pouvait et devait connaître de cette loi intérieure qui se manifeste par la conscience. Que si Dieu ne juge pas cet infidèle d'après la loi chrétienne, s'il ne le punit point de ce qu'il n'a pas eu la foi, s'il ne le punit que pour des fautes qu'il pouvait éviter, s'il mesure la peine sur le degré de connaissance et de malice, où est l'injustice? Je ne placerai pas cet infidèle dans le royaume de la béatitude céleste; mais suivant sa conduite, il sera plus ou moins rapproché, dans sa destinée, des enfants morts sans baptême, dont nous avons déjà parlé. Nous pourrions nous borner là avec un incrédule; il n'en faut pas davantage pour faire évanouir la difficulté. Mais la théologie chrétienne nous fournit encore de nouvelles lumières. D'une part, elle nous dit bien que l'homme, par les seules forces de sa nature, ne peut pas mériter la foi; que même la première grâce est entièrement gratuite: et celui qui avancerait que Dieu la doit comme récompense de quelque mérite précédent, acquis par la seule raison, tomberait dans une erreur souvent condamnée, celle des pélagiens. Mais en même temps nous disons que, parmi les infidèles, il n'en est pas un seul qui soit étranger au bienfait de la rédemption, aux grâces surnaturelles, fruit du sacrifice offert sur la croix pour le salut du monde; que si l'infidèle était docile à ces premières impressions de grâce toute gratuite, il en recevrait de nouvelles, et que de lumière en lumière il pourrait arriver enfin à la connaissance de la vérité; que Dieu pourrait l'y conduire, soit par la voie ordinaire de la prédication, soit par une révélation spéciale, comme celle qui a été faite aux prophètes et aux apôtres, soit par des impressions intérieures dont il toucherait son âme avant sa mort, soit par d'autres moyens pris dans les trésors de sa puissance et de sa sagesse. Connaissons-nous toutes les opérations secrètes de Dieu dans les âmes, toutes les manières dont il peut les éclairer ? J'aime à croire qu'au grand jour de la manifestation, nous verrons éclater, a ce sujet, des prodiges de miséricorde, qui maintenant nous sont cachés, et qui raviront d'admiration les anges et les hommes. >> L'orateur conclut en invoquant à l'appui de sa doctrine l'autorité des théologiens et en particulier celle de S. Thomas, dont il rappelle cette parole mémorable, que «Dieu dans sa bonté enverrait plutôt un ange à celui qui, aidé de sa grâce, le cherche dans la simplicite de son cœur, que de le laisser dans ses ténèbres; » puis il ajoute : « Par cette manière de penser, les théologiens, loin de dégrader la Divinité, ne font que donner une excellente idée de la grandeur de sa miséricorde. »> VIE DE CHOISEUL CHOISEUL du PLESSIS-PRASLIN (GILBERT de) embrassa l'état ecclésiastique, tandis que ses frères prenaient le parti des armes. Ils se distinguèrent tous également. L'abbé de Choiseul fut reçu docteur de Sorbonne en 1640, et nommé à l'évêché de Comminges en 1644. Choiseul donna une nouvelle face à son diocèse, par ses visites, par ses soins. Il nourrit ses pauvres dans les années de misère, assista les pestiférés dans un temps de contagion, établit des séminaires, réforma son clergé. Devenu évêque de Tournay en 1671, il s'y montra comme à Comminges. Ce prélat mourut à Paris en 1689, à 76 ans. Il avait été employé, en 1663, dans des négociations pour l'accommodement des disputes occasionnées par le livre de Jansenius. Il avait eu aussi beaucoup de part aux conférences qui se tinrent aux étals du Languedoc, sur l'affaire des quatre évêques. Toutes ces négociations n'aboutirent à rien et ne servirent qu'à constater l'opiniâtreté des défenseurs du livre de Jansénius, et les liaisons trop étroites que Choiseul avait toujours eues avec ceux de ce parti. On a de lui plusieurs ouvrages: Mémoires touchant la religion, en 3 vol. in-12, contre les athées, les déistes, les libertins et les protestants, et vainement attaqués par ceux-ci. -- Une traduction française des psaumes, des cantiques et des hymnes de l'Eglise, réimprimée plusieurs fois. Mémoires des divers exploits du maréchal du Plessis Praslin, 1676, in-4° « Le maréchal du « Plessis, dit l'abbé Lenglet, a composé ces mémoires à la prière de Segrais, qui les mettait «<au net. Mais Gilbert de Choiseul, évêque de Tournay, les a revus et laissés dans l'état où << ils sont. >> I. L'esprit humain ne peut être en repos dans l'athéisme, et l'on ne saurait se MÉMOIRES CONTRE LES ATHÉES, LES DÉISTES ET LES LIBERTINS. défaire entièrement de la créance dans laquelle sont toutes les nations qu'il y a une divinité. Ce serait une folie insupportable de nier ce que tous les hommes croient, et de prétendre être sage tout seul en désavouant une vérité si généralement reconnue. II. Il y a des philosophes qui ont découvert que nous avons tous une certaine prévention, que Cicéron appelle anticipation, c'est-à-dire une persuasion qui vient du fond de la nature même, par laquelle, indépendamment de tout raisonnement et antérieurement à toutes nos connaissances, nous sommes emportés par une lumière qui naît avec nous, et comme forcés d'avouer qu'il y a une divinité de laquelle nous dépendons. III. Outre ce préjugé du sentiment de tous les peuples, et cette lumière anticipée qui nous est donnée avec l'être, le raisonnement nous conduit par des conséquences très-justes à reconnaître qu'il y a un Dieu : et il se faudrait faire une étrange violence pour conclure qu'il n'y en a point. IV. Il faut nécessairement qu'il y ait quelque être qui soit éternel et qui n'ait jamais eu de commencement. Il est vrai, qu'à considérer l'éternité en elle-même, l'esprit humain se perd aisément, en remontant dans cette infinité de siècles que l'imagination se représente, et l'on ne comprend pas facilement que quelque chose ait été et n'ait jamais commencé d'être. Il y a en cela je ne sais quoi qui choque notre esprit, et nous donnons volontiers un commencement à tout ce que nous connaissons. Mais d'un autre côté, si l'on se représentait que tout eût commencé, il faudrait se figurer que tout serait sorti du sein du néant, sans qu'aucune main l'en eût tiré ; ce qui donnerait encore beaucoup plus de peine à notre esprit. Ainsi, dans la nécessité d'avouer, ou qu'il y a quelque être éternel, ou que tous les etres ont un commencement, l'esprit est plus satisfait de reconnaître l'éternité de quelque chose, que l'éternité d'un néant général; et quelle apparence y a-t-il que tous les êtres aient commencé et soient par conséquent sortis par eux-mêmes et sans secours de ce néant qui, n'étant rien en soi, ne peut rien aussi pour leur production. V. S'il faut nécessairement avouer qu'il y a quelque chose d'éternel, l'esprit humain se porte plus aisément à se persuader qu'il y a un être éternel, intelligent, qui a réglé tout le reste des êtres, qu'à se former l'idée seulement d'une nature aveugle, téméraire et fortuite. La forme, la figure, la distinction, la vicissitude et la subordination de tout ce que nous voyons dans la vaste étendue du monde, marque qu'il y a eu de l'intelligence. Car l'ordre est l'ouvrage de la raison. Ce qui se fait par artifice parmi nous, en est une preuve assez visible. Nous ne voyons point que le hasard, ou la nature seule fasse des palais, des habits, des statues, des peintures, des horloges et mille autres choses que nous estimons et quelquefois que nous admirons. L'art conduit et réglé par l'esprit humain fait tout cela. Pourquoi n'avouerons. nous pas que ce que nous voyons dans la nature, qui est sans comparaison plus beau, plus grand, plus industrieux, plus parfait que ce que nous formons, a été fait par une intelligence supérieure à la nôtre ? Non seulement les hommes, mais les animaux mêmes, qui sont inférieurs à l'homme, ont de l'art. Ils se bâtissent des nids, se creusent des cavernes, font des magasins et des provisions pour leur subsistance, se mettent à couvert de l'injure des saisons; trouvent des remèdes à leurs maladies; et l'expérience nous fait voir qu'on ne doit attribuer toutes ces choses qu'à leur industrie. Pourquoi la structure seule de l'univers serait-elle l'ouvrage du hasard? N'est-il pas juste de dire que plus nous approchons de la suprême intelligence, plus nos ouvrages sont parfaits; et que c'est pour cela que ceux des hommes sont plus excellents que ceux des autres animaux, et que ceux du premier être surpassent infiniment les nôtres L'esprit humain est assurément plus content de penser ainsi, que de ne reconnaître aucune raison au-dessus de la nôtre. Or celle intelligence supérieure à toute autre, est ce que nous appelons Dieu. Il n'est donc rien de plus raisonnable que de confesser qu'il y a un Dieu : et je ne crois pas qu'il y ait un homme sur la terre qui soit entièrement confirmé dans l'athéisme, et qui ne reconnaisse effectivement aucune divinité ou s'il y en a qui se soient bien formé l'habitude de cette horrible erreur, ils sont en si petit nombre, qu'on peut dire, à considérer la multitude de ceux qui sont d'un sentiment contraire, qu'il n'y a personne qui la soutienne. Comment se pourrait-il faire qu'on niát absolument la divinité? Mille raisons nous portent à la reconnaître, et il n'y en a nulle positive qui persuade absolument qu'il n'y en a point. A la vérité il y a des hommes qui, emportés par leurs passions, voudraient qu'il n'y eût point de Dieu qui punit leurs crimes mais nul ne trouve dans le fond de sa raison de quoi se convaincre que la créance de la divinité est une illusion: et tout ce que peut faire la plus fine impiété des ennemis de Dieu, est de trouver de mauvaises réponses aux raisons sur lesquelles la religion appuie la créance qu'ils ont résolu de détruire. Mais si on les presse de donner à leur tour des raisons qui persua dent leur prétendu athéisme, ils n'en ont point, et leur esprit ne saurait venir au secours de leur cœur. De sorte que nous pouvons dire tout le contraire de ce que disait ce philosophe impie et libertin, qui assurait plutôt par le plaisir de dire un bon mot, que par une véritable conviction, que c'était la crainte qui avait établi la créance de la divinité, Primus in Orbe deos fecit timor (Lu cret.) car c'est au contraire la seule crainte des châtiments qui fait que quelques-uns cherchent à se persuader qu'il n'y a point : de Dieu. VI. Il est vrai qu'il est difficile de con cevoir un être qui ne tombe pas sous les sens. Notre esprit est tellement lié à notre corps et à ce qui est matériel, qu'il lui est comme impossible de s'en dégager et de s'élever au-dessus. Néanmoins comme il est plus aisé, plus naturel et plus raisonnable de rapporter tout à une divinité, que de fouiller dans le sein de la nature, et de creuser inutilement pour trouver les causes de tous les effets dont nous voyons un si merveilleux enchaînement, il n'est pas juste d'assujettir si servilement notre raison à nos sens, que nous démentions ce qu'elle nous suggère, parce que nos sens n'en sont pas d'accord: il faut au contraire que nous assujettissions nos sens à la raison et qu'elle s'assujetisse elle-même à reconnaître cet être souverain qui, étant le formateur, le conservateur et le modérateur de tous les autres, ne doit avoir aussi aucune borne dans l'étendue de sa substance, dans sa durée, dans sa sagesse, dans sa bonté et dans toutes les autres perfections nécessaires pour gouverner le monde. VII. Nous pouvons même aisément guérir notre esprit de la peine qu'il souffre å se former l'idée d'un être qui ne tombe pas sous nos sens, si nous pensons, qu'à quelque philosophie que nous nous arrêtions, il faut nécessairement que nous concevions des choses qui ne frappent jamais les sens. Plusieurs philosophes soutiennent qu'il y a une matière première qui doit être perfectionnée par des formes substantielles, et embellie de divers accidents qui sont encore d'autres formes. Il y en a qui sont persuadés qu'un concours d'atomes a formé tout le monde, et que le seul arrangement des parties fait la différence de tous les composés. D'autres admettent du vide entre ces atomes accrochés les uns aux autres; quelques-uns disent qu' une matière subtile remplit les espaces qui sont entre ces atomes; mais tous ces philosophes ne sont-ils pas obligés d'avouer que, ni la matière première, ni les atomes de Démocrite et d'Epicure, ni toute cette matière subtile que Descartes fait entrer dans la composition des corps, ne tombent pas sous nos sens, si l'on prend tous ces êtres séparément les uns des autres ? Il n'y a rien de tout cela que nos sens puissent apercevoir, n'y en ayant aucun qui soit assez subtil pour découvrir toutes ces choses en elles-mêmes: la raison seule les aperçoit et nous fait concevoir que le composé se peut résoudre en toutes les différentes parties qui ont concouru à le former. S'il y a encore d'autres philosophes qui nient tout ce que nous venons de dire, et qui doutent de tout, comme les sceptiques, ou qui se forment d'autres idées, il n'y en a nul qui ne soit au moins obligé d'avouer qu'il y à quelque chose de caché dans la nature qui ne frappe point nos sens. Les plantes et les minéraux croissent, les animaux sentent, les hommes raisonnent, tous vivent et se meuvent, quel en est le principe? Que la philosophie donne aux uns l'âme végétative, aux autres la sensitive, aux au tres la raisonnable: qu'elle se figure, si elle veut, que tout est composé de machines et de ressorts comme une horloge; qu'elle attribue encore, s'il lui plait, tous ces différents effets à une cause universelle, et qu'il l'appelle l'esprit intérieur de la nature, l'âme, la forme du monde, ou tout ce qu'on voudra qu'elle doute même de tout ce que cela peut être, il est constant qu'il y a un principe de vie, de mouvement, d'action, de sentiment, de raisonnement qui ne tombe pas sous les sens, et qu'il faut toutefois reconnaître, malgré que nous en ayons. Ce n'est donc point une raison de n'avouer pas qu'il y a un Dieu, parce qu'il ne nous est pas sensible. Nous pouvons bien dire que nous ne saurions comprendre la nature de Dieu, et que nous la pouvons beaucoup moins connaître et définir que ce qui nous est le plus caché dans la nature; mais si nous sommes d'ailleurs persuadés, par de bonnes raisons qu'il y a un Dieu, c'est-àdire un être intelligent, qui gouverne tout, quoique nous n'en comprenions pas les perfections, et si nous avons des arguments qui nous forcent de l'avouer, c'est un étrange déréglement de vouloir, de gaieté de cœur, nier une vérité qui met notre esprit et notre raison en repos, seulement a cause que nos sens n'en sont pas les témoins. Et puisqu'il est impossible que nous ne confessions point que nos sens n'aperçoivent pas tout ce qu'il y a dans la nature, n'est-ce pas être athée sans fondement et même sans pretexte, que de nier la divinité, parce que Dieu n'est pas assez grossier pour être palpable ou pour être vu des yeux du corps. Il y a donc un Dieu. VIII. Il y a un Dieu: donc Jésus-Christ est Dieu. Cette conséquence ne paraît pas d'abord fort claire ni fort liée au principe dont elle est tirée: il n'y en eut néanmoins jamais de plus sûre, et il ne peut y avoir de raisonnement mieux lié que celui-ci, quelque obscur qu'il soit avant que d'être développé. IX. Supposé qu'il y ait un Dieu, il faut nécessairement que son témoignage soit toujours véritable. Dieu doit n'avoir aucune imperfection, ni dans sa puissance, ni dans sa connaissance, ni dans sa bonté. S'il est le principe de toutes choses, il faut que tout soit sous sa main; et c'est être tout-puissant. S'il doit tout régler, rien ne doit échapper à ses lumières et à sa vue; et c'est être infiniment sage. S'il conserve tout, il aime tout; et c'est avoir une bonté sans mesure. Or quiconque dit une fausseté, il la dit, ou parce qu'ayant trop de faiblesse pour faire ce qu'il dit, il veut couvrir cette faiblesse par le mensonge, ou parce qu'il se trompe par le défaut de lumière, ou enfin, parce qu'il trompe les autres par malice: tout cela est incompatible avec cette puissance, cette sagesse, et cette bonté infinie de Dieu; il est donc très-véritable dans ses paroles. X.-Dieu est véritable: donc il n'y a rien de plus raisonnable que de croire ce qu'il dit ou ce qu'il fait connaître par quelque voie que ce soit; et pourvu que nous soyons couvaincus qu'il a parlé par lui-même,ou par autrui, c'est assez pour nous obliger à soumettre notre créance, encore que ce qu'il nous dit nous soit incompréhensible et que nous n'en puissions clairement pénétrer le mystère. Il n'est pas juste que notre misérable raison prévale contre la vérité divine; il faut au contraire que cette vérité divine fixe notre esprit et la captive à l'obéissance de sa parole, quelque incroyable qu'elle nous parût, si elle n'était pas soutenue de l'autorité de Dieu. XI. Nous sommes convaincus que nous devons acquiescer à la parole de Dieu. Il ne reste donc plus, pour croire la divinité de Jésus-Christ, et pour tirer cette conséquence qui nous a paru d'abord si éloignée, que de voir si c'est une vérité qui vienne de Dieu. XII. Jésus-Christ a dit qu'il était Fils de Dieu. Ce ne serait pas à la vérité une preuve convaincante de sa divinité que de l'avoir déclaré lui-même si cette déclaration n'était appuyée de rien, son témoignage seul serait suspect, et non seulement il serait suspect, s'il était destitué de preuves, il paraîtrait encore impie et ridicule aux esprits abandonnés à leur seule raison naturelle, et qui ne serait pas secourue et élevée par les lumières de la grâce. Mais si son témoignage est prouvé par l'accomplissement de plusieurs prophéties et par des miracles qui ne peuvent pas ne point être pris pour des miracles, il n'y a personne qui ne doive avouer que Jésus-Christ est Dieu. Il n'y a que Dieu qui puisse prophétiser ou faire prophétiser, en mettant sa parole dans la bouche des prophètes car il n'y a que lui dont la connaissance étant sans bornes, puisse percer les siècles à venir; et comme il a déjà été prouvé que sa parole est toujours véritable, rien ne doit nous convaincre davantage d'une vérité que lorsqu'elle s'accomplit après avoir été prophétisée, puisque la parole prophétique vient assurément de Dieu. Il n'y a que Dieu aussi qui puisse faire des miracles, c'est-à-dire des choses qui sont audessus des lois de la nature, et qui surpassent nos forces ordinaires car il n'y a que lui dont la puissance soit infinie. Et comme il ne peut nous tromper par ses actions, non plus que par ses paroles, et par ses miracles, non plus que par les prophéties; lorsqu'une vérité est confirmée par des miracles, c'est une folie d'en douter. Ór Jésus-Christ a fait des miracles pour prouver l'accomplissement des prophéties en lui, et en disant qu'il était ce Dieu prophétisé donc JésusChrist est Dieu. Examinons ces prophéties et ces miracles. XIII. Tous les prophètes sont pleins des promesses que Dieu a faites du Messie, de celui qu'il devait envoyer pour le salut de son peuple (Genès., XLIX; Deut., XVIII), de celui qui était désiré de toutes les nations (Is., XXXV, XL, XLV, LII; Agg. II et alibi.; Baruch., III). Les Juifs nos plus cruels ennemis l'avouent, et conservent les Ecritures qui nous en assu rent. Il ne reste qu'à voir si les marques que les prophètes nous donnent de ce Messie, de ce libérateur, de cet envoyé de Dieu, de ce Dieu envoyé, de ce Dieu conversant avec les hommes, se trouvent en Jésus-Christ. L'Evangile marque un précurseur du Messie (Matth., III; Marc, I; Luc, I et III): Les prophètes Isaïe et Malachie l'avaient marqué (Is., XL; Mal., IV). L'Evangile fait naître le Messie en Bethléem ( Matth., II; Luc, II), le prophète Michée l'avait prédit (Mich.,V).L'Evangile fait descendre Jésus-Christ de la race de David (Matth., I; Luc, III). Ce roi lui-même le promet dans ses psaumes (Ps. LXXVII, LXXXVIII, CXXXI), et les autres prophètes le prédisent (Ecclis., XXIV; Jérém., XXIII, XXXIII;Ezech., XXXIV,XXXVII; Amos, IX). L'Evangile dit que Jésus-Christ a été conçu dans le ventre de Marie par l'opération du Saint-Esprit, c'est-à-dire en conservant sa virginité (Matth., I): Isaïe a prédit qu'une vierge conceverait et enfanterait un fils, qui se nommerait Emmanuel, qui signifie un Dieu qui est avec nous (Is., VII). Le temps de l'avénement de celui que Dieu devait envoyer est prédit dans la Genèse (Genes, XLIX), et par Daniel (Dan., IX), et JésusChrist est né dans le temps, et dans les circonstances qui sont marquées en ces endroits de l'Ecriture. La trahison de Judas et la vente de Jésus-Christ que l'Evangile marque ont été prédites (Matth., XXVI, XXVII), et même la somme de trente deniers que reçut celui qui le trahit (Zach., XI). Isaïe parle des coups, des soufflets, des reproches, des crachats que Jésus-Christ devait souffrir, et qu'il a souffert en effet (Isaïe, L), et il le représente dans les souffrances, pour expier nos péchés, tout défiguré et tel que l'histoire de sa passion le décrit dans l'Evangile (Id., LIII). David a prophétisé qu'il aurait les mains et les pieds percés, qu'il souffrirait de la confusion sur son visage, qu'il serait méconnu des siens, qu'on lui donnerait du fiel et du vinaigre, que ses habits seraient partagés et sa tunique jetée au sort { Ps. XXI, XLIII, LXVIII, XXI, CXXXVIII); qu'il ressusciterait (ce qu'Osée marque devoir être le troisième jour [Osée, VI]), qu'il monterait au ciel et serait assis à la droite de son Père (Ps. XLVI. LXVII, XXI, et passim alibi); tout cela a été accompli à la lettre. Les prophètes ont écrit qu'il serait rebuté; qu'il serait regardé comme un criminel; qu'il serait la victime pour les péchés du monde (Is., )III; Jér., II); et qu'après il serait servi et adoré par les rois et par toutes les nations de la terre (Ps. XXII, LXXI; Is., LII): ne le reconnaît-on pas à toutes ces prédictions? grande foule plusieurs mêmes sont telles qu'on ne saurait prétendre que l'adresse des hommes les ait ajustées à ce qui est arrivé à Jésus-Christ. Ce qui regarde sa naissance, sa passion et toutes les circonstances qui les ont accompagnées, ont dépendu purement ou de la seule providence de Dieu, ou de la malice de ses persécuteurs. Il n'y a rien contribué de sa part, à le considérer en qualité d'homme, que l'obéissance aux décrets éternels, la souffrance des maux qu'on lui a faits et la patience avec laquelle il les a endurés. Il n'est donc nullement naturel d'attribuer à ses artifices le rapport des prophéties à ce qui s'est passé en lui. La malignité de ses ennemis prouve ce qu'ils ont voulu obscurcir euxmêmes. Les Juifs qui l'ont fait mourir, nous ont découvert, par la qualité de leur crime, qu'il est ce libérateur du peuple de Dieu, que les prophètes leur ont prédit depuis tant de siècles. Ils ouvriront un jour les yeux sur cette grande vérité, selon la prophétie d'Osée (Osée, III), et il faut cependant que nous protitions des lumières dont ils sont encore indignes. XIV. On peut opposer deux choses contre la preuve tirée des prophéties. L'une que ces prophéties ont peut-être été inventées, l'autre, qu'elles ne sont pas assez claires. On a déjà satisfait à la première objection, en disant que nos ennemis mêmes sont dépositaires des livres où les prophéties sont écrites, que nous les avons reçues de leurs mains, et qu'ainsi les Juifs nous rendent un témoignage non suspect sur ce point. Si l'on me demande encore pourquoi tous les prophètes ont été juifs, puisque l'avènemont du Messie regardait tout le monde : je dirai qu'on me pourrait faire une question semblable, si les prophètes avaient été d'une autre nation: mais néanmoins, s'il est permis à notre faible raison d'en dire son avis, nous pouvons répondre que cet avantage que les Juifs ont eu par-dessus les autres peuples de la terre, a été comme une suite naturelle de la grâce que le ciel leur avait faite, de renfermer chez eux la connaissance du vrai Dieu, et que l'idolâtrie et l'infidélité ayant inondé toute la terre, le Seigneur avait aussi confié sa doctrine et ses secrets à ce seul peuple qui le reconnaissait et l'adorait. Mais après tout, il importe peu aux nations d'où leur soient venues les prophéties, puisqu'elles en ont toutes pu profiter, et que c'est même l'accomplissement d'une des plus claires et des plus importantes prophéties que ce Messie renverserait les idoles, et amènerait les nations et les Gentils à la connaissance du vrai Dieu (Is.,II; Jérém., L; Ezéch., VI, XXX; Osée, X; Amos, VII; Mich., I; Zach., XIII, Is., LX. LXVI). Pour répondre à la seconde objection, je n'ai qu'à dire que Jésus-Christ y a satisfait lui-même, en déclarant que s'il n'avait pas opéré les merveilles qu'il a faites, et que s'il n'avait prouvé sa divinité et sa qualité de Messie, et de Rédempteur par ses mira cles, les incrédules ne seraient pas coupables (Jean, XV); mais qu'après ce qu'il a fait, il n'y a plus d'excuse, c'est-à-dire qu'ayant prouvé l'accomplissement des prophéties par ses miracles, toute l'excuse qu'on pourrait donner à leur prétendue obscurité s'évanouit; qu'elles sont devenues claires depuis qu'elles ont été développées, par l'interprétation que Jésus-Christ leur a donnée, et que cette interprétation a été confirmée par des miracles. Quand nous n'aurions d'autres preuves que celles qui sont tirées des prophéties, leur accomplissement en Jésus-Christ nous devrait convaincre, y en ayant un si grand nombre ; mais les miracles viennent encore au secours. Que peut-on désirer de plus pour confondre la sagesse des sages et réprouver la prudence des prudents (I Cor., I)? Si un autre avait fait ces miracles pour prouver que Jésus-Christ est Dieu et que les prophéties sont accomplies en lui, nous serions obligés de croire que ce faiseur de miracles aurait agi par la force et par la vertu de Dieu même, que Dieu aurait agi en lui, et qu'ainsi JésusChrist serait Dieu. Mais Jésus-Christ dit luimême qu'il est Dieu, il le prouve en faisant des miracles; cela n'ajoute-t-il pas encore un degré de crédibilité qui ôte à notre esprit toute liberté de douter? Puisque Jésus-Christ fait lui-même ce qu'il n'y a que Dieu qui puisse faire, et qu'il le fait pour prouver qu'il est Dieu, qui peut ne pas reconnaître sa divinité. Non seulement Jésus-Christ fait des miracles pour prouver l'accomplissement des prophéties en lui, mais il fait des miracles qui ont été prédits par les prophètes mêmes. Saint Jean (Luc, VII) lui envoie ses disciples pour savoir de lui's'il est le Messie, ou, si on doit en attendre un autre; il ne leur répond autre chose, sinon, Allez, et rapportez à Jean ce que vous avez vu: les aveugles voient clair, les boiteux marchent droit, les sourds entendent, les morts ressuscitent, les pauvres sont instruits, et bienheureux celui qui ne sera point scandalisé en moi. De sorte que les prophéties se trouvent accomplies dans les miracles mêmes; il n'y a qu'à lire le trente-cinquième chapitre du prophète Isaïe pour y voir prédits les mêmes miracles que Jésus-Christ a opérés, et qu'il rapporte en preuve de sa qualité d'envoyé de Dieu et de Messie. S'il y avait quelque chose dans cet endroit de l'Evangile qui ne fût pas entièrement conforme au chapitre d'Isaïe que je viens de citer, ce serait, qu'outre les miracles qui y sont prédits, Jésus-Christ en a fait encore de plus grands; mais je ne pense pas que cette surabondance de miracles affaiblisse la preuve du Messie. Elle montre au contraire qu'il est plus grand que le prophète même qui l'a prédit. Mais ces mêmes miracles sont encore prophétisés ailleurs. La plus ingénieuse impiété peut-elle opposer quelque chose à cet enchaînement de vérités qui viennent au secours les unes des autres ? Et peuton douter de la divinité de celui en qui les |