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LES FOURBERIES

DE

SCAPIN,

COMÉDIE.

******************

ACTE PREMIER.

Oui.

SCENE PREMIERE.

OCTAVE, SILVESTRE.
OCTAV E.

H! Fâcheufes nouvelles pour un cœur
amoureux! Dures extrémités où je me
vois réduit! Tu viens, Silveftre, d'ap-
prendre au port, que mon pere re-
vient?

SILVESTRE.

OCTAVE.

Qu'il arrive ce matin même ?

1

SILVESTRE.

Ce matin même.

OCTAV E.

Et qu'il revient dans la réfolution de me marier?

SILVESTRE.

Oui.

OCTAV E.

Avec une fille du Seigneur Géronte?

SILVESTRE.

Du Seigneur Géronte.

OCTAV E.

Et que cette fille eft mandée de Tarente ici pour

cela?

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A qui mon pere les a mandées par une lettre

Par une lettre.

SILVESTRE.

OCTA V E.

Et cet oncle, dis-tu, fait toutes nos affaires?

SILVESTRE.

Toutes nos affaires.

OCTA V E.

Ah! Parle, fi tu veux, & ne te fais point, de la forte, arracher les mots de la bouche.

SILVESTRE.

Qu'ai-je à parler davantage? Vous n'oubliez aucune circonftance, & vous dites les choses tout justement comme elles font.

OCTAV E.

Confeille-moi, du moins; & me dis ce que je dois faire dans ces cruelles conjonctures.

SILVESTRE.

SILVESTRE.

Ma foi, je m'y trouve autant embarraffé que vous; & j'aurois bon befoin que l'on me confeillât moimême.

OCTAV E.

Je fuis affaffiné par ce maudit retour.

SILVESTRE.

Je ne le fuis pas moins.

OCTA V E.

Lorfque mon pere apprendra les choses, je vais voir fondre fur moi un orage foudain d'impétueufes réprimandes.

SILVESTRE.

Les réprimandes ne font rien; & plût au ciel que j'en fuffe quitte à ce prix ! Mais j'ai bien la mine, pour moi, de payer plus cher vos folies, & je vois fe former, de loin, un nuage de coups de bâton, qui crévera fur mes

paules.

CTAVE.

O ciel! Par où fortir de l'embarras où je me trouve?

SILVESTRE.

C'est à quoi vous deviez fonger, avant que de vous y jetter.

OCTAV E.

Ah! Tu me fais mourir par tes leçons hors de faison. SILVESTRE.

Vous me faites bien plus mourir par vos actions étourdies.

OCTAV E.

Que dois-je faire? Quelle réfolution prendre? A quel reméde recourir?

Tome VII.

SCENE I I.

OCTAVE, SCAPIN, SILVESTRE.

SCAPIN.

U'eft-ce, Seigneur Octave? Qu'avez-vous?

QQu'y a-t-il Quel défordre eft-ce là; Je vous

vois tout troublé.

OCTAVE.

Ah! Mon pauvre Scapin, je fuis perdu, je fuis défefpéré, je fuis le plus infortuné de tous les hom

mes.

SCAPIN.

Comment ?

OCTAV E.

N'as-tu rien appris de ce qui me regarde ?

Non.

SCAPI N.

OCTAV E.

Mon pere arrive avec le Seigneur Géronte, & ils me veulent marier.

SCAPIN.

Hé bien? Qu'y a-t-il là de si funefte?

OCTAV E.

Hélas! Tu ne fais pas la caufe de mon inquiétude. SCAPI N.

Non;

mais il ne tiendra qu'à vous que je la fache bien-tôt ; & je fuis homme confolatif, homme à m'intéreffer aux affaires des jeunes gens.

OCTAVE.

Ah! Scapin, fi tu pouvois trouver quelque invention, forger quelque machine, pour me tirer de la peine où je fuis, je croirois t'être redevable de plus que de la vie.

SCAPIN.

A vous dire la vérité, il y a peu de chofes qui me foient impoffibles, quand je m'en veux mêler. J'ai fans doute reçû du ciel un génie affez beau pour toutes les fabriques de ces gentilleffes d'efprit, de ces galanteries ingénieufes à qui le vulgaire ignorant dopne le nom de fourberies; & je puis dire, fans vanité, qu'on n'a guéres vû d'homme qui fut plus habile ouvrier de refforts & d'intrigues, qui ait acquis plus de gloire que moi dans ce noble métier. Mais, ma foi, le mérite eft trop maltraité aujourd'hui ; & j'ai renoncé à toutes chofes, depuis certain chagrin d'une affaire qni m'arriva.

OCTAV E.

Comment! Quelle affaire, Scapin?
SCAPIN

Une aventure où je me brouillai avec la justice.

La justice?

OCTAV E.

SCAPIN.

Oui. Nous eûmes un petit démêlé ensemble.

SILVESTRE.

Toi, & la juftice?

SCAPIN.

Oui. Elle en ufa fort mal avec moi, & je me dépitai de telle forte contre l'ingratitude du fiécle, que je réfolus de ne plus rien faire. Bafte. Ne laiffez pas de

me conter votre aventure.

OCTAV E.

Tu fais, Scapin, qu'il y a deux mois que le Seigneur Géronte, & mon pere s'embarquérent enfemble pour un voyage qui regarde certain commerce où leurs intérêts font mêlés.

SCAPIN.

Je fais cela.

OCTAV E.

Et que Léandre & moi nous fùmes laiffés par nos pe

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