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naturellement à rattacher ce jurisconsulte à la famille de ce nom, que nous venons de voir établie alors dans le même pays et engagée précisément dans des carrières libérales analogues. Si ces remarques et ces coïncidences ne peuvent entraîner une certitude absolue, il nous semble pourtant qu'elles sont assez accentuées pour ne tolérer que de bien faibles objections, et nous osons croire que ce ne sera pas avec trop de répugnance que l'on admettra avec nous l'origine carcassonnaise de notre juriste.

ÉTIENNE AUFRERI OU AUFRÈRE.

Il y a plusieurs points à rectifier dans l'article que la Biographie toulousaine a consacré à ce jurisconsulte. Ce que l'on peut tenir pour certain, c'est qu'il naquit vers 1458, qu'il devint official de Pierre de Lion, archevêque de Toulouse, en 1483, qu'il fut reçu conseiller au Parlement entre 1485 et 88, et qu'il mourut en 1512, comme nous l'apprend Guill. Benoît.

Si nous parvenons jamais à compléter les notes déjà assez nombreuses que nous avons recueillies sur Aufreri ou plutôt Aufrère, comme l'appellent des documents de l'époque1, nous essaierons de refaire sa notice biographique avec les développements qu'elle comporte; mais nous avons auparavant à dépouiller quelques-uns de ses ouvrages que nous ne connaissons que par leur titre, et il nous reste aussi à consulter les documents que nos archives doivent certainement posséder au sujet de l'exercice de ses fonctions.

En attendant, nous croyons être à même d'indiquer le pays d'où ce personnage était originaire, et de prévenir l'erreur des biographes qui seraient tentés de le faire naître dans notre ville, en se basant sur ce qu'il a été appelé quel

1. Le Franc-Alleu, par Caseneuve, 2e éd, 301, 313. Voir aussi Annales, de Lafaille, 1, 283.

quefois Tholosanus. Ainsi que le cas se présente pour Coras, pour Del Cun et pour plusieurs autres, cette épithète de Toulousain signifie simplement que c'est à Toulouse que ce personnage avait fixé sa résidence, et que c'est dans cette ville qu'il exerça ses charges et acquit sa célébrité.

S'il avait fait du Toulousain sa patrie adoptive, Aufrère était né en réalité dans une autre région. Nous en recueillons la preuve dans une pièce inédite, qui a été copiée dans les recueils de Doat, à la Bibliothèque nationale '. Par ce document, qui est du 11 mai 1482, l'officialité de Toulouse vidime par l'apposition de son scel l'expédition d'une ancienne charte, tirée des archives de la trésorerie archiepiscopale; vu sa qualité de notaire de la trésorerie, Aufrère assiste à la délivrance de ce vidimus par l'official, et en garantit l'authenticité en y apposant sa signature. C'est dans cette souscription qu'il nous apprend qu'il est natif de la cité de Poitiers, c'est-à-dire sans nul doute de la ville même de ce nom. Voici ses propres paroles : « ...et me Stephano Auffrerii, clerico, civitatis Pictavensis oriundo, in utroque jure baccalario, publica dominorum de capitulo Tholose aucthoritate notario, necnon scriba thesaurarie archiepiscopalis Tholose, qui præfatis vidimationi, lectioni, ...ac omnibus. aliis et singulis premissis interfui, eaque in notam sumpsi et publicavi, a qua hoc presens transsumptum seu vidimus manu alterius, me aliis occupato negotiis, descriptum extraxi, factaque primitus collatione, hic me subscripsi et subsignavi. »

Mais ici se place une objection à laquelle nous devons répondre d'avance. Il se peut en effet que ceux qui examineront la question hésitent à reconnaître le célèbre jurisconsulte dans cette mention de 1482, et qu'ils trouvent difficile de concilier cette charge de notaire avec celles de professeur et de juge dont on le voit honoré peu d'années après. Si l'on y réfléchit bien, on conviendra cependant que cette difficulté ne doit pas arrêter, et que l'identité des deux personnages,

1. Coll. Doat, vol. 81, f. 7.

telle que nous l'adoptons, constitue bien en somme l'hypothèse la meilleure1.

Il n'y aurait rien d'étonnant sans doute qu'il eût existé en même temps à Toulouse deux Aufrère du même prénom; mais ce qui nous paraît dépasser les jeux ordinaires du hasard, c'est que justement ils aient pu être attachés l'un et l'autre et à la fois au tribunal de l'archevêque de Toulouse. Nous sommes à peu près persuadé que, dans ce cas, les actes où ils figurent auraient ajouté, pour les distinguer, quelque autre prénom ou encore quelque épithète tirée, par exemple, de leur relation d'àge. Or, puisqu'il n'en est pas ainsi, ne devient-il pas plus simple et plus logique de n'attribuer ces diverses mentions qu'à un seul personnage? Rien ne s'oppose, en définitive, à ce que notre jurisconsulte, qui ne se recommandait sans doute ni par sa naissance, ni par sa fortune, ait pris d'abord le titre de tabellion, qu'il pouvait du reste porter sans exercer lui-même ou n'utiliser que

1. Peut-être objectera t on aussi que le greffier de l'official est qualifié clericus en 1482, tandis qu'Aufrère fut reçu peu d'années après comme conseiller lai (Inv. somm. des arch. de la HauteGaronne, B. 7); mais notre système ne saurait souffrir de cette remarque, si l'on veut bien tenir compte d'abord de l'élasticité qu'avait cette appellation de clerc au moyen âge (Gloss. de Du Cange), et ensuite des dispenses spéciales dont parle La Roche - Flavin Treize livres des parlem., édit. in-4o, p. 107. Il ne faut pas oublier, à ce sujet, que l'objection se présente déjà lorsque l'on rapproche cette charge de conseiller-lai de celle d'official, remplie certainement par le même Aufrère. Quoique la question de savoir s'il fallait être prêtre pour devenir official fût fort controversée (Voyez Quæstiones d'Et. Duranti, édit. de 1634, p. 145; Decreta ad fori archiepiscopalis Tolosani reformationem, édités et annotés par Peyronet, ch. 2, avec les passages de Maynard et de Puimisson y allégués, etc.), la liste de ces officiers montre cependant que cette condition n'était que rarement enfreinte, et l'on aurait peine à comprendre que, pendant qu'il resta official, Aufréri ne fût pas au moins engagé dans les premiers ordres de la cléricature, qui, comme l'on sait, n'offraient rien d'irrévocable.

Du reste, alors que l'on persisterait à distinguer le scribe Aufréri du jurisconsulte de ce nom, nous répondrions que l'origine du premier doit suffire pour nous révéler celle du second, car on ne saurait contester qu'ils ne fussent l'un et l'autre de la même famille, c'està-dire du même pays.

comme certificat d'aptitude et pour remplir provisoirement certaines charges secondaires. Ces débuts modestes qui s'expliquent assez par son âge, car il n'avait que vingtquatre ans, en 1482, n'empêchèrent pas son talent de se révéler. L'archevêque, qui l'avait fait déjà greffier de sa trésorerie, le choisit pour son official en 1483, et ce nouveau titre lui donna bientôt accès parmi les juges du Parlement; on sait qu'il était déjà professeur en 1486 et sans doute même avant cette époque.

Lorsque l'on connaît les nombreux ouvrages publiés par Aufrère et l'autorité dont ils ont si longtemps joui, il faut croire que son mérite fut la cause première de la rapidité de son élévation et de ses progrès; mais il est à soupçonner que la protection particulière de son évêque n'y fut pas étrangère. Comme Pierre de Lion fut en même temps abbé du Pin, dans le diocèse de Poitiers', son séjour dans le couvent dut lui donner naturellement l'occasion d'attacher à sa maison cet enfant du pays; et si plus tard nous retrouvons Aufrère à Toulouse et parmi les gens du même seigneur, n'est-ce pas vraisemblablement parce que le prélat, après avoir apprécié les qualités du jeune Poitevin, l'avait entraîné à sa suite, voulant ainsi profiter de ses services et continuer à son tour de lui départir ses faveurs? Même après la mort du prélat, Aufrère appelle encore celui-ci son maître, magistrum meum, et cette expression est peut-être moins un souvenir des fonctions qu'il avait exercées au nom de Pierre de Lion qu'une allusion à cette sujétion morale que lui avait nécessairement imposée le patronage spécial de son archevêque.

Il est très possible que l'exploration des archives poitevines et, par exemple, de celles de l'abbaye du Pin, permette de trouver la preuve qu'Étienne Aufréri était réellement natif du Poitou; et peut-être les travaux des érudits de ce pays ont-ils même depuis longtemps revendiqué ce personnage

1. Gall. Christ., XIII, 52, II, 1351. Ce prélat se trouvait dans le monastère du Pin, en octobre 1483. (Doat, vol. 131, f. 233).

comme un des leurs. Pour le moment, nous ne pouvons, à ce sujet, que faire part de nos incertitudes; mais ce que nous ferons remarquer en terminant, c'est que, d'après sa physionomie, le nom d'Aufrère paraît bien être étranger à notre idiome roman, et que nous ne nous souvenons pas de l'avoir jamais remarqué dans les chartes de notre pays antérieures à la fin du quinzième siècle. Ce n'est qu'avec le jurisconsulte Aufrère que cette dénomination patronymique fait son apparition chez nous, et il est à croire que les divers Aufréri qui dans la suite ont vécu dans le Toulousain sont tous des descendants de cet homme illustre.

Après ces diverses considérations, nous croyons être autorisé à dire que le célèbre Étiennne Aufrère était né à Poitiers, ou tout au moins dans le diocèse de cette ville. C'est à cette conclusion que nous nous arrêterons pour notre part, du moins tant que de nouveaux documents ne seront pas venus nous forcer à la rejeter.

JEAN BARICAVE.

C'est en vain que l'on chercherait le nom de Baricave dans la Biographie toulousaine, qui a cependant des articles pour des personnalités moins importantes. Heureusement que l'on peut atténuer un peu cette omission en consultant la liste des juges ecclésiastiques de Toulouse que Peyronet a ajoutée aux Decreta de Joyeuse, qu'il a réédités en 1665. Voici ce que nous dit cet auteur, qui était presque le contemporain de Baricave; nous ne faisons guère que traduire sa rédaction latine « Jean Baricave, prêtre, docteur en théologie, chanoine pénitencier de l'église Saint-Étienne, fut official de Toulouse sous le cardinal de Joyeuse, à partir de 1597, et exerça ensuite les fonctions de juge métropolitain. C'était un homme d'une remarquable érudition, ainsi que le prouvent quelques ouvrages que l'on a de lui et qui ont été imprimés à Toulouse: Vir extitit eruditionis non infimæ,

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