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de Sakara un bout de rofeau ordinaire, qui contenoit un poinçon de l'efpece dont j'ai parlé, & une once ou davantage de la poudre dont on fe fert encore aujourd'hui pour cet usage.

bran

Com

La fabrique des tapis forme une autre branche du com- Tapis. merce & des manufactures de ce païs, mais ils ne font pas fi beaux, ni de la même bonté que ceux de Turquie: en échange ils font plus doux & à meilleur marché, & on les prefère ici pour coucher deffus. On a à Tunis & à Alger des Etoffes métiers pour faire du velours, du taffetas & d'autres étoffes de Soye. de foye. On fait auffi dans tout le païs de la toile groffiere; Toile. la plus fine vient de Sufa. La plus grande partie des manufactures dont je viens de parler fe confument dans le païs, & l'on eft même fouvent obligé de faire venir des étoffes de foye & de la toile de l'Europe & du Levant, parce que le peu qui s'en fabrique ici ne fçauroit fuffire aux befoins des habitans. Il est encore à remarquer, que ces parties de la Bar. Autres barie envoyent généralement fort peu de leurs productions ches du dans les païs étrangers. Leurs principales denrées font de l'huile, des peaux, de la cire, des légumes & du bled: mais les premières efpeces s'y trouvent en fi petite quantité, que l'on peut compter que le bled eft la principale & pref que la feule marchandife que l'on envoye hors du païs Avant la prife d'Oran j'ai vû que nos Marchands en tiroient des différens ports de ces Royaumes jufqu'à fept ou huit mille tonneaux par an. Il fe fait une fi grande confomption d'huile dans ce païs, particulierement dans le Royaume d'Alger, qu'il eft rarement permis d'en vendre aux Chrétiens pour la transporter ailleurs; & quoique l'huile foit plus abondante aux environs de Tunis & de Sufa, il n'y a que les Marchands Maures qui ont la permiffion d'en acheter: encore font-ils obligés de s'engager à ne l'envoyer qu'à Alexandrie, à Damiette, ou dans quelque autre port apartenant aux Mufulmans.

Les denrées de toutes fortes font à grand marché dans ce païs. On ne paye, par exemple, d'un grand pain, d'une bot. te de navets & d'un petit panier de fruits, que la fix- cens & nonante-fixième partie d'un Dollar, monnoye qui vaut

merce

Les denrées y

font à

bon

trois

marché.

trois chelins & fix fols d'Angleterre. La volaille fe vend fouvent un fol & demi la piéce, un mouton trois chelins & demi, & une vache & un veau une guinée. C'est auffi un bonheur pour ces peuples que le bled n'y coûte ordinairement, une année portant l'autre, que quinze à dix-huit fols le boiffeau; car les habitans de ce païs, comme généralement tous les Orientaux, font grands (a) mangeurs de pain, & l'on compte que de quatre perfonnes il y en a trois qui s'en nourcoup de riffent uniquement, ou bien de (b) chofes faites avec de la farine d'orge ou de froment. L'Ecriture fait (c) fouvent mention du pain, comme de la principale & unique nour riture des hommes.

On y mange beau

pain.

Manière dont on le fait.

Dans les villes & dans les villages, où il y a des fours publics, on fait communement lever le pain, mais il n'en eft pas de même chez les Bedouins: dès que leur pâte eft paîtrie, ils en font des gâteaux minces, qu'ils cuifent fur la braife ou dans un (d) Ta-jen. Tels étoient

les

(a) ATHENÉE, Deip. Lib. X. pag. 418. Edit. Dalechamp. Alyurtiss d'Exaταῖος ἀρτοφάγες Φησὶν εἶναι, κυλληςίας biovras. C'est-à-dire: Hecatée dit que les Egyptiens font mangeurs de pain, & qu'ils mangent des cyllefties. POLYBE, Fragm. pag. 1000. Edit. Cafaub. fait aufli mention que MaJanila mangeoit avec beaucoup d'appetit, à l'entrée de fa tente, Unapov ἄρτον,, ou du pain bis, qui, fans doute, étoit la nourriture ordinaire des Numides de ce tems-là.

(b) Le Cufcalowe, qui eft le principal mets de cette efpece, a été trèsbien décrit dans les Tranfactions Philofophiques Num. 254. & dans l'Abregé de LoWTHORP Vol. III. pag. 626. Quand le Cufcaffowe eft en grands morceaux, ils l'appellent Hamza, & ce qu'ils nomment Dweeda eft la même chofe que les Vermicelli des Italiens. Leur Bag-reab ne diffère pas beaucoup de nos omelettes, à cela près, qu'au lieu que chez nous on

fait frire du beurre dans la poële, ils la frottent de favon, ce qui rend le Bag-reah tout percé & plein de trous, & le fait ressembler à un rayon dont on a tiré le miel.

(c) Genese XVIII. 5. F'apporterai un morceau de Pain. XXI. 14. Abraham fe leva de bon matin, & prit du Pain. XXXVIII. 25. Ils s'affirent pour manger du Pain. XLIII. 31. Jofeph dit, mettez le Pain. Exode II. 20. Appellez-le, & qu'il mange du Pain. XVI. 3. Quand nous mangions notre foul de Pain. XXXIV. 28. Moife demeura quarante jours & quarante nuits, fans manger du Pain & Jans boire de l'eau. 1 Samuel XXVIII. 22. Que je mette devant toi une bouchée de Pain. &c.

(d) C'eft un vaiffeau de terre fort plat, qui reflemble à une poêle à frire, & qui fert non feulement à cet ufage, mais encore à plusieurs autres. Tout ce qu'on y fait cuire ou qu'on y frit s'appelle Ta-jen, comme le vaiffeau. Ce mot a, au refte, un

grand

les (a) pains, les (b) bignets & les (c) gâteaux sans levain dont il est parlé dans l'Ecriture, de même que les (d) bignets que Tamar fit pour son frere Amnon, & les (e) gâteaux que fit Sara.

de moudre le

Dans la plupart de familles on moud foi-même le froment & l'orge dont on a besoin: on a pour cet effet deux meules Leur portatives, dont on fait tourner celle de dessus avec un man- manière che de bois ou de fer, placé vers le bord. Lorsque la meule est grande, ou qu'on veut dépêcher, on est à deux pour la bled. tourner plus rapidement. Comme c'est encore aujourd'hui l'ouvrage propre des femmes, & que, pour s'assister, elles se placent ordinairement l'une vis-à-vis de l'autre, de manière qu'elles ont la meule entre elles, cela peut fervir à faire connoître la justesse de l'expression de Moise, lorsqu'il parle de (f) la fervante qui est au moulin; & la force de ce que dit Notre-Seigneur, que (g) deux femmes moudront au moulin, & que l'une fera prise & l'autre laissée. (b) Athenée nous a conservé une expression d'Aristophane, où il est fait mention d'une coûtume que les femmes des Bedouins obfervent encore aujourd'hui, qui eft de chanter pendant tout le tems qu'elles s'occupent à cet ouvrage.

Mets différens.

Les Turcs & les Maures ont, outre le bouilli & le rôti, dont ils sçavent fur-tout apprêter fort délicatement le dernier, tou- Leurs te forte de ragoûts & de fricassées: chez les gens riches on fert aussi un grand nombre de plats remplis d'amandes, de dattes, de confitures, de laitage, de miel, & de mille autres choses semblables, dont il feroit ennuyeux de faire ici l'énu

grand rapport, tant pour le fon que pour la fignification, au (Τήγανον, HeJychius dit τάγηνον) Teganon ou Tagenon des Grecs. ETIENNE, dans fon Thesaurus pag. 1460-1. dit: Τάγηνον appellant τὸ ἐν τηγάνῳ ἐψηθέν. C'està-dire: On appelle Tagenon ce qui eft cuit dans le Teganon. Levitique II. 5. Et fi ton ofrande est de gâteau cuit (les LXX. mettent ἀπὸ τηγάνε) sur la plaque, elle fera de fine farine pétrie dans l'huile fans levain.

(a) Voyez Exode XXIX. 2. Josué V. 11. &c.

Tome I.

:

me

(b) Voyez 1 Chroniques XXIII. 29.
(c) Voyez Juges VI. 19. 20. 21.
(d) Voyez 2 Samuel XIII. 8.
(e) Voyez Genese XVIII. Q.
(f) Voyez Exode XI. 5.
(g) Voyez Matthieu XXIV. 41.

(b) ATHENÉE, Deip. pag. 619.
Edit. Cafaub. Καὶ τῶν πτισσεσῶν ἄλλη τὶς
(fcil. ὠδή) ὡς Αρισοφάνης ἐν Θεσμοφο-
ριαζέσαις. C'est - à - dire: Et une autre
chanson des femmes qui font tour-
ner la meule, ainsi qu'Ariftophane le
dit dans la Comédie des Femmes
qui célèbrent la fête des Thesmophories.
Ccc

:

Leur

de man

ger.

fai

meration. J'ai vû quelquefois fervir dans leurs fêtes plus de deux-cens plats, qui étoient apprêtés du moins de quarante manières différentes. Mais les Bedouins & les Kabyles n'ont ni les uftenfiles ni les commodités néceffaires pour re des repas fi fomptueux: deux ou trois plats de bois, un pot & un chauderon font toute la baterie de cuifine du plus grand Emir. Tous ces gens, depuis le plus pauvre Bedouin manière jufques au plus riche Bacha, ont cependant la même manière de manger. Ils fe lavent premièrement les mains, enfuite ils s'affeyent les jambes croifées autour d'une natte ou d'une table baffe, fur laquelle on pofe les plats. Ils ne mettent point de nappe, mais fe contentent pour tout linge de table d'un grand effuy - main qui est rangé autour de la natte. L'ufage des couteaux & des cuillieres n'est pas fort en vogue parmi eux, leurs viandes étant fi bien bouillies ou rôties qu'il n'est pas nécessaire de les découper. Leur Cufcaffowe, leur Pilloe, & autres mets de cette efpece, que nous mangerions à la cuilliere, ne font que tiédes quand on les fert, ainfi que généralement tous les autres plats; de forte que tous les convives mettent à la fois la main droite dans le plat, & en tirent chacun avec les doigts ce qu'il leur faut pour une bouchée, dont ils font une petite boule dans la paume de la main & l'avalent. Dès que quelqu'un a mangé fuffifamment, il se le& après s'être lavé, s'en va, fans dire mot à la compagnie, & un autre prend fur le champ fa place: de cette façon il arrive souvent que le valet fuccede à fon maître; car ils ne sçavent ce que c'est que d'avoir plufieurs tables. Lorfqu'ils fe mettent à table, & toutes les fois qu'ils mangent ou qu'ils boivent hors de-là, lors même qu'ils fe mettent à leur ouvrage ordinaire, ou qu'ils entreprennent quelque chofe que ce foit, ils ne manquent jamais de prononcer avec beaucoup de refpect & le plus grand férieux du monde le mot de (a) Bismillah, c'est-à-dire Au nom de Dieu, & lorfqu'ils ont fini de manger ou de travailler, ils difent (b) Alhamdillah, ou le Seigneur foit loué! Les Turcs & les Maures fe levent tous de grand matin, & & des re- ne manquent jamais de faire leurs devotions publiques au

Leur Priere avant &

après le repas.

Heures du lever

pas.

ve,

(a) En Arabe lpm Bifmillah.

point

(b) En Arabe &W') Albamdillab.

femens,

point du jour. Enfuite chacun fe met à fon ouvrage, ou vaque à fes occupations ordinaires jufques à dix heures, qui eft communement l'heure du diner. Après cela ils fe remettent à leurs affaires jufqu'à Afa, qui eft le tems des prieres de l'après-midi; alors tout ouvrage ceffe, & on ferme les boutiques. On soupe ordinairement après la priere de Magreb, où du soleil couchant: ils prient encore lorsque le guet commence fa ronde, & fe couchent dès qu'il fait nuit. Plufieurs gens graves, Leurs lorfqu'ils n'ont point d'occupation, paffent la journée à dif. Divertif courir ensemble dans des (a) Haf-effs, au Bazar ou dans des Caffés, tandis que nombre de jeunes gens Turcs & Maures, & bonne partie des Soldats qui ne font pas mariés, font partie avec leurs concubines pour aller à la campagne, où ils les regalent de mufique & de vin, ou bien fe divertissent dans quelque taverne publique; ce qui, à la vérité, eft expreffement défendu par leur religion, mais les conjonctures du tems, & les pallions indomptables des transgreffeurs obligent les Magiftrats de tolerer cet abus.

Arabes.

Les Arabes font de grands fainéans, qui ne s'attachent à au- Vie des cun art ni à aucune profeffion. Ils paffent toute leur vie à ne rien faire ou à fe divertir. Quand les plaifirs de la campagne ne les invitent pas de fortir, ils demeurent tranquillement au logis, où leurs occupations fe reduisent à (b) fumer pi

(a) Les Haf-effs font les boutiques de barbier: c'eft une coûtume très-ancienne d'aller caufer dans ces endroits. THEOPHRASTE, à ce que nous lifons dans PLUTARQUE, Sympof. Lib. V. Q. 5., les appelle Hove oxo, ou des banquets où l'on ne boit point de vin.

petdos folùm, fed ad Hifpanos id defluxit nomen, eò quòd fuffumigiis admifceretur, que Tobacos etiam nuncupare confueverunt ; à Brafilianis Petum, ab aliis Herba facra, à nonnullis Nicotiana dicitur. C'eft-à-dire: La plante que les Mexi cains appellent Pycielt, ou Telt, porte dans l'Ile Espagnole le nom de Tabac; (b) C'eft ce que les Arabes appel- d'où ce nom s eft repandu non feulent (ulas) Sbrob el Doublement parmi les Indiens, mais a été bac, boire ou fumer du Tabac. Les Arabes donnent au Tabac le même nom

دخان) ال (شرب

que nous, conformement à ce que dit HERNANDEZ, Hiftor. Mexic. Lib. V. Cap. 51. Planta quam Mexicenfes Pycielt, feu Yelt vocant, ab Haitinis appellatur Tobacus, à quibus non ad In

adopté par les Espagnols mêmes, par-
ce qu'on s'en fert entre autres pour
faire des fuffumigations, qu'ils ont
coûtume d'appeller auffi Tabac: les
habitans du Brezil le nomment Pe
tum, d'autres Herbe facrée, & quel-
ques-uns Nicotiane.

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