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de dresser la liste des débiteurs et de poursuivre les recouvrements (1).

Pour le même motif, elle invita la municipalité à faire acquitter le montant des « régales » usurpées. Le Comité d'instruction publique eut à présenter un rapport à ce sujet (2). Des poursuites furent aussi ordonnées contre un particulier qui avait semé dans des terres communales (3).

A sa demande, le Conseil municipal fixa le prix de la viande (4), que les bouchers furent tenus d'exposer (5). Pour qu'il n'en manquât point, on défendit d'en exporter (6) et on recensa le bétail (7). Il en manqua pourtant. On écrivit alors à la Société de Bargemon pour lui demander quelles mesures elle avait prises pour en procurer aux malades (8); on fit, dans cette vue, une souscription pour acheter des moutons (9), qu'un particulier proposa de garder et de tuer moyennant un «< louis » par mois, ce qui fut accepté (10).

La Société s'occupa aussi de la police. Le Comité de surveillance reçut la mission de découvrir ces maraudeurs qui avaient coupé des arbres à la pinède de Saint-Auxile (11), de poursuivre des tapageurs nocturnes (12), de rechercher des individus qui avaient mis des pierres dans les bottes de

(1) Séance des 27, 30 décembre 1792; 6, 10, 31 janvier, 18, 28 février; 14 mars 1793. Chaque particulier était redevable à la municipalité de 16 sous par pin coupé.

(2 Séances des 3 janvier, 24 février; 24 mars 1793; 18, 19 germinal an II.

3, Séance du 17 janvier 1793.

(4) Séance du 18 avril 1793.

(5) Séance du 24 du 2o mois de l'an II.

(6) Séance du 2 germinal.
(7 Séance du 4 germinal.
(8) Séance du 13 germinal.
(9) Séance du 14 germinal.
(10) Séance du 18 germinal.

11) Séance du 5 avril 1793.

(12) Séance des 8 ventôse, 28 prairial an II; 5 vendémiaire an III.

foin destinées à l'armée, afin d'en augmenter le poids (1) ou volé les cordes des cloches (2). Le 29 messidor an II, comme des dégâts importants avaient été commis dans quelques propriétés, on sonna le tocsin, on fit des patrouilles. La séance fut levée à minuit sans que les recherches aient donné aucun résultat. Une fois même, un membre poussa si loin l'amour de la tranquillité qu'il proposa d'infliger quinze jours de prison aux enfants qui venaient «< hurler devant la Société » (3).

Bien d'autres questions d'intérêt municipal ou privé préoccupèrent encore la Société : réparations aux fontaines (4), aux portes de la prison (5), aux toitures de la chapelle de Saint-Auxile et de l'église (6), au pavé des rues (7); contrôle mensuel des poids et mesures (8); vérification des registres de l'état civil (9); achat d'une peau de tambour (10), attribution d'indemnités supplémentaires aux particuliers chargés du transport de volontaires de Draguignan à Fayence (11); poursuite par le juge de paix d'un mari qui battait sa femme (12); port des cadavres au cimetière par les membres, à tour de rôle (13); délivrance de certificats de civisme (14), d'une attestation de bonnes vie et mœurs à un galérien (15); affichage du maximum dans les bouti

(1) Séances des 23 pluviose, 6 ventôse an II.

(2) Séance du 25 germinal.

(3) Séance du 27 pluviôse.

(4) Séances des 14 avril 1793; 4, 7, 28 germinal: 9 floréal an II.

(5) Séance du 22 février 1793.

(6) Séance du 7 avril 1793.

(7) Séance du 8 fructidor an II.

(8) Séance du 6 janvier 1793.

(9) Séance du 13 septembre 1793.

(10) Séance du 30e jour du 2 mois de l'an II.

(11) Séance du 16 décembre 1792. Ils n'avaient reçu que 25 sous chacun.

(12) Séances des 23 février, 15 mars 1793.

(13) Séances du 10 janvier 1793; 4° jour du 2o mois de l'an II.

(14) Séances des 21 ventôsc, 24 prairial an II, etc.

(15) Séances des 2, 4, 5 avril 1793.

ques (1). Le Comité de correspondance fut même chargé de répondre à un volontaire qui demandait des nouvelles de son père (2).

III

Il n'a pas été possible de déterminer le nombre total des membres de la Société de Callas. Au 14 février 1793, les recettes étaient de 97 livres 16 sous, ce qui représente exactement 163 cotisations à 12 sous chacune, mais à cette date les trésoriers avaient déjà fait un nouvel appel de fonds, de sorte qu'aucune affirmation n'est possible.

En tous cas, des médecins, des chirurgiens, des notaires, des « ménagers », des prêtres en firent partie.

Ces derniers furent choisis assez souvent comme membres du Comité de correspondance. Il ne paraît pas qu'ils aient jamais été inquiétés, même avant le 9 thermidor. D'ailleurs, comme on l'a vu, la Société s'occupa beaucoup plus de questions municipales que de politique pure. Sans négliger les intérêts généraux de la nation, elle comprit que son véritable rôle était de pourvoir aux besoins des habitants, et que le meilleur moyen de faire aimer la République était de veiller à la bonne administration de la communauté.

(1) Séance du 24 du 2e mois de l'an II. (2) Séance du 12 messidor.

Edmond PoUPÉ.

PRÉLIMINAIRES ET CAUSES

DES

JOURNÉES DE PRAIRIAL AN III

Suite et fin (1).

D'après cet exposé, on voit que, le 30 floréal, une partie de la population était résolue à faire la manifestation dont elle avait maintes fois (en germinal et floréal) menacé la Convention. Le motif de ces menaces d'insurrection semble unique d'après les rapports de police antérieurs au 1er prairial, seuls documents authentiques, strictement contemporains et relativement impartiaux que nous ayons sur la période comprise entre le 12 germinal et le 1er prairial. Ce motif, c'est la famine.

Les rapports de police antérieurs au 1er prairial sont, à cet égard, en contradiction flagrante avec celui qui fut rédigé le 2 prairial sur la journée du 1er prairial. « D'après les particularités que nous avons pu recueillir (disent les rédacteurs de ce rapport), nous sommes fondés à croire que la pénurie des subsistances a été le prétexte, malheureusement trop plausible, dont se sont servis les agitateurs pour égarer les citoyens crédules, mais que la cause du mouvement populaire, organisé depuis longtemps, provient

(1) Voir la Révolution française du 14 novembre 1902.

de la faction des anciens meneurs qui font demander aujourd'hui par le peuple, avec du pain, le rétablissement de la Constitution de 1793, la mise en liberté de tous les députés montagnards et de tous les membres des anciens Comités révolutionnaires. » Après la lecture des bulletins de police de germinal et de floréal, des journaux, même les plus aristocrates qui comme le Messager du soir s'étonnent du « courage héroïque avec lequel les citoyens endurent les maux les plus affreux (1) », ou comme l'Orateur du Peuple de Fréron, décernent des « éloges mérités... à la résignation vraiment républicaine avec laquelle le peuple de Paris supporte la disette (2) », il est impossible de ne considérer la disette que comme un prétexte fallacieux. En dépit des déclamations des thermidoriens au lendemain des journées de prairial, il est de toute évidence que la famine fut la raison profonde, la raison sine qua non de l'insurrection. Elle ne fut certes pas la seule, bien que les inspecteurs de police n'aient guère réussi à démêler les autres causes qui sont venues se superposer à la famine. Ces autres causes, je vais les rechercher, mais elles sont d'ordre secondaire et ne font que s'ajouter à la cause fondamentale que je viens d'essayer de mettre en lumière.

IV

Si, à la fin de floréal, une partie importante de la population est fort irritée contre la Convention, ce n'est pas seulement parce que celle-ci ne réussit pas à donner du pain au peuple, c'est aussi parce qu'elle a pris certaines

(1) Messager du Soir, 21 floréal (Paris, le 20); cf. les nos des 23 et 28 floréal.

(2) Orateur du Peuple, 2 prairial.

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