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DROIT PÉNAL.

PREMIÈRE LEÇON.

PROLEGOMÈNES.-Objet du Cours.-Son importance. Ses rapports.-Ses éléments.-Conditions de l'étude du Droit pénal.-Philosophie.-Histoire. -Utilité de l'histoire du Droit pénal. —Réfutation d'une opinion de Boitard.—Une question philosophique et deux questions historiques.—Ouvrages à consulter.

QUESTION PHILOSOPHIQUE. - Qu'est-ce que le Droit pénal? — Sa définition peut-elle être séparée de la définition du Droit en général ? — Cinq définitions rejetées.-Définition adoptée.-En quel sens le Droit est-il éternel, immuable, nécessaire ? — Le Droit, n'est-ce pas ce qui est souvent appelé le Droit naturel ? - De diverses définitions du Droit naturel. — En quoi le Droit naturel se différencie-t-il de la loi morale et de la loi religieuse ? – Caractère et Rôle du Droit pénal.

MESSIEURS,

Je suis chargé de vous enseigner cette année le Droit pénal, ou plutôt de vous initier aux moyens de l'étudier.

Le Droit pénal met en jeu les intérêts les plus chers

de l'homme, ses intérêts d'honneur, de liberté, quelquefois même d'existence. Il expose ces intérêts, mais c'est pour les sauvegarder. Il est tout à la fois une menace et une protection.

Le Droit pénal a toujours occupé une grande place dans la vie des sociétés ; il facilite ou entrave leur dé; veloppement, suivant qu'il est ou n'est pas en rapport avec leurs besoins; il est la partie du Droit le plus en rapport avec la religion et avec la morale, qui ne l'ont cependant pas pour sanction, mais qui réagissent puissamment sur lui.

Je n'ajoute pas que le Droit pénal a de grandes affinités avec la politique, puisque, s'il se lie à toutes les parties du Droit, il se lie principalement au Droit public.

Toute législation pénale résout explicitement trois questions :

1° Quels sont les faits à imposer ou à interdire à peine d'un châtiment social?

2o Quels sont les châtiments sociaux applicables? 3° Quels sont les moyens, les procédés à organiser pour juger les auteurs des faits ou des omissions punissables, et pour leur appliquer les châtiments sociaux ?*

Les lois qui résolvent les deux premières questions sont les lois pénales proprement dites, les lois de fond.

Les lois qui résolvent la troisième question sont les lois de forme, les lois de procédure.

Eufin toute législation pénale suppose résolue,

plutôt qu'elle ne résout, une question qui domine tout le système pénal, à savoir en vertu de quels principes les peines sont infligées.

Le législateur ne se rend pas toujours un compte exact de ces principes; cependant il est certain, que ce soit ou non le résultat d'une volonté réfléchie, que les principes qui servent de base, de justification au pouvoir de punir, exercent une influence considérable sur la détermination des faits ou omissions punissables, sur la détermination des pénalités, et sur l'organisation de la procédure établie pour l'application de ces pénalités.

Ainsi, dans le Droit pénal il y a quatre questions: trois questions résolues explicitement, une question résolue implicitement: c'est la question mère, c'est la question fondamentale.

La science de la législation pénale n'est pas seulement la connaissance d'une collection de textes; c'est aussi, c'est surtout la connaissance de l'esprit qui est sous ces textes, de l'esprit qui les anime et doit diriger leur application.

L'étude de cette législation ne saurait être séparée de l'étude de son fondement philosophique et rationnel et de l'étude de ses précédents historiques.

Isolée de son fondement philosophique, la loi pénale, la loi pénale proprement dite, la loi de fond, ne serait qu'une nomenclature aride de commandements et de prohibitions sans raison et sans cause, qu'une série de menaces sans justice et sans moralité. La loi de forme, la loi de procédure ne se

rait qu'un réseau de précautions, qu'un ensemble d'embûches combinées pour assurer à la pénalité sa proie.

Isolée de ses précédents historiques, la loi pénale perdrait son meilleur commentaire; elle serait obscure et incomplète. Une règle n'est bien connue, n'est bien appréciée qu'autant qu'on sait son origine, sa filiation; qu'on assiste à sou développement et qu'on est en mesure de placer chacune de ses modifications en face des circonstances au sein desquelles elle s'est produite.

Je sais bien qu'un professeur, qui a beaucoup fait pour le Droit pénal, et qui eût fait plus encore si la mort ne l'eût trop tôt enlevé à une science sur laquelle il a su jeter tant d'intérêt, Boitard, a écrit dans un livre qui est ou qui sera dans vos mains à tous, que l'étude et la connaissance de l'ancien Droit criminel importaient assez peu à l'intelligence et à l'application pratique de notre Droit actuel. Il a donné de ce jugement deux raisons, qui pourraient laisser dans vos esprits des préventions que je tiens à combattre.

«*1° Les lois pénales, a-t-il dit, doivent être appliquées à la lettre ; elles ne sauraient être élargies, complétées avec des textes anciens;

« 2o Le droit pénal est subordonné aux temps, aux mœurs, aux révolutions; il a rarement des racines dans le passé; il est en général exclusivement l'œuvre du présent. La Révolution de 1789 notamment, en matière criminelle, contrairement au système suivi

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