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mention plus haut. Le Prélat faifoit l'homme défintéreffé. Il témoignoit fon étonnement de ce que les familles des Religieufes de P. R. des Champs ne fe donnoient point de mouvement, & il difoit qu'elles auroient du s'opposer à tout ce qu'on vouloit faire, que cela les regardoit plus que lui. Lorfqu'il y avoit fur le tapis à la Cour quelque vue défavantageuse à la Maifon des Champs, il fe retiroit à fa campagne de Romaine pour ne point paroître. En différentes occafions il faifoit montre de bonne volonté, il plaignoit les Religieufes; Ces filles, difoitil, ont bien des ennemis; il leur envoyoit le Jubilé, comme par privilége avant qu'il l'eut fait publier dans la campagne. Mais l'on favoit fort bien que fous main il dirigeoit l'affaire au gré des Religieufes de Paris ; il fuggéroit à M. Puffort des projets d'Arrêt peu conformes à l'équité; il paffoit des heures entiéres avec la Sœur Dorothée à P. R. de Paris. M. Puffort prêt à faire fon rapport, & ayant jour pour le faire, fe trouvoit contremandé enfuite d'une entrevue de M. l'Archevêque avec S. M. Enfin M. Chamillard l'homme de confiance de l'Archevêque connu pour tel, fe portoit auprès de M. Puffort partie déclarée de P. R. des Champs.

V. Vifite d'un

re à P. R. des

Champs,

Quelques jours avant la fignification de l'Arrêt du Confeil qui fera rapporté dans un moment, l'Archevêque avoit fait faire une vi- Grand-Vicaifite à P. R. des Champs par fon Grand-Vicaire pour un fujet particulier. Il difoit avoir reçu une lettre du Roi qui marquoit fon mécontentement de P. R. fur ce que contre la défense on avoit reçu des Novices au nombre de quinze. Le Grand-Vicaire (c'étoit M. de la BruneHere) fit cette vifite le premier de Juin. Il fit N S

lecture de la lettre du Roi, & demanda quelle réponse on avoit à faire. La Mere Abbesse répondit que l'expofé fait en Cour étoit faux ; qu'elles n'avoient chez elles ni novices ni poftulantes; qu'elles n'avoient pas même voulu rendre l'habit aux filles qui l'avoient pris avant la captivité ; & que quant aux petites penfionnaires, elles n'avoient commencé à en recevoir que depuis que M. l'Archevêque y avoit envoyé les deux jeunes Demoiselles de Pomponne. Le Grand-Vicaire dreffa fon procèsverbal de tous ces dires, lequel fut figné des Meres Abbeffe, Prieure & Sous-prieure: il leur en laiffa copie. Depuis ce tems-là elles jugérent à propos de fe mettre plus au large: elles reçurent des novices, firent des prifes d'habit & des profeffions. En effet il n'y avoit jamais eu proprement de défenfe aux Religieufes de P. R. de recevoir des novices. Elles avoient eu feulement un ordre de la Cour en 1664. de renvoyer celles qu'elles avoient alors: ordre d'ailleurs qui étoit cenfé révoqué par la paix de 1669. Le Curé de faint Benoît qui leur fut donné pour Supérieur en ce tems-ci, les détournoit de ce parti, craignant qu'elles ne s'expofaffent trop en fe hazardant ainfi : mais elles crurent ne devoir pas s'impofer à ellesmêmes des liens que leurs Supérieurs ne leur impofoient point pofitivement. La chofe leur réuffit, & dans les dix années qui vont fuivre, elles firent un grand nombre de nouvelles Religieufes. A la premiére réception de poftulante, la Mere Agnès écrivit à l'Archevêque pour lui en parler à mots couverts, & le Prélat répondit poliment, mais fans s'expliquer fur cet article. On obferva au refte de faire la plû part de ces cerémonies de prise d'habit & de“

profeffion fans convoquer grand monde, pour éviter l'éclat. Les Religieufes n'avoient pas tort de penfer à fournir leur maifon de nouveaux Sujets, car il en mourut beaucoup dans les premiéres années de la tranquillité.

VI.

le de partage.

Le 7. Juin un Huiffier du Confeil vint à P. R. des Champs, & fignifia aux Religieufes Arrêt & Bul. l'Arrêt du Confeil datté du 13. de Mai, par lequel le Roi féparoit à perpétuité les deux Maifons de P. R. en deux Abbayes indépendantes l'une de l'autre ; l'une à Paris pour être de nomination royale, l'autre aux Champs, pour être élective & triennale. Par une fuite de cette féparation des deux Maifons, le Roi faifoit auffi le partage des biens. Il ordonnoit que les deux tiers appartiendroient pour toujours à l'Abbaye de P. R. des Champs & l'autre tiers à celle de P. R. de Paris. Il fe trouva donc que plus de 80. Religieufes qui étoient alors à P. R. des Champs dont la Maifon n'étoit ni bâtie, ni meublée d'une maniére fuffifante pour tant de perfonnes, n'eurent que deux tiers de leur bien, pendant que 9. ou 10. Religieufes qui étoient à Paris dans une belle maifon parfaitement bien meublée en prenoient le tiers pour elles feules. Et ce tiers fut séparé si inégalement qu'il équivaloit à la moitié de tout le revenu de la Communauté. Car tous les bâtimens du dehors de la maison de Paris, qui produifoient des loyers confidérables, n'étoient pas compris dans le tiers des Religieufes de Paris & leur étoient adjugés par furcroît. D'un autre côté plufieurs des fonds qui faifoient le lot de celles des Champs, n'étoient point amortis, & fe trouvoient pour l'amortiffement fur le compte de celles-ci, fans que celles de Paris fuffent tenues d'en porter

leur part; fans parler du dépôt de 15000. liv. qui exiftoit chez le Notaire, ne pouvant pas encore être délivré, & qui a été capté dans la fuite par les Religieufes de Paris exclufivement à celles des Champs.

Deux ans après, c'est-à-dire en 1671. Clés ment X. confirma ce partage par une Bulle qui avoit été demandée par le Roi dès 1669. & follicitée par le Cardinal d'Eft protecteur des affaires de France, à qui S. M. avoit écrit dèslors pour le charger de cette commiffion. La Supplique qui fut préfentée à Rome fut tournée d'une maniére ambigue, propre à faire entendre au Pape qu'elle étoit au nom des Religieufes des deux Maisons qui de concert demandoient la féparation, quoique celles qui étoient dans le Monaftére des Champs. n'euffent point été informées de cette démarche & n'en euffent aucune connoiffance. On a dans les manufcrits de P. R. la copie de cette Supplique avec une lettre d'un Romain qui attefte qu'à Rome on étoit perfuadé que c'étoit les deux parties qui s'accordoient à demander ces changemens. L'année fuivante: 1672. le Roi autorifa & confirma cette Bulle par des Lettres patentes qui furent enrégiftrées au Grand-Confeil. Les Religieufes furent bien obligées de céder à l'autorité. Elles avoient même été contraintes dans le tems de l'Arrêt de faire un acte de défiftement, de l'oppofition fecrette qu'elles avoient envoyée à Rome par précaution, & qui avoit tranfpiré en France. M. de Lionne Secretaire d'Etat. leur en fit donner avis, avec de grandes menaces fi elles ne retiroient pas leur oppofition;& par le confeil de M. Arnauld & de M. de Sacy elles fe contentérent de faire une proteftation fecrette

dattée du même jour
, que leur défiftement
ne pourroit nuire ni préjudicier à leurs droits,
comme étant involontaire & fait

lence.

par vio

VII.

P. R. des

L'Abbaye de P. R. des Champs étant établie dans cette nouvelle forme, fubfifta pendant dix La maifon de ans, jouiffant d'une efpèce de paix. Le défert Champs fleude P. R. refleurit en peu de tems de toute fa-rit, çon. On reçut un bon nombre de filles à profeffion, comme je l'ai dit; & tant les nouvelles Religieufes que les anciennes ne dégénérérent point de l'efprit & de la ferveur primitive; plufieurs Religieufes du premier mérite animant tout, telles que la refpectable Mere Agnès qui furvécut deux ans à la paix de 1669.& les Meres de Ligny, du Fargis, Angélique de S. Jean Arnauld. Les petites penfionnaires s'y multiplioient; elles y venoient en foule, quantité de familles s'empreffant de faire élever leurs enfans dans cette maifon de bénédiction. Un grand nombre de perfonnes de tout fexe & de tout état profitérent de la liberté qu'on avoit de s'y retirer, féculiers & féculieres, gens d'épée, Magiftrats, Prêtres, Dames de qualité, Princeffes. Plufieurs y firent accommoder des appartemens pour y venir paffer des tems plus ou moins confidérables, & y refpirer la piété dans le voifinage de ces faintes vierges. La Princcffe de Longueville, AnneGeneviève de Bourbon, y fit bâtir un Château pour y avoir aufli fa retraite toute prête.De plus, la bonne odeur de cette maifon y attiroit de tems en tems des Religieufes étrangéres qui venoient y paffer des femaines & des mois pour s'y édifier & pour y prendre le vrai efprit de la piété Religieufe; telles qu'une Dame de Morice Religieufe de Saintes, nommée au Prieuré de S. Martin de Boran, qui

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