Images de page
PDF
ePub

CLITANDRE.

Tu penses donc, marquis, être fort bien ici?

ACASTE.

J'ai quelque lieu, marquis, de le penser ainsi.

CLITAN DRE.

Crois-moi, détache-toi de cette erreur extrême : Tu te flattes, mon cher, et t'aveugles toi-même.

A CASTE.

Il est vrai, je me flatte, et m'aveugle en effet.

CLITANDRE.

Mais, qui te fait juger ton bonheur si parfait?

Je me flatte.

ACASTE.

CLITANDRE.

Sur quoi fonder tes conjectures?

ACASTE.

Je m'aveugle.

CLITANDRE.

En as-tu des preuves qui soient sûres?

[blocks in formation]

CLITANDRE.

Laissons la raillerie,

Et me dis quel espoir on peut t'avoir donné.

ACASTE.

Je suis le misérable, et toi le fortuné;

On a pour ma personne une aversion grande,
Et, quelqu'un de ces jours, il faut que je me pende.

CLITANDRE.

Oh çà, veux-tu, marquis, pour ajuster nos vœux,
Que nous tombions d'accord d'une chose tous deux?
Que, qui pourra montrer une marque certaine
D'avoir meilleure part au cœur de Célimène
L'autre ici fera place au vainqueur prétendu,
Et le délivrera d'un rival assidu?

ACASTE.

Ah, parbleu! tu me plais avec un tel langage,
Et, du bon de mon cœur, à cela je m'engage.
Mais, chut.

SCÈNE II.

CÉLIMÈNE, ACASTE, CLITANDRE.

CÉLIMÈNE.

ENCORE ici?

CLITANDRE.

L'amour retient nos pas.

CÉLIMÈNE.

Je viens d'ouïr entrer un carrosse là-bas.

Savez-vous qui c'est ?

CLITANDRE.

Non.

[blocks in formation]

De quoi s'avise-t-elle, et qui la fait venir?

ACASTE.

Pour prude consommée en tous lieux elle passe;
Et l'ardeur de son zèle....

CÉLIMÈN E.

Oui, oui, franche grimace,

Dans l'âme elle est du monde; et ses soins tentent tout"
Pour accrocher quelqu'un, sans en venir à bout.
Elle ne sauroit voir qu'avec un œil d'envie,
Les amans déclarés dont une autre est suivie;
Et son triste mérite abandonné de tous,
Contre le siècle aveugle est toujours en courroux.
Elle tâche à couvrir d'un faux voile de prude
Ce que chez elle on voit d'affreuse solitude;
Et, pour sauver l'honneur de ses foibles appas,
Elle attache du crime au pouvoir qu'ils n'ont pas.
Cependant un amant plairoit fort à la dame;
Et même, pour Alceste, elle a tendresse d'âme.

Ce qu'il me rend de soins outrage ses attraits,

Elle veut que ce soit un vol que je lui fais;
Et son jaloux dépit, qu'avec peine elle cache,
En tous endroits sous main, contre moi se détache.
Enfin, je n'ai rien vu de si sot à mon gré;.
Elle est impertinente au suprême degré,

Et....

SCÈNE IV.

ARSINOÉ, CÉLIMÈNE, CLITANDRE, ACASTE.

CÉLIMÈNE.

AH! quel heureux sort en ce lieu vous amène? Madame, sans mentir, j'étois de vous en peine.

ARSINOÉ.

Je viens pour quelque avis que j'ai cru vous devoir. CÉLIMÈNE.

Ah, mon Dieu! que je suis contente de vous voir! (Clitandre et Acaste sortent en riant.)

SCÈNE V.

ARSINOÉ, CÉLIMÈNE.

ARSINOÉ.

LEUR départ ne pouvoit plus à propos se faire.

CÉLIMÈNE.

Voulons-nous nous asseoir?

ARSINOÉ.

Il n'est pas nécessaire.

Madame, l'amitié doit surtout éclater

Aux choses qui le plus nous peuvent importer :

Et, comme il n'en est point de plus grande importance

Que celles de l'honneur et de la bienséance,
Je viens, par un avis qui touche votre honneur,
Témoigner l'amitié que pour vous a mon cœur.
Hier j'étois chez des gens de vertu singulière,
Où sur vous du discours on tourna la matière;
Et là, votre conduite, avec ces grands éclats,
Madame, eut le malheur qu'on ne la loua pas.
Cette foule de gens dont vous souffrez visite,
Votre galanterie, et les bruits qu'elle excite,
Trouvèrent des censeurs plus qu'il n'auroit fallu,
Et bien plus rigoureux que je n'eusse voulu.

Vous pouvez bien penser quel parti je sus prendre,
Je fis ce que je pus pour vous pouvoir défendre,
Je vous excusai fort sur votre intention,

Et voulus de votre âme être la caution.

Mais vous savez qu'il est des choses dans la vie
Qu'on ne peut excuser, quoiqu'on en ait envie ;
Et je me vis contrainte à demeurer d'accord,
Que l'air dont vous vivez vous faisoit un peu tort,
Qu'il prenoit dans le monde une méchante face,
Qu'il n'est conte fâcheux que partout on n'en fasse,
Et que,
si vous vouliez, tous vos déportemens
Pourroient moins donner prise aux mauvais jugemens.
Non que j'y croie au fond l'honnêteté blessée :
Me préserve le ciel d'en avoir la pensée!

Mais aux ombres du crime on prête aisément foi,
Et ce n'est pas assez de bien vivre pour soi.
Madame, je vous crois l'âme trop raisonnable,
Pour ne pas prendre bien cet avis profitable,
Et pour ne l'attribuer qu'aux mouvemens secrets

« PrécédentContinuer »