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S. 10.

QUELQUE QUE, QUEL QUE.

Ces deux adjectifs pronominaux indéfinis varient dans leu syntaxe, selon les mots auxquels ils se rapportent, et aux: quels ils sont joints Or, quelque peut être joint ou à us substantif, ou à un adjectif, ou à un verbe.

1°. Joint à un substantif seul ou accompagné de son adjectif, QUELQUE répond au quantuscunque, quantacunque, des Latins; il signifie quel que soit le, quelle que soit la, et alors il est considéré comme un Adjectif qui prend, quant au nombre seulement, l'inflexion du substantif; dans cette signification, on l'écrit toujours en un seul mot :

QUELQUES erreurs que suive le monde, on s'y laisse sur prendre.

(Girard.)

..Le peuple, au fond de son néant,

Toujours séditieux, quelque bien qu'on lui fasse,

Parle indiscrètement de ceux qui sont en place. (La Chaussée)
Princes, quelques raisons que vous me puissiez dire,
Votre devoir ici n'a point dù vous conduire.

(Racine, Mithr. II, 2.)

QUELQUES grands biens que l'on possède ; QUELQUES belles qualités que l'on ait, etc. (Regn. Desmarais, Restaut.)

QUELQUES grands avantages que la nature donne, ce n'est pas elle seule, mais la fortune avec elle qui fait les héros.

(La Rochefoucauld, au mot héros, no 2) Quelques vains lauriers que promette la guerre, On peut être héros sans ravager la terre.

.....

(Boileau, Épitre au Roi, vers 27.)

Non, à quelques hauts faits que ton destin m'appelle.

(Le même, vers 173.)

QUELQUES faux bruits qu'on ait semés de ma personne, j'ai pardonné sans peine, etc. (Le même, Discours sur la satire.)

Mais quelques fiers projets qu'elle jette en mon cœur,

L'amour, ah! ce seul mot me range à la douceur. (Corneille.)

Une femme, QUELQUES GRANDS BIENS qu'elle porte dans une maison, la ruine bientôt, si elle y introduit le luxe,. avec lequel nul bien ne peut suffire. (Fénélon.)

QUELQUES légères différences dans le culte et dans le dogme avoient, etc. (Voltaire, Siècle de Louis XIV, sur l'Angl.)

Quelques secrètes voix que je croyois à peine (260).
(Le même, Eryphile, act. I, sc. 1.)

2o. Suivi d'un Adjectif seul, ou d'un adverbe, quelque répond à l'adverbe quantumvis des Latins, et est invariable, puisque dans ce cas il modifie un mot qui n'a ni genre ni nombre par lui-même : : QUELQUE PUISSANTS qu'ils soient, je ne les crains point. (L'Académie.)

(260) L'Académie, pag. 5 de ses observations sur Vaugelas, et quel= ques Grammairiens vouloient que, lorsque le substantif étoit immédiatement précédé d'un adjectif, quelque restât invariable, et alors ils étoient d'avis que l'on écrivit QUELQUE grands avantages que la nature donne; parce que, disoient-ils, cette phrase vouloit dire, quelque grands que soient les avantages que la nature donne; mais la plupart des Grammairiens modernes, et le plus grand nombre des écrivains ont, comme on vient de le voir, rejeté cette opinion; en effet, lorsque le substantif est précédé d'un adjectif, comme dans les exemples ci-dessus, ce n'est point à l'adjectif que se rapporte quelque, mais au substantif, et cela est si vrai qu'on peut dans ce cas transposer l'adjectif après le substantif, et même le supprimer, sans nullement nuire à la signification de quelque. Il est un cas cependant où quelque joint à un adjectif suivi de son substantif au pluriel, ne prendroit point la marque du pluriel; ce seroit celui où sa signification répondroit au quantumvis des Latins, comme dans les phrases citées ci-après et dans celle-ci : QUELQUE BONS Écri= VAINS qu'aient été Racine et Boileau, ils ont cependant fait des fautes de grammaire; en effet, quelque, voulant dire ici à quelque degré, et alors tenant lieu d'un adverbe, ne doit pas prendre le signe du pluriel; et, afin de rendre plus frappante cette observation, nous la ferons suivre de cette phrase: quelques bons écrivains ont dit, dans laquelle on voit que quelque n'a point la signification d'un adverbe, celle du quantumvis du latin; mais qu'il répond au quantuscunque des Latins, mot qui, comme nous venons de le faire voir, prend la marque du pluriel, lorsqu'il est joint à un substantif au pluriel, seul, ou accompagné de son adjectif.

QUELQUE BIEN ÉCRITS que soient ces ouvrages, ils ont peu de succès.

Les choses qui font plaisir à croire, seront toujours crues, QUELQUE vaines et QUELQUE déraisonnables qu'elles puissent étre. (Buffon, Hist. natur. de l'homme, p. 243, v. 4.)

Justes, ne craignez point le vain pouvoir des hommes;
Quelque élevés qu'ils soient, ils sont ce que nous sommes.
(J. B. Rousseau, ode III.)

QUELQUE CORROMPUES que soient nos mœurs, le vice n'a pas encore perdu parmi nous toute sa honte.

(Massillon, P. Carême, Tentations des Grands.)

QUELQUE SINCERES que paroissent étre les hommes avec les femmes, elles ne doivent pas s'attendre à n'étre jamais trompées. (Girard.)

QUELQUE ADROITEMENT que les choses se soient faites.

Dans tous ces exemples, quelque est considéré comme adverbe.

3o. Suivi d'un verbe, quelque s'écrit en deux mots (quel que); et alors le premier est adjectif, et s'accorde en genre et en nombre avec le nom ou pronom qui est le sujet de ce verbe: QUELLE QUE soit votre intention; QUELS QUE soient vos desseins; QUELLES QUE soient vos vues. (L'Académie.)

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La valeur, quels que soient ses droits et ses maximes,
Fait plus d'usurpateurs que de rois légitimes.

(Crebillon, Sémiramis, II, 3.)

La loi, dans tout état, doit être universelle :

Les mortels, quels qu'ils soient, sont égaux devant elle.
(Voltaire, la Loi natur., 4° partie.)

Quels que soient ses penchants, le sage les surmonte:
C'est de nous que dépend ou la gloire ou la honte.
(Villefre.)

Quels que soient les humains, il faut vivre avec eux :
Un mortel difficile est toujours malheureux.

(Gresset, Sidney, act. II, sc. 2.)

-

(Vaugelas, 339 rem. — Th. Corneille, sur cette rem. Le Père

Girard, p. 431, t. 2. —

Buffier, D. 477.
Les Gramm. modernes.)

S. 11.

TOUT, QUELQUE.

Restaut, p. 177. —

Ces deux expressions présentent des différences qu'il est essentiel de connoître. Par exemple, celui qui dit : TOUT GRAND poète qu'est Delille, il lui échappe quelques fautes, est convaincu que Delille est un grand poète, qu'il a la plénitude du talent poétique, et il exprime son jugement par les mots tout grand poète, et par le mode consacré à l'affirmation.

Celui qui dit: QUELQUE GRAND poète que soir Delille, on peut le surpasser, convient bien de certain degré de talent poétique dans Delille, mais il fait entendre qu'il ne le croit pas parvenu au plus haut degré, qu'il est possible de s'élever plus haut, et il exprime son jugement par les mots quelque grand poète et par le mode consacré à l'incertitude, au vague. (M. Boniface, Man. des amat. 2o année, p. 297.)

TEL QUE, QUEL que.

Souvent on confond tel que avec quel que; mais tel que sert à la comparaison, et il régit l'indicatif, qui est le mode de l'affirmation, parce que, dans les phrases où on l'emploie, il a un sens précis et positif:

TEL est le caractère des hommes, qu'ils ne sont jamais contents de ce qu'ils possèdent. (L'Académie.)

Quel que, au contraire, laisse dans l'indécision la qualité, l'état, la manière d'être de la personne, et, par cette raison, il régit le subjonctif, qui est le mode affecté au doute: Je n'en excepte personne, QUEL qu'il soit, QUEL qu'il puisse étre. (L'Académie)

QUEL QUE soit le mérite, QUELLE que soit la vertu de cet homme. (Domergue.)

Un meurtre, quel qu'en soit le prétexte ou l'objet,
Pour les cœurs vertueux fut toujours un forfait.

(Crebillon, le Triumvirat, act. II, sc. 3.)

Alors, au lieu de dire avec Voltaire (Sémiramis, act. III, sc. 6):

Ce grand choix, tel qu'il soit, peut n'offenser que moi,

il faut dire : Ce grand choix, QUEL qu'il soit.

Et avec Sauvigny : Il n'est point de systéme, TEL absurde et ridicule qu'on puisse se le figurer, que des philosophes n'aient imaginé, et qui n'ait trouvé des partisans pour le soutenir, dites, Il n'est point de systéme, QUELQUE absurde et QUELQUE ridicule QUE l'on puisse se le figurer, etc. (L'Académie, sur la 397° rem. de Vaugelas, page 408. · page 136. — Lévizac, page 399, t. I. — Marmontel, page 232.) Quelques auteurs emploient aussi quel, quelle pour l'adjectif pronominal indéfini quelque; Molière, par exem ple, a fait cette faute :

En quel lieu que ce soit, je veux suivre tes pas.

(Les Fâcheux, act. III, sc. 4.)

Il devoit dire en quelque lieu que ce soit.

(M. Auger, Comment. sur Molière.) Voyez, pages 423 et 442, pour l'emploi de tel et de quel.

QUELQUE, QUEl.

Wailly,

Ces deux expressions ont également des significations bien différentes: Quelque exprime la qualité ou la quantité indéterminée des choses; c'est le quicumque des Latins, signifiant quel que soit le, quelle que soit la; et Quel sert précisément à spécifier le sujet dont on parle, sans lui attribuer de qualité; c'est le qualis des Latins.

(Vaugelas, 139" rem. — L'Académie, sur cette rem. page 154.

Le P. Buffier, n. 474. — Regnier Desmarais, page 282.)

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