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des trois, le pontife la mit à la première place, en disant que le Seigneur l'avait déjà sanctifiée; paroles qui faisaient sans doute allusion à ce qui s'était passé en présence de S. Germain et de S. Loup. Lorsqu'elle eut perdu son père et sa mère, elle se retira à Paris chez une dame qui était sa marraine, Elle y porta cet esprit de mortification qui lui avait fait embrasser les plus grandes austérités de la pénitence, surtout depuis son entière consécration au service de Dieu. Elle ne mangeait guère que deux fois la semaine, le dimanche et le jeudi; encore sa nourriture ne consistait-elle qu'en un peu de pain d'orge et de fèves. Elle s'interdit absolument l'usage du vin, ne buvant jamais que de l'eau. Elle continua ce genre de vie jusqu'à l'âge de cinquante ans, où quelques évêques exigèrent qu'elle usât d'un peu de lait et de poisson. Aux exercices de la mortification elle joignait une inviolable pureté de corps et d'esprit, une humilité profonde, une foi vive, une charité ardente, une oraison presque continuelle, et un esprit de componction, qui, quand elle s'entretenait avec Dieu dans la prière, donnait à ses yeux une source abondante de larmes. La ferveur avec laquelle elle se portait à l'accomplissement des préceptes et des conseils évangéliques, était récompensée de ces consolations intérieures que l'on ne trouve point dans les folles joies du monde; mais il fallait aussi que sa vertu fût éprouvée par le feu des tribulations. Dieu permit donc qu'il se formât contre elle une espèce de ligue générale. Ses ennemis décriaient déjà son genre de vie; et, cherchant à la perdre, ils crurent en avoir trouvé l'occasion dans l'ingénuité avec laquelle elle parla des faveurs extraordinaires que l'Esprit saint lui avait communiquées. Ils la traitèrent de visionnaire et d'hypocrite; et à force de la charger d'imputations odieuses et flétrissantes, ils vinrent à bout de trouver créance dans les esprits du peuple. Cet orage dura jusqu'à l'arrivée de S. Germain d'Auxerre, qui passa par Paris, lorsqu'il allait dans la Grande-Bretagne pour la seconde fois. Le saint prélat, très-versé dans la connaissance des voies de Dieu, reconnut l'innocence de Geneviève, prit hautement sa défense, et confondit les impostures de la calomnie. Mais le calme ne fut pas de longue durée, et la persécution ne tarda à se rallumer; voici quelle en fut l'occasion.

pas

Attila, roi des Huns, était entré dans la France avec une armée formidable. Le bruit de sa marche répandit bientôt l'alarme dans Paris. Les habitans, qui ne se crurent pas en sûreté dans leur ville, résolurent de l'abandonner et de se retirer dans quelque place mieux fortifiée. Geneviève, remplie de cette confiance en Dieu qui a rendu si célèbres les noms de Judith et d'Esther, ne perdit point courage au milieu d'une consternation si universelle, Elle osa

même promettre aux Parisiens qu'ils éprouveraient l'effet de la protection divine, s'ils avaient recours aux jeûnes, aux prières et aux veilles. Quelques femmes, touchées de ses discours, allèrent se renfermer avec elle dans le Baptistère public a, et y passèrent plusieurs jours dans les exercices de la prière et de la pénitence. Quant aux autres, ils traitèrent la sainte de fausse prophétesse; ils portèrent même la fureur jusqu'à vouloir attenter à sa vie ; et l'on peut dire que c'en était fait d'elle, sans l'arrivée de l'archidiacre d'Auxerre, qui venait lui apporter des eulogies de la part de S. Germain. Le saint évêque donnait à entendre par là qu'il faisait une grande estime de Geneviève, et qu'il était uni de communion avec elle. Cette circonstance fit rentrer en eux-mêmes les plus acharnés d'entre les persécuteurs de la servante de Dieu. Ils rougirent de l'indignité de leur conduite, et prirent des sentimens plus conformes à l'humanité et à la religion. Quand ils virent ensuite que l'événement avait justifié la prédiction de la sainte, et que les Huns avaient changé l'ordre de leur marche, ils concurent pour elle une vénération qui ne fit que s'accroître de jour en jour; car, outre l'esprit de prophétie, Geneviève avait encore le don des miracles, et on lui en vit opérer d'éclatans en divers lieux, principalement à Paris, à Meaux, à Laon, à Troyes, à Orléans et à Tours. Le bruit de sa sainteté se répandit jusqu'aux extrémités du monde. S. Siméon Stylite donna des preuves publiques de sa vénération pour la servante de Dieu, et lui fit demander le secours de ses prières,

Le crédit de la sainte auprès de Dieu ne lui mérita pas moins la confiance que la vénération du peuple. Cette confiance parut surtout au siége de Paris par Childéric, roi des Français, et elle ne fut point vaine. Les assiégés étant menacés de la famine, Geneviève se mit à la tête de ceux que l'on avait envoyés chercher des vivres, les accompagna jusqu'à Arcis-sur-Aube et jusqu'à Troyes, et leur procura un heureux retour, malgré les dangers auxquels on était exposé de la part des ennemis. Après la prise de la ville, Childéric, quoique païen, rendit hommage à sa vertu, et fit, à sa prière, plusieurs actes de clémence. Il fut imité en cela par Clovis, son fils, qui accorda la liberté aux prisonniers toutes les fois que lą sainte intercéda pour eux.

Geneviève avait une grande dévotion envers S. Martin de Tours

a Il était dans l'ancieune église, appelée depuis Saint-Jean-le-Rond.

C'étaient des préseus de choses bénites, que l'on s'envoyait en signe d'union et d'amitié. S. Germain était en Italie, lorsqu'il chargea son archidiacre de porter des eulogies à Ste Geneviève. Mais celui-ci ne vint à Paris que deux ans après car S. Germain mourut à Ravenne en 448, et Attila, qui commença à menacer l'Empire en 450, n'entra dans les Gaules qu'en 451. On ignore ce qui put retarder si long-temps l'archidiacre.

et S. Denis de Paris. Elle alla plusieurs fois visiter les reliques du premier; quant au second, elle lui fit bâtir, ainsi qu'aux compagnons de son martyre, une église dans le lieu où ils avaient répandu leur sang pour Jésus-Christ. Ce fut elle encore qui forma le projet de la basilique des apôtres S. Pierre et S. Paul, com.mencée par Clovis et achevée depuis par Ste Clotilde. Enfin, après une vie de quatre-vingt-neuf ans, passée dans la pratique de toutes sortes de bonnes œuvres, elle mourut le 3 janvier 512, cinq semaines après Clovis, le premier de nos rois chrétiens. Son corps fut enterré auprès de celui de ce prince, dans l'enceinte de la nouvelle église des apôtres, qui n'était point encore finie.

Immédiatement après sa mort, le peuple éleva sur son tombeau un oratoire de bois, qui subsista jusqu'à ce que l'église eût été achevée. Dans la suite on leva son corps de terre, pour le renfermer dans une châsse magnifique, faite par S. Eloi. Pour soustraire cette châsse à l'impiété des Normands, on la transporta, en 845, à Athis, puis à Draveil, et cinq ans après, à Marisy, près La FertéMilon, d'où elle fut rapportée à Paris en 855. La châsse que l'on voyait avant la révolution élevée derrière le grand autel, fut faite en 1242, par les soins de l'abbé de Sainte-Geneviève. Il y entra, dit-on, 193 marcs d'argent et huit marcs d'or. Elle était presque toute couverte de pierres précieuses, données par des rois et des reines de France'. Ces saintes reliques ne purent échapper à la rage

a Appelé Catulliacum. Selon quelques auteurs, il est plus probable que c'était Montmartre que Saint-Denis, Il est rapporté, disent-ils, que Ste Geneviève allait souvent avec d'autres vierges à cette église, et qu'elle y entendait Matines tous les dimanches. Or, continuent-ils, ceci peut-il aisément s'entendre de SaintDenis, qui est à deux lieues de Paris? Cependant d'habiles critiques soutiennent que l'apôtre de la France fut enterré après son martyre à Saint-Denis, et non à Montmartre.

Cette église prit depuis le nom de Sainte-Geneviève. Il faut remarquer que la ville de Paris ne comprenait alors que ce qu'on appelle la Cité, qui était environnée de forêts. Comme on n'enterrait alors personne dans l'enceinte des villes, Clovis, qui destinait l'église dont nous parlons à être le lieu de sa sépulture, la fonda hors de la ville, sur une montagne peu éloignée de son palais. Lorsqu'il en jeta les fondemens, son dessein était d'y mettre des moines, selon l'auteur de la vie de Ste Bathilde. Ç'a été aussi le sentiment du P. Mabillon, Op. post. tom. 2, p. 356. Il est persuadé que des moines desservirent cette église jusqu'en 856, que les Normands la brûlèrent. Lorsqu'elle eut été rebâtie, on la donna à des chanoines séculiers. Mais comme ils s'étaient comportés d'une manière scandaleuse, ils furent chassés en 1148, par l'autorité rénnie du pape Eu gène III et de l'abbé Suger, premier ministre de Louis le Jeune. On mit à leur place des chanoines réguliers de S. Augustin, que l'on tira de l'abbaye de SaintVictor, fondée quarante ans auparavant, et alors célèbre par une multitude de grands hommes, qui se distinguaient autant par leur science que par leur piété et l'austérité de leur vie. Le pieux cardinal de La Rochefoucauld, évêque de Senlis, ayant été nommé abbé de Sainte-Geneviève, par Louis XIII, entreprit d'établir dans le monastère de Paris la belle réforme qu'il avait mise dans celui de Saint-Vincent de Senlis. Ce fut pour cela qu'il fit venir, en 1624, le P. Charles Faure, avec douze autres religieux de Saint-Vincent. Cette réforme reçut sa dernière perfection en 1634, lorsque le P. Faure eut été fait abbé de Sainte-Geneviève et coadjuteur du cardinal. Le premier mourut en odeur de sainteté en 1667. Pour le cardinal, il était mort en 1645.

1 Voyez M. Lebeuf, 1. 5, p. 387, et l. 2, p. 95; Piganiol de la Force, Descript.

des révolutionnaires; elles devinrent la proie de leurs fureurs impies: il n'en reste plus que quelques faibles parcelles et le tombeau de la sainte, qui se voit à Saint-Etienne-du-Mont, où il attire encore une grande foule de pèlerins.

La ville de Paris a souvent obtenu des grâces signalées par la puissante intercession de Ste Geneviève. Nous citerons entre autres la guérison de cette cruelle maladie appelée des ardens, parce qu'elle consumait ceux qui en étaient attaqués, par un feu secret et meurtrier. En vain l'art des médecins mit tout en œuvre pour trouver des remèdes contre cet horrible fléau. Etienne, évêque de Paris, prélat d'une sainteté éminente, ordonna des jeûnes et des prières publiques, dans l'espérance que Dieu se laisserait enfin fléchir; mais la maladie continua toujours ses ravages, et ils ne cessèrent qu'après une procession solennelle, où l'on porta la châsse de Ste Geneviève à la cathédrale. Lorsqu'elle fut à l'entrée de l'église, tous les malades recouvrèrent sur-le-champ une parfaite santé, à l'exception de trois, qui, sans doute, avaient manqué de foi. Ceci arriva sous le règne de Louis le Gros, l'an 1129. Le pape Innocent II, qui vint en France l'année suivante, ordonna, après avoir constaté la vérité du miracle, qu'on en célébrerait tous les ans la mémoire le 26 de novembre. L'église, anciennement appelée Sainte-Geneviève-la-Petite a, prit le nom de Sainte-Geneviève-des-Ardens, à cause du même miracle. C'est depuis ce temps-là que, dans les calamités publiques, on portait processionnellement à Notre-Dame la châsse de Ste Geneviève, avec celles de S. Marcel, de Ste Aure, etc. .

S. ANTÈRE, ou ANTÈRES, PAPE.

CE saint pape était Grec de nation, et succéda à S. Pontien sur le siége de Rome, l'an de Jésus-Christ 235. Son pontificat fut trèscourt, puisqu'il ne siégea que quarante jours. Bède, Adon, et le nouveau Martyrologe romain, lui donnent le titre de martyr. Il est dit dans un manuscrit du Martyrologe de S. Jérôme, qui est à Saint-Cyriaque de Rome, qu'il fut inhumé sur le bord de la voie

de Paris, tom. 5, p. 238; Le Fèvre, Calend. Hist. de l'Eglise de Paris, nov. 26 et janv. 3; le Gallia Chr. nov. tom. 7, p. 700.

a Cette église était auprès de la cathédrale et de la maison où Ste Geneviève était morte. On l'a démolie en 1747, pour bâtir l'hôpital des Enfans-Trouvés. Voy. M. Lebeuf, et Le Fèvre, Cal. Hist. de Paris, p. 500.

Dans cette cérémonie, les chanoines réguliers marchaient nu-pieds, et avaient la droite sur le chapitre de la cathédrale; leur abbé l'avait aussi en cette occa· sion sur l'archevêque de Paris.

TOM. I.

4

Appienne, dans le Paraphagène ", où l'on mit depuis le cimetière de Calixte.

b

S. GORDE, MARTYR.

S. GORDE naquit à Césarée en Cappadoce, et servit d'abord en qualité de centurion dans les armées de l'Empire; mais il se retira dans le désert aussitôt que Dioclétien eut allumé le feu de la persécution. Quelque temps après il quitta la solitude, pour suivre l'impétuosité du désir dont il brûlait de répandre son sang pour J.-C. Il vint à Césarée, lorsque le peuple assemblé était dans le cirque pour célébrer des jeux en l'honneur de Mars. Un corps exténué, des cheveux négligés, une barbe longue, des habits dé chirés, attirèrent sur lui les yeux de tous les spectateurs. On decouvrit pourtant à travers un extérieur si extraordinaire un certain air de majesté qui inspirait de la vénération. Mais à peine eut-on connu qu'il était chrétien, qu'on l'arrêta pour le conduire au gouverneur. Il confessa généreusement sa foi, et fut condamné à perdre la tête. La sentence prononcée, il fit le signe de la croix, et reçut avec joie le coup de la mort. S. Basile prononça son panégyrique à Césarée, le jour de sa fête. Il y dit que plusieurs de ses auditeurs avaient été témoins oculaires du triomphe du saint martyr.

Voyez S. Basile, Hom. XVIII, tom. 2, p. 141, ed. Ben.

S. BLIMOND, MOINE A SAINT-VALÉRY EN PICARDIE.

CB saint, dégoûté du monde et brûlant du noble désir d'éten dre le royaume de Dieu, se joignit à S. Valéry, berger en Auvergne et plus tard apôtre des provinces du nord de la France, pour annoncer la parole de Dieu aux peuples idolâtres. Après avoir prêché avec un grand succès la foi de Jésus-Christ, et ramené de leurs erreurs une foule de païens, Blimond se retira avec Valéry dans un lieu solitaire, nommé Leuconai en Ponthieu, où ils construisirent, avec la permission du roi Lothaire II, deux petites cellules, pour y vivre à la manière des anachorètes d'Orient; mais bientôt ils furent découverts, et se virent entourés de nombreux disciples, qui demandèrent comme une grâce de passer leur vie sous leur conduite. Les deux saints y consentirent, et c'est ce qui a C'est-à-dire lieu qui dévore. Ce lieu était ainsi appelé, parce que les corps s'y consumaient en peu de temps.

Le Cirque était une grande place de forme ovale, où le peuple était assis pour voir les jeux.

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