage arracher l'innocence,
Puiffé-je de mes mains te déchirer le flanc,
Voir mourir tous les tiens, & nager dans leur fang!
Puiffent la Meque enfemble, & Medine & l'Afie
Punir tant de fureur & tant d'hypocrifie !
Que le monde, par toi féduit & ravagé,
Rougiffe de fes fers, les brife & foit vengé!
Que ta Religion, que fonda l'impofture,
Soit l'éternel mépris de la race future!

Que l'Enfer dont tes cris menaçoient tant de fois
Quiconque ofoit douter de tes indignes Loix,
Que l'Enfer, que ces lieux de douleur & de rage
Pour toi feul préparé, soit ton juste partage!
Voilà les fentimens qu'on doit à tes bienfaits,
L'hommage, les fermens, & les vœux que je fais.

Edipe fait, au premier A&te contre le meurtrier de Laïus, des imprécations d'autant plus terribles qu'elles doivent retomber fur la tête au cinquieme.

Puniffez l'affaffin, Dieu! qui le connoiffez; Soleil, cache à fes yeux le jour qui nous éclaire; Qu'en horreur à fes fils, execrable à fa Mere, Errant, abandonné, profcrit dans l'Univers,

Il raffemble fur lui tous les maux des enfers!
Et que fon corps fanglant privé de fépulture,
Des Vautours dévorans devienne la pâture!

Brutus fait auffi des imprécations qui lui deviennent funeftes en tombant fur fes fils.

Si dans le fein de Rome il fe trouvoit un traître
Qui regrettât les Rois & qui voulût un Maître,
Que le perfide meurt au milieu des tourmens,
Que fa cendre coupable, abandonnée aux vents,
Ne laiffe ici qu'un nom, plus odieux encore,
Que le nom des Tyrans que Rome entiere abhorre.
7 Les Pleaumes fourniffent une multi-
tude d'exemples de cette figure.

De l'Interrogation.

L'Interrogation eft une figure par la quelle nous faifons diverfes queftions à notre adverfaire, ou à celui que nous voulons perfuader, moins pour nous informer de ce qui fait l'objet de ces queftions, que pour le preffer, le convaincre, ou le confondre.

M. Gibert confeille à l'Orateur du Barreau d'engager fes Juges à interrompre la plaidoyerie de fon adverfaire par ces fortes d'interrogations, afin qu'il ne