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«la parole, lorsque vous vous écriâtes d'une voix « unanime : que j'allais occasioner la dissolution << du gouvernement en ne me rendant pas à vos « vœux, et que je serais comptable un jour à la pa«trie de ma désobéissance. Je cédai, mais à regret << et contre ma volonté, en déclarant que je défe« rais à vos ordres, afin qu'on n'eût pas à me << reprocher d'être le moteur de quelque grande << catastrophe.

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« Si mes refus, sénateurs, ont été sincères ou non, « c'est par les faits que vous devez répondre. Je lais« serai donc de côté les accusations portées contre moi, d'avoir provoqué votre choix. Dieu, ma «< conscience et vous-mêmes, savez et pouvez dé<«< clarer si jamais je recherchai à cet égard l'hon«< neur de vos suffrages; si, lorsque je vous fus proposé au congrès d'Astros pour faire partie du <«< conseil exécutif, je ne me défendis pas d'être << promu à cette dignité, en me contentant de l'emploi de secrétaire-général que j'ai accepté.

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<< En vain dira-t-on que j'affaiblis l'action du gou«< vernement en m'éloignant des affaires publiques; << vous trouverez au contraire, sénateurs, qu'en << prenant un parti différent, je réveillerais les ani<< mosités existantes entre les deux premiers corps << de l'état, dont l'harmonie est si essentielle à la «< chose publique. Je ne veux être ni directement << ni indirectement la cause d'aucun scandale na« tional. Fidèle à mon système, et aussi empressé << à calmer les discordes qu'à en éloigner la cause, << je renonce aux fonctions de président dont vous

<< m'avez investi. Le plus âgé d'entre nous, comme <«< il est tant de fois arrivé, peut présider; et il est « de votre devoir de conserver un gouvernement que vous avez juré de défendre. Cette tâche vous «< appartient, ainsi qu'à moi de me démettre d'un emploi que la patrie me commande de résigner.

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« A. MAVROCORDATOS.

Contre-signé A. POLYZOITIS.

La voix patriotique de Mavrocordatos finissait à peine d'exprimer ces nobles sentiments, quand le gouvernement reçut l'avis d'un dernier effort tenté par le capitan pacha contre l'Étolie Epictète. Les vivres qu'on lui expédiait de Prévésa ne suffisant pas aux besoins de ses équipages, Khoreb résolut d'établir un camp volant composé de deux mille hommes tirés des garnisons de Lépante, des châteaux des petites Dardanelles et de ses propres vaisseaux, qu'il se proposait de placer au port de Calydon, maintenant appelé Cavouro - Limni (1). Le Réala bey ou vice-amiral devait en avoir le commandement. Il aurait dirigé de ce point des fourrages dans l'intérieur du pays pour enlever des bestiaux, faire des esclaves et saccager les villages qui étaient encore occupés par les Grecs.

Tel était le plan médité par le chef des barbares; mais les Étoliens, depuis l'arrivée de sa flotte dans leurs parages, soupçonnant qu'il pourrait

(1) Cavouro-Limni. Voy. t. III, p. 205 et 209 à 214; t. IV, p. 39 de mon Voyage dans la Grèce.

tenter quelques descentes sur les côtes, s'étaient réunis en nombre suffisant pour s'y opposer. Ainsi ils ne virent pas plus tôt la division ottomane partie de la plage de Patras, aborder à la source de Calydon située au fond de son port, que, se levant à un signal convenu, ils tombèrent sur les premières troupes qui prirent terre. Celles-ci, protégées par l'artillerie des chaloupes qui les avaient apportées, espérèrent un moment de pouvoir se maintenir. Mais, sans s'effrayer de la mitraille, les Grecs, après avoir tué cent cinquante Turcs et pris un nombre considérable de blessés, contraignirent les barbares à se rembarquer, en remportant leur Réala bey blessé, qui expira dès qu'on l'eut reconduit sur son bord.

La fortune étant aussi contraire au capitan pacha, dont les chiourmes étaient rapidement moissonnées par la peste, il songea à rentrer dans l'Archipel, d'où il lui arrivait des nouvelles aussi peu propres à le rassurer que les évènements qui se passaient sous ses yeux. Quoiqu'il fût au courant des divisions funestes qui déchiraient les chefs des Hellènes, et qu'il n'ignorât pas qu'elles seraient long-temps fomentées par Colocotroni, il savait qu'au plus léger signal d'alarme toutes les populations grecques de la Morée se lèveraient pour combattre les Osmanlis. Au premier coup de tambour, quarante mille hommes, abjurant aussitôt leurs discordes, étaient prêts à marcher, et ce nombre, en cas de danger réel, pouvait former une masse de plus de soixante mille

fusils (1), qui, bien que maniés par des paysans, n'en portaient pas pour cela des coups moins homicides. En pareil cas, chacun était prêt à courir aux armes; et les femmes de l'Arcadie, aussi bien que les filles du Taygète, ayant fait preuve de bravoure, le meilleur moyen d'affaiblir les Grecs était de les abandonner à leurs orages politiques.

Cependant on avait éprouvé une espèce de répit à Tripolitza dès que Mavrocordatos eut donné sa démission de la présidence du corps législatif, et les véritables amis de la patrie en avaient profité pour diriger quelques troupes du côté de Modon et de Coron. Constance Zacharie, reprenant le casque et l'épée, s'était portée vers ces places, situées à l'extrémité méridionale de la Chersonèse de Pélops. On savait leurs garnisons tellement affaiblies, qu'elles avaient fait murer une partie des portes, et ce n'était qu'à la pointe de l'épée qu'elles se procuraient les bestiaux nécessaires à leurs besoins.

Elles venaient d'entreprendre une de ces excursions le 12 août au matin, quand elles furent rencontrées par Constance Zacharie, qui leur tua quarante-cinq hommes, et leur fit six prisonniers, en les poursuivant jusque sous le canon de Modon, devant lequel elle dut s'arrêter. Elle plaça ensuite des embuscades autour de cette forteresse et dans les environs de Coron où elle se porta bientôt après. C'était tout ce qu'elle pouvait

(1) M. Leicester-Stanhope porte le nombre des milices en 1824 à près de cent-cinquante milles.

faire; car la bande noire des agioteurs établie à Zante s'était, dès le commencement de l'insurrection, chargée de ravitailler les places maritimes turques, qui auraient, sans cela, capitulé depuis long-temps. Des bâtiments autrichiens et angloioniens, car il n'y avait que ces deux nations qui servissent de pourvoyeurs aux mahométans, faisaient le commerce sacrilége qui prolongeait l'effusion du sang humain. Leurs bénéfices avaient été, suivant les besoins des assiégés, qu'ils laissaient affamer, de 100, 200 et jusqu'à 300 pour cent. Ils n'avaient pas à la vérité tous les profits nets; car, étant payés en lettres-de-change sur le trésor du sultan, ils devaient partager leurs gains usuraires avec les banquiers de Constantinople, qui étaient eux-mêmes obligés à de grands sacrifices pour obtenir le remboursement d'effets que tout le monde n'était pas disposé à négocier.

On écrivait à ce sujet que le banquier de Sa Hautesse avait déja refusé d'accepter plusieurs de ces traites (1), et qu'un esprit de mutinerie, qui ne cessait de se manifester parmi les janissaires, faisait craindre quelque évènement sinistre. La misère publique, la cessation absolue des affaires commerciales, l'altération rapide des monnaies, qui réduisait la piastre turque à cinquante-cinq centimes,

(1) On voit la confirmation de ce fait dans une lettre de M. Leicester-Stanhope, datée du 26 novembre 1823. « J'ai la satisfaction, mon cher Bowring, de vous apprendre que les billets de M. Gréen, qui se montaient à 2,000 livres sterling, n'ont pas été acceptés à Constantinople. Chron. du Lev., t. I. p. 287.

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