GASTON. Montfort, d'un vieux guerrier pardonnez la franchise, L'intérêt de l'État peut-être l'autorise... Pour marcher sans escorte, on doit se faire aimer. MONTFORT. Eh bien, suis-je un tyran? m'oserait-on blâmer? GASTON. Votre longue indulgence A de nos chevaliers enhardi la licence. Sous l'abri d'un grand nom sûr de l'impunité, A d'horribles excès leur orgueil s'est porté. C'est trop fermer l'oreille aux plaintes des victimes. On blâme la faveur dont vous couvrez leurs crimes. MONTFORT. Des crimes! sous quel jour montrez-vous des erreurs? Ne pardonnez-vous rien à de jeunes vainqueurs? Tant de gloire à mes yeux rend l'orgueil excusable, Je vois trop de héros pour chercher un coupable! GASTON. Des exemples pieux, des leçons de Louis, Forcer devant Tunis les rangs des Africains, Il nous semble plus grand, surtout plus téméraire, Gaston! MONTFORT. GASTON. Tous ces rivaux dont l'imprudente ivresse, En partageant vos goûts, les flatte et les caresse, Aux frivoles amours sans frein abandonnés, Essayant sur le luth des chants efféminés... MONTFORT. Un tel délassement nuit-il à leur courage? GASTON. Pendant ces jeux trompeurs qu'un vain délire anime, Plie en se débattant sous notre autorité, Sont les avant-coureurs de grands évènemens : Ne peut-il nous tromper par un retour prochain? On dit... MONTFORT. Dans tous les temps la rumeur populaire Excita mes mépris bien plus que ma colère. Irai-je, recueillant ces discours mensongers, Quand tout semble tranquille inventer des dangers, Suivre de mers en mers un sujet qui s'exile Pour exhaler sans crainte une haine inutile? Lui, qu'il ébranle un joug par le temps saffermi! Vain projet ! Lorédan n'est-il pas mon ami? J'aime à me reposer sur sa reconnaissance. Je le plains, si jamais, trompant ma confiance, Il tente... A ce penser puis-je encor m'arrêter? Un faux bruit répandu doit peu m'inquiéter; Et si nous concevons de plus justes alarmes, Nous sommes tous Français, et nous avons des armes ! GASTON. Eh! que sert la valeur contre la trahison? Comment se garantir des poignards, du poison, Plus docile aux avis de mon expérience..... MONTFORT, apercevant la princesse. Il suffit, cher Gaston; de ces grands intérêts, Qu'il faille pour l'État craindre et veiller sans cesse ? Plus tard, libres de soins, demain, dans quelques jours, Nous pourrons à loisir poursuivre ce discours. SCÈNE III. MONTFORT, AMÉLIE, ELFRIDE. AMÉLIE. Retournons sur nos pas... A peine je respire, MONTFORT. Combien je dois bénir le bonheur qui me suit! |