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Et fait trembler les ennemis.

(Peste! où prend mon esprit toutes ces gentillesses?)

"

Que font les révoltés? dis-moi, quel est leur sort? »
Ils n'ont pu résister, madame, à notre effort;

Nous les avons taillés en pièces,
Mis Ptérélas leur chef à mort',
Pris Télébe d'assaut; et déja dans le port
Tout retentit de nos prouesses.

« Ah! quel succès! ô dieux! Qui l'eût pu jamais croire? » Raconte-moi, Sosie, un tel événement. »

Je le veux bien, madame; et, sans m'enfler de gloire,
Du détail de cette victoire

Je puis parler très savamment.
Figurez-vous donc que Télèbe2,
Madame, est de ce côté;

(Sosie marque les lieux sur sa main ou à terre.)

C'est une ville, en vérité,

Aussi grande quasi que Thèbe.

La rivière est comme là.
Ici nos gens se campèrent;

Et l'espace que voilà,

Nos ennemis l'occupèrent.

Sur un haut3, vers cet endroit,

Étoit leur infanterie;

Et plus bas, du côté droit,

Étoit la cavalerie.

Après avoir aux dieux adressé les prières,
Tous les ordres donnés, on donne le signal :
Les ennemis, pensant nous tailler des croupières,
Firent trois pelotons de leurs gens à cheval;
Mais leur chaleur par nous fut bientôt réprimée,
Et vous allez voir comme quoi.

Voilà notre avant-garde à bien faire animée;
Là, les archers de Créon, notre roi;
Et voici le corps d'armée,

(On fait un peu de bruit.)

1 Plaute et Molière ont fait le même anachronisme. Ptérélas ne vivait point an temps d'Amphitryon. Il était fils de Taphius, fils d'une nièce d'Alene, père d'Amphitryon.

Telebe était la capitale de l'ile de Taphe, voisine et peu éloignée d'Ithaque, Située vis-à-vis de l'Acarnanie.

› Haut, pour hauteur, élévation.

Qui d'abord... Attendez, le corps d'armée a peur;
J'entends quelque bruit, ce me semble 1.

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MERCURE, sous la figure de Sosie, sortant de la maison d'Amphitryon. Sous ce minois qui lui ressemble, Chassons de ces lieux ce causeur, Dont l'abord importun troubleroit la douceur Que nos amants goûtent ensemble. SOSIE, sans voir Mercure.

Mon cœur tant soit peu se rassure, Et je pense que ce n'est rien Crainte pourtant de sinistre aventure, Allons chez nous achever l'entretien.

MERCURE, à part.

Tu seras plus fort que Mercure,
Ou je l'en empêcherai bien.

SOSIE, sans voir Mercure.

Cette nuit en longueur me semble sans pareille.
Il faut, depuis le temps que je suis en chemin,
Ou que mon maître ait pris le soir pour le matin,
Ou que trop tard au lit le blond Phébus sommeille,
Pour avoir trop pris de son vin.

MERCURE, à part.

Comme avec irrévérence

Parle des dieux ce maraud!

Mon bras saura bien tantôt
Châtier cette insolence;

Et je vais m'égayer avec lui comme il faut,
En lui volant son nom avec sa ressemblance.
SOSIE, apercevant Mercure d'un peu loin.

Ah! par ma foi, j'avois raison :
C'est fait de moi, chétive créature!
Je vois devant notre maison

Certain homme dont l'encolure

'Plaute, qui d'ailleurs a tant d'envie de faire rire, même quand il ne le faut pas, est tombe ici dans un défaut tout opposé. Il a mis dans la bouche de Sosie un récit très-suivi, très-détaillé et très-sérieux de la victoire des Thébains, tel qu'il pourrait être dans une histoire ou dans un poëme. Molière a conservé le ton de la comédie et la mesure de la scène... Il amène Mercure quand Sosic ne sait plus où il en est. (La Harpe.)

Ne me présage rien de bon.
Pour faire semblant d'assurance,

Je veux chanter un peu d'ici.

MERCURE.

(I chante.)

Qui donc est ce coquin qui prend tant de licence
Que de chanter et m'étourdir ainsi?

(A mesure que Mercure parle, la voix de Sosie s'affoiblit peu à peu.) Veut-il qu'à l'étriller ma main un peu s'applique? SOSIE, à part.

Cet homme assurément n'aime pas la musique1.

MERCURE.

Depuis plus d'une semaine

Je n'ai trouvé personne à qui rompre les os;
La vigueur de mon bras se perd dans le repos;
Et je cherche quelque dos

Pour me remettre en haleine.

SOSIE, à part.

Quel diable d'homme est-ce-ci?

De mortelles frayeurs je sens mon amne atteinte.
Mais pourquoi trembler tant aussi?

Peut-être a-t-il dans l'ame autant que moi de crainte,
Et que le drôle parle ainsi

Pour me cacher sa peur sous une audace feinte?
Oui, oui, ne souffrons point qu'on nous croie un oison :
Si je ne suis hardi, tâchons de le paroître.

Faisons-nous du cœur par raison :

Il est seul, comme moi; je suis fort, j'ai bon maître,
Et voilà notre maison.

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Ce trait appartient à Molière le reste est imité de Plaute.

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Résolument, par force ou par amour,

Je veux savoir de toi, traître,
Ce que tu fais, d'où tu viens avant jour,
Où tu vas, à qui tu peux ètre.

SOSIE.

Je fais le bien et le mal tour à tour;

Je viens de là, vais là; j'appartiens à mon maître 1.

MERCURE.

Tu montres de l'esprit, et je te vois en train

'Ce dialogue est imité de Plaute et de Rotrou. Voici le passage de ce der

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Lequel des deux me plaît, ou tous les deux ensemble.

Ce maraud veut périr.

MERCURE.

SOSIE.

Tel menace qui tremble.

MERCURE.

Mais qui, de grâce, es-tu? Qui t'amène en ce lieu?

SOSIE.

l'appartiens à mon maître. Es-tu content? Adicu.

De trancher avec moi de l'homme d'importance.
Il me prend un desir, pour faire connoissance,
De te donner un soufflet de ma main.

A moi-même?

SOSIE.

MERCURE.

A toi-même; et t'en voilà certain.

(Mercure donne un soufflet à Sosie.)

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