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des perspectives charmantes pour m'ôter l'horreur des séparations; rien n'est si bon pour ma santé que les espérances que vous donnez. Il faut commencer par arriver; vous me trouverez fort différente de l'idée que yous avez de moi; ces genoux et ces mains, qui vous font tant de pitié, seront sans doute guéris en ce tems-là. Enfin, mon air délicat seroit encore la rustauderie d'une autre, tant j'avois un grand fonds de cette bonne qualité. Pour Vichy, je ne doute nullement que je n'y retourne cet été. Vesou dit aujour d'hui qu'il voudroit que ce fût tout à l'heure : de Lorme dit que je m'en garde bien dans cette saison; Bourdelot dit que j'y mourrois, et que j'ai donc oublié que mon rhumatisme n'étoit venu que de chaleur. J'aime à les consulter pour me moquer d'eux : peut-on rien voir de plus plaisant que cette diversité? les Jésuites ont bien raison de dire qu'il y a des auteurs graves pour appuyer toutes les opinions probables: me voilà donc libre de suivre l'avis qui me conviendra. J'ai présen tement pour me gouverner mon beau Mé decin de Chelles (1); je vous assure qu'il en sait autant et plus que les autres. Vous allez bien médire de cette approbation; mais si vous saviez comme il m'a bien gouvernée (1) Voyez tome IV, la Lettre du 6 Mai.

depuis deux jours, et comme il a fait prospérer un commencement de maladie que je croyois avoir perdue, et qui me prit à Paris, vous l'aimeriez beaucoup. Enfin, je m'en porte très-bien: je n'ai nul besoin d'être saignée; je m'en tiens à ce qu'il m'ordonne, et je prendrai ensuite de la poudre de mon bon homme. Il croit que du tempérament dont je suis, je ne serai pas quitte dans trois ans de ces retours. On vouloit me retenir à Paris ; si je n'avois pas beaucoup marché, je ne m'en serois pas si bien trouvée. Je vous conjure, ma fille, d'avoir l'esprit en repos, et de songer à me donner des réalités, après m'avoir fait sentir tous les plaisirs de l'espérance.

J'ai reçu un billet de Lyon de notre Cardinal, et un d'auprès de Turin. Il me mande que sa santé est bien meilleure qu'il n'eût osé l'espérer après un si grand travail. Il me paroît fort content de M. de Villars, qui est allé le recevoir dans sa cassine. Vous savez qu'ils ne verront point le Duc (de Savoie)", parce qu'ils veulent le traiter comme les autres Princes d'Italie, à qui ils ne donnent point la main chez eux; et ce Duc veut faire comme M. le Prince, c'est-à-dire, que cha'cun fasse les honneurs de chez soi. N'admirez-vous point le rang de ces Eminences?

Je suis fort étonnée que la nôtre ne vous ait pas écrit de Lyon, cela étoit tout naturel.

Songez bien à ce que vous devez faire sur la taille de votre fils; cette seule raison doit vous obliger à consulter; car du reste il sera parfaitement bien avec M. le Coadjuteur : mais s'il y a un lieu où l'on puisse le repétrir, c'est dans ce pays-ci. Pour cet Allemand, je suis assurée que l'Abbé de Grignan ne cherchera point à le mettre en condition jusqu'à votre retour; cela ne vaut pas la peine, après avoir tant attendu. C'est une petite merveille que celui que vous avez: votre embarras nous a fait rire, c'est de ne pouvoir connoître s'il sait les finesses de la langue allemande, ou si vous confondez le Suisse avec cette autre langue. C'est une habileté à laquelle il nous semble que vous ne parviendrez jamais : vous prendrez assurément l'un pour l'autre, et vous trouverez que le Pichon parlera comme un Suisse, au lieu de savoir l'allemand. Vous parlez si plaisamment d'Allemagne et de Flandres, que depuis que l'une est tranquille, et l'autre dans le mouvement, on ne peut plus vous répondre, sinon que chacun a son tour.

Adieu, ma très-belle et très-chère ; vous êtes admirable de me faire des excuses de tant parler de votre fils; je vous demande

aussi pardon, si je vous parle tant de ma fille. Le Baron m'écrit, et croit qu'avec toute leur diligence ils n'arriveront pas assez tôt : Dieu le veuille, j'en demande pardon à ma patrie. Vous ne me dites rien dudit déposant (1); c'est signe qu'il n'a plus rien à dire; quand dira-t-il oui ? C'est une belle parole. Je le supplie de m'aimer toujours un peu.

(1) M. de la Garde.

LETTRE 450.
A la même.

à Livry, vendredi 28 Août 1676.

J'EN demande pardon à ma chère patrie, mais je voudrois bien que M. de Schomberg ne trouvât point d'occasion de se battre : sa froideur et sa manière toute opposée à M. de Luxembourg, me font aussi craindre un procédé tout différent. Je viens d'écrire un billet à Madame de Schomberg pour en apprendre des nouvelles. C'est un mérite que j'ai apprivoisé, il y a long-tems; mais je m'en trouve encore mieux depuis qu'elle est notre Générale. Elle aime Corbinelli de passion jamais son bon esprit ne s'étoit tourné du côté d'aucune sorte de science;

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de sorte que cette nouveauté qu'elle trouve dans son commerce, lui donne aussi un plaisir tout extraordinaire dans sa conversation. On dit que Madame de Coulanges viendra demain ici avec lui, et j'en aurai bien de la joie, puisque c'est à leur goût que je devrai leur visite. J'ai écrit à d'Hacqueville pour ce que je voulois savoir de M. de Pompone, et encore pour une vingtième sollicitation à ce petit bredouilleur de Parère, Je suis assurée qu'il vous écrira toutes les mêmes réponses qu'il doit me faire, et vous dira aussi comme, malgré le bruit qui couroit, M. de Mende a accepté Alby.

Au reste, je lis les figures de la SainteEcriture (1), qui prennent l'affaire, dès Adam. J'ai commencé par cette création du monde que vous aimez tant; cela conduit jusqu'après la mort de Notre-Seigneur : c'est une belle suite, on y voit tout, quoiqu'en abrégé; le style en est fort beau, et vient de bon lieu : il y a des réflexions des Pères fort bien mêlées; cette lecture est fort attachante.

(1) L'Histoire du vieux et du nouveau Testament, etc. par le sieur de Royaumont, (M. de Saci.)

* Il composa ce livre à la Bastille. Il est, (dit-on), rempli d'allusions aux vicissitudes du Jansénisme dans ce siècle. M. de Saci étoit Directeur des Religieuses de Port-Royal.

TOME V.

E

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