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mun. Pourquoi la première partie est-elle si intéressante? C'est qu'on y voit tout ce que l'homme abandonné à lui-même peut trouver de ressource dans son industrie, dans son courage et dans le sentiment réfléchi de ses besoins.

Nic.-Jos.-L. GILBERT (n. 1751-m. 1780). On regarde son ode sur le Combat d'Ouessant, comme ce qu'il a fait de mieux dans le genre lyrique, et par conséquent supérieure à celles sur le Jubilé et sur le Jugement dernier (1). Sa satire du XVIII. siècle est très piquante ainsi que son Apologie qui en est une suite. Mais des vers admirables et qui portent à l'ame, ce sont ceux qu'il a faits huit jours avant sa mort, et qui sont extraits d'une imitation de plu

sieurs psaumes.

Au banquet de la vie, infortuné convive,

J'apparus un jour, et je meurs :

Je meurs, et sur ma tombe, où lentement j'arrive,
Nul ne viendra verser des pleurs. etc.

Quand La Harpe, dans son Lycée, a jugé très sévèrement Gilbert, il avoit encore sur le cœur cette tirade qui le regarde nominativement dans l'Apologie:

C'est un petit rimeur, de tant de prix enflé,
Qui, sifflé pour ses vers, pour sa prose sifflé,
Tout meurtri des faux pas de sa muse tragique,
Tomba de chute en chute au trône académique.

(1) La dernière strophe de cette ode est très belle, mais surtout les trois derniers vers:

L'Éternel a brisé son tonnerre inutile,

Et d'aîles et de faux dépouillé désormais,

Sur les mondes détruits le Temps dort immobile.

Ces deux derniers vers, dont la tournuré est si originale et si piquante, sont restés dans la mémoire de tout le monde.

J.-B.-L. GRESSET (V. tom. 1, pag. 283 ). Les chefs-d'œuvre de ce poëte aimable sont le Méchant, Vertvert et la Chartreuse. Le Lutrin vivant et le Carême impromptu sont deux charmantes bagatelles, remarquables surtout par le talent de narrer et d'écrire. L'Épttre à ma Soeur est encore digne de l'auteur; les Ombres et l'Épitre au Père Bougeant se rapprochent un peu de la Chartreuse; mais l'Építre à ma Muse est d'un style inégal et foible de pensées. Nous ne parlons ni de la traduction des Églogues de Virgile, ni de la tragédie d'Édouard III, ni du Discours sur l'Harmonie, ni du Discours académique, ni, etc. etc. Quant à la Lettre sur la Comédie, elle passe pour un modèle de raison et de style.

ANTOINE GUÉNARD (n. 1726 - m. 1806). L'un des beaux morceaux de la littérature moderne et l'un des plus ignorés, est le Discours du P. Guénard qui a remporté le prix de l'Académie française en 1755 sur cette question : En quoi consiste l'esprit philosophique? les caractères qui le distinguent et les bornes qu'il ne doit jamais franchir, conformément à ces paroles de S. Paul: NON PLUS SAPERE QUAM OPORTET SAPERE sed sapere AD SOBRIETATEM. Ce beau discours a été réimprimé en mai 1821, Paris,

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Didot l'aîné, in-12 de 24 pages, tiré seulement à 100 exempl. qui n'ont point été dans le commerce. Il semble en vérité que l'on craigne que les bons ouvrages ne soient trop répandus, tandis que les livres d'un tout autre genre se réimpriment en profusion. Les morceaux les plus saillans de ce discours sont, 1.o celui où l'auteur peint Descartes, qui par les deux nouvelles et sublimes conceptions d'appliquer l'algèbre à la géométrie et d'expliquer les phénomènes de la nature en les soumettant aux règles de la mécanique, se montra le premier homme d'un génie créateur dont la France pût s'honorer depuis la renaissance des lettres; 2.o le morceau où il peint l'alliance de l'esprit philosophique avec le génie des lettres et des arts dans les productions du goût, et où il en fait voir le danger ; 3.o le très beau passage où il dévoile les abus et assigne les limites des facultés de la pensée dans les ouvrages de goût, ainsi que dans les matières de Religion. Rien peut-être en fait d'éloquence de raisonnement n'est supérieur à ce tableau dans lequel il expose la témérité et les écarts de la raison (1) sur les objets sacrés de la foi.

HÉSIODE (vers 900 av. J.-C.). Le plus beau mor

(1) Ce passage m'en rappelle un d'un très bon livre de dom Jamin, bénédictin (Lecture chrétienne, p. 274), où il est dit : «La raison, considérée dans l'usage que l'homme en fait, est, pour me servir de l'expression de Montaigne, un pot à deux anses que chacun tire de son côté. Elle a besoin d'une autorité qui l'arrête dans un juste milieu et l'empêche de donner dans les extrêmes. » Et cette autorité est celle qui émane de la Religion.

ceau de sa Théogonie est le tableau de la guerre des Dieux contre les Géans, tradition fabuleuse dont il est le plus ancien auteur, ou du moins le premier connu qui en ait fait mention (1). La peinture du Tartare où les Titans sont précipités par la foudre de Jupiter offre des traits qui semblent avoir servi de modèle à Milton lorsqu'il représente avec tant d'énergie les gouffres infernaux où sont précipités les Anges rebelles. Dans le poëme des Travaux et des Jours, la description de l'hiver passe aussi pour un superbe morceau ; on le compare ainsi que le précédent aux plus beaux endroits d'Homère; on y trouve la fable de Pandore, la naissance de Vénus, celle des Muses, filles de Mnémosyne et de Jupiter, etc.; mais aussi l'on y trouve des choses ridicules, triviales, superstitieuses, plus dignes de figurer dans le

(1) On ne peut guère disconvenir que la plupart des faits mythologiques, tels que celui que nous citons, n'aient pris leur sonrce dans la Bible; la raison en est palpable : à mesure que les nations se sont multipliées, elles ont perdu de vue le peuple primitif, et n'ont conservé, par une tradition altérée, qu'une idée confuse des faits qui se sont passés chez le peuple fidelle; les poëtes sont survenus, et, à l'aide d'une imagination vive et brillante, ont habillé à leur manière ces faits primitifs sans chercher à en découvrir l'origine; ainsi leur âge d'or est une peinture idéale du bonheur dont eussent joui les hommes dans le paradis terrestre; leurs Titans foudroyés sont une image de la punition des anges rebelles; leur Vulcain est calqué sur Tubalcaïn; leur déluge de Deucalion, sur le déluge universel; leur Bacchus, sur Noé; leur Japet, sur Japhet; leur Hercule, sur Samson; leur fable de Philémon et Baucis, sur la destruction de Gomorrhe et Sodôme; leur Iphigénie, sur la fille de Jephté, etc., etc., etc.

calendrier de l'Almanach de Bále que dans un poëme.

HOMÈRE (vers 1000 ans av. J.-C.). Ce prince des poëtes grecs a laissé deux poëmes immortels, l'Iliade et l'Odyssée ; le premier l'emporte beaucoup sur le second sous tous les rapports; c'est en vain que l'on chercheroit dans l'Odyssée ces grands tableaux, ces grands caractères, ces scènes dramatiques, ces descriptions remplies de feu, cette éloquence du sentiment et cette force de passion qui font de l'Iliade un tout plein d'ame et de vie. Aussi nous n'entreprendrons pas de détailler toutes les beautés dont l'Iliade fourmille; il faudroit copier le poëme presque entier. Quoi de plus simple et de plus noble que la marche de l'ouvrage? Les quatre premiers chants sont très beaux; les motifs de la colère d'Achille sont exposés dans le premier de la manière la plus intéressante. Dans le troisième, on remarque le combat singulier entre Ménélas et Pâris, les deux principales causes de la guerre, et l'art avec lequel le poëte fait intervenir Vénus pour interrompre ce combat par lequel la guerre et le poëme eussent été terminés si Pâris eût été tué. La manière dont Hélène figure dans ce chant est très intéressante. Les adieux d'Hectoret d'Andromaque signalent le sixième chant. Mais le neuvième l'emporte sur tout ce qui l'a précédé; Homère s'y montre aussi grand orateur que grand poëte. Tous les genres d'éloquence se rencontrent dans les discours de Phénix, d'Ulysse, d'Ajax

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